Les supporters suisses attendent toujours l’éclosion d’Ardon Jashari en équipe nationale. Malgré deux phases finales à son actif, le joyau du Club Bruges ne totalise que deux petites minutes de jeu avec la Nati. Sa dernière apparition remonte à la lourde défaite contre le Portugal (6-1) en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar.
En février dernier, avant la fin du tour préliminaire de la Champions League à Manchester, Murat Yakin lui a exposé un plan précis pour les prochains matchs amicaux lors d’un entretien en tête-à-tête. «Je suis ouvert à une redistribution des rôles selon les circonstances. Ses kilomètres parcourus en Belgique et en Europe sont précieux. Ensuite, Ardon devra se montrer!», avait déclaré le sélectionneur.
Mais la suite est connue: Ardon Jashari a finalement renoncé au camp au Portugal. Son corps, mis à rude épreuve par une saison éprouvante (41 matchs disputés), avait besoin d’un break. Blick a contacté le directeur sportif de Bruges, Dévy Rigaux, pour savoir comment le Lucernois était perçu en Belgique.
Blick: Les relations entre Ardon Jashari et l’ASF semblent complexes. Quel est votre avis sur la situation?
Dévy Rigaux: Je suis convaincu que le sélectionneur suisse, Murat Yakin, prend ses décisions en toute connaissance de cause. La Suisse a un luxe: un réservoir de talents de haut niveau. Personnellement, je préfère toujours avoir plusieurs joueurs performants à disposition. Ardon représente l’avenir de la sélection. S’il continue sur sa lancée en club, il devrait logiquement intégrer l’équipe nationale à moyen terme. Mais ce n’est pas à moi de dicter ses choix au coach. Pour un pays comme la Suisse, c’est une chance d’avoir un joueur comme lui.
Ardon Jashari était pressenti pour remplacer Granit Xhaka, forfait pour les matchs contre l’Irlande du Nord et le Luxembourg, mais il ne rejoindra finalement pas le camp de la Nati.
Ardon enchaîne les matchs à un rythme soutenu depuis plusieurs mois, parfois trois par semaine. Son corps a récemment montré des signes de fatigue face à cette charge de travail. Nous avons donc décidé d’être prudents. Les play-off approchent en Belgique, c’est le moment le plus crucial de la saison pour nous. Nous devons nous assurer qu’il soit en pleine possession de ses moyens et éviter d’aggraver d’éventuelles douleurs. Notre staff médical a échangé de manière transparente avec la fédération suisse à ce sujet. Pour moi, il n’y a aucun problème.
Comment décririez-vous Ardon Jashari sur et en dehors du terrain?
Ardon dégage un charisme immense. J’aime son intelligence, aussi bien sur le terrain qu’en dehors. Sa qualité ne me surprend pas, mais sa capacité à maintenir l’équilibre dans le jeu est impressionnante. Il apporte une intensité remarquable, un feu qui brûle dans chacune de ses actions. Son tempérament reflète une agressivité saine, sublimée par l’art du football.
Comment est-il perçu au sein de l'équipe?
Ses coéquipiers l'apprécient. Il cherche à prendre ses responsabilités et se présente avec assurance, sans jamais paraître arrogant. Il sait très bien comment s'exprimer, comment communiquer avec les gens.
Il a en tout cas pris le rythme, vu qu'il compte déjà 41 matches à son actif!
Lorsqu’on l’a suivi en Suisse, sa capacité à s’adapter au rythme et à enchaîner les performances nous a rapidement sauté aux yeux. Déjà là-bas, il imposait son influence sur les matchs en tant que capitaine. Ardon a ce don de s’adapter vite. Il n’a eu besoin que de quelques rencontres pour prendre la mesure de l’intensité plus élevée du championnat belge.
Et il a brillé en Champions League jusqu'à l'élimination en huitièmes de finale contre Aston Villa.
Ardon a reproduit en Europe ce qu’il avait déjà brillamment accompli en championnat : il a élevé son niveau à chaque étape. Il a toujours su absorber l’intensité et la vitesse du jeu. Passer au niveau supérieur ne lui pose aucun problème, tout comme le rythme du jeu. Pour un joueur de 22 ans qui découvre sa première saison à l’étranger, c’est tout simplement exceptionnel.
Votre première impression à Lucerne s'est donc confirmée?
Dès la première rencontre avec Ardon, j'ai senti qu'il incarnait quelque chose de spécial. Il est très bon dans ses relations avec les coaches et se montre très naturel lors des entretiens. Sur le plan sportif, ses qualités ont été immédiatement perceptibles: la compréhension du jeu, l'amour du travail au quotidien, sa merveilleuse technique. Un joueur de classe!
Comment est-il accueilli par les supporters?
Ils sont amoureux d'Ardon. Ils l'aiment beaucoup. J'ai lu beaucoup de commentaires. Et croyez-moi, je suis dans le business depuis longtemps, cela fait 16 ans que je travaille pour Bruges, mais il n'y a pas beaucoup de joueurs qui ont été aussi adulés. Il mouille le maillot à chaque match et n'abandonne jamais, il va jusqu'à la limite.
Le deal avec Ardon Jashari l'été dernier a-t-il été votre transfert le plus important? Je suis à mon poste depuis février 2024 et je vous raconte une petite anecdote: lors de notre troisième visite en Suisse, notre avocat du club était présent. Ardon n'a pas fait son meilleur match, alors il m'a demandé: 'Dévy, tu es vraiment sûr? C'est ton premier transfert, les supporters vont te juger là-dessus, tu en es conscient...'. Mais pour moi, il était clair qu'il devait venir, je n'avais aucun doute. Ecoutez-moi bien: je n'ai pas douté une seconde qu'il s'imposerait à Bruges et rendrait les supporters heureux. Son mélange de sang chaud et de sang froid est franchement fantastique. Ardon est promis à un bel avenir.
En janvier, le club a déjà prolongé son contrat jusqu'en 2029. Avez-vous déjà l'intention de le vendre cet été?
Honnêtement, ce n'est pas un scénario réaliste pour moi. Si on l'a prolongé, ce n'est pas peur de le perdre. Nous avons prolongé avec lui parce qu'il le méritait. Bruges est un club qui développe de jeunes joueurs, qui peut leur offrir des perspectives. En prolongeant le contrat, nous voulions dire merci - et Ardon l'a bien senti. Il a réagi de manière super heureuse et nous a remerciés pour ce geste de confiance.
Pourquoi êtes-vous favorable à ce qu'il poursuive sa carrière en Belgique pour le moment?
Il a ici une excellente situation sur le plan sportif: la possibilité de remporter un titre et de se qualifier à nouveau pour la Champions League. Il fait partie des candidats au Soulier d'or en Belgique. Je peux imaginer qu'il sera élu meilleur joueur de la ligue.
Le championnat belge est considéré comme un tremplin pour un championnat du top 5. Au vu de sa courbe ascendante de performances, de belles offres pourraient arriver, non?
Notre modèle d’entreprise repose sur le développement de joueurs à fort potentiel pour les amener vers un championnat du top 5 européen. Si une offre impossible à refuser arrivait, nous en discuterions avec Ardon autour d’une table. Mais, encore une fois, notre intention est qu’il reste avec nous une saison de plus.