Au bout du suspense
L'exploit magnifique

La Suisse a signé le plus bel exploit de son histoire à Bucarest en 8e de finale de l'Euro. Les hommes de Vladimir Petkovic se sont imposés lors des tirs aux buts face aux champions du monde français.
Publié: 28.06.2021 à 23:58 heures
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Dernière mise à jour: 29.06.2021 à 19:24 heures
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Sommer impuissant sur le tir de Pogba, auteur du 3-1 décisif
Photo: JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Le 28 juin 2021 restera à jamais comme le grand soir du football suisse. A Bucarest, la Suisse a éliminé la France pour se hisser en quart de finale de l'Euro 2021. La Suisse a forcé la décision aux tirs au but pour effacer les souvenirs mortifiants de Cologne 2006 et de Saint-Etienne 2016.

Cinq tireurs sereins

Les cinq frappeurs suisses, Mario Gavranovic, Fabian Schär, Manuel Akanji, Ruben Vargas et Admir Mehmedi, n'ont laissé aucune chance à Hugo Lloris alors que Yann Sommer a stoppé le cinquième penalty des Tricolores qui a été frappé par la star Kylian Mbappé.

Après avoir renvoyé au pays les Champions du monde et avoir brisé enfin ce plafond de verre des huitièmes de finale, la Suisse ne doit plus avoir aucune limite. Son prochain défi la conduira sur la pelouse maudite de Saint-Pétersbourg, où elle avait été éliminée il y a trois ans par la Suède lors de la Coupe du monde 2018. Elle défiera l'Espagne pour une place dans le dernier carré. Sans malheureusement l'admirable Granit Xhaka. Le capitaine sera suspendu pour avoir écopé un second carton jaune dans ce tournoi.

La plus belle

La chronique de ce huitième de finale raconte que la Suisse a été menée 3-1 à la 75e alors qu'elle aurait pu, qu'elle aurait dû, mener 2-0 à la 55e. Le penalty raté par Ricardo Rodriguez fut le premier tournant d'une rencontre qui restera longtemps dans les mémoires. Et qui restera comme la plus belle jamais livrée par l'équipe de Suisse en raison non seulement de la performance de ses joueurs mais aussi et surtout du standing de l'adversaire. Regarder la meilleure équipe du monde les yeux dans les yeux pendant 120 minutes n'est pas donné à n'importe qui.

Avec d'un côté les onze titulaires de Bakou face à la Turquie et de l'autre une équipe articulée pour la première fois dans une phase finale autour d'une défense à trois, la Suisse s'avançait au coup d'envoi avec un avantage. Elle était habitée par ses certitudes alors que les Français nageaient dans un doute certain.

Même si Kylian Mbappé était apparu en jambes dans les premiers instants de la rencontre, le début de match était celui espéré par les Suisses. Ils pouvaient poser leur jeu avec une assise collective qui leur permettait de gommer un manque de justesse technique que l'on pouvait parfois déceler.

Une première depuis 1954

Au quart d'heure, la Suisse avait le bonheur d'ouvrir le score sur une tête de Haris Seferovic. Le Lucernois a pris le meilleur sur Clément Lenglet, qui n'avait pas disputé la moindre minute de jeu lors du premier tour, pour reprendre victorieusement un centre de Steven Zuber, auteur en la circonstance de son quatrième assist du tournoi. C'est la première fois depuis 1954 et le funeste quart de finale de la Coupe du monde contre l'Autriche que la Suisse menait au score dans une rencontre à élimination directe. L'histoire était en marche.

Elle devait malheureusement balbutier en l'espace de quatre minutes seulement. A la 55e, la VAR dictait un penalty pour une faute de Benjamin Pavard sur l'admirable Steven Zuber. Ricardo Rodriguez voyait sa frappe repoussée par Hugo Lloris qui stoppait son premier penalty en équipe de France depuis neuf ans.

Le Zurichois échouait pour la troisième fois de suite dans cet exercice en sélection après ses ratés de 2019 contre l'Eire et de mai dernier face aux Etats-Unis. N'aurait-il pas été plus judicieux de modifier la hiérarchie des tireurs pour «décharger» un Rodriguez qui s'est morfondu ces derniers mois sur le banc des remplaçants du Torino ?

L'échec de Rodriguez devait galvaniser les Français qui évoluaient en 4-2-4 depuis la reprise avec l'introduction de Kingley Coman pour Lenglet. Après une perte de balle de Seferovic, Karim Benzema pouvait égaliser en devançant la sortie de Yann Sommer. A la 59e, l'attaquant du Real Madrid surgissait cette fois après un centre d'Antoine Griezmann pour le 2-1. En grande souffrance en première période, Paul Pogba donnait à la 75e deux longueurs d'avance aux Champions du monde avec une frappe splendide dans la lucarne de Sommer.

Des ressources cachées

On pensait que la messe était dite. Mais c'était sans compter sur les ressources cachées de cette équipe de Suisse et le coaching gagnant de Vladimir Petkovic, qui lançait des forces vives dans la bataille avec les introductions de Mario Gavranovic, de Christian Fassnacht et de Kevin Mbabu.

Seferovic pouvait ainsi réduire le score sur une nouvelle tête victorieuse à la 81e avant l'égalisation à la 90e de Mario Gavranovic, lancé par une passe lumineuse de Xhaka. Le 39e France - Suisse de l'histoire a vraiment épousé un scénario complètement fou.

Petkovic peut être fier

«Je suis fier de cette équipe, de ces 120 minutes de jeu contre les Champions du monde, lance Vladimir Petkovic dont le coaching fut déterminant. Nous savons réagir à chaque fois que nous accusons un coup d'arrêt. Nous l'avons démontré ce soir. Nous avons aussi apporté des petites modifications dans notre jeu par rapport à la rencontre contre la Turquie.»

«Tous les Suisses peuvent être fiers de cette équipe, souligne pour sa part Granit Xhaka. J'ai toujours dit que nous allions écrire l'histoire. Nous avons témoigné d'une très grande force de caractère. Lorsque Seferovic a inscrit 3-2, nous étions convaincus de pouvoir revenir au score. Maintenant, tout le monde doit être conscient que nous n'avons pas éliminé une équipe lambda, mais les Champions du monde en titre.»

Héros de la séance des tirs au but avec son arrêt décisif sur la frappe de Kylian Mbappé, Yann Sommer souligne que les Suisses «avaient fait la promesse de se battre jusqu'à leurs dernières forces.» «Nous l'avons fait et au final, c'est nous qui passons, poursuit-il. C'est un sentiment incroyable.» Le Bâlois avoue, par ailleurs, que «les Français étaient forts mais qu'ils furent, à un moment donné, un peu trop arrogants.»

(ATS)

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