Trabzon, ville portuaire du nord-est de la Turquie. C'est ici, au bord de la mer Noire, qu'aura lieu jeudi le premier et provisoirement unique match de football sur le sol turc depuis le tremblement de terre dévastateur.
La fédération nationale a interrompu le championnat, mais l'UEFA insiste pour que le match aller du barrage de la phase à élimination directe de la Conference League entre Trabzonspor et le FC Bâle ait lieu. Ce que l'entraîneur intérimaire du FC Bâle, Heiko Vogel, n'a pas hésité à critiquer mercredi matin avant de s'envoler pour la Turquie: «Le football est secondaire dans ce voyage. Que nous devions jouer un match si peu de temps après cette tragédie, c'est bizarre. J'aurais souhaité plus de pudeur de la part de certaines instances.»
«Parce que nous le devons»
Quelques heures plus tard, Heiko Vogel se voit confirmer ses propos. Dans le stade du champion turc, le complexe sportif Senol Günes, l'ambiance est morose. L'envie de jouer au football n'existe pas. Et ce, dans un pays où le football est comme une religion, où les résultats déterminent l'humeur des gens. Enfin, de manière générale. Mais après le tremblement de terre qui a fait plus de 40'000 victimes en Turquie et en Syrie, les pensées des employés du stade, des officiels du club et des acteurs sont tournées vers la zone sinistrée, située à 800 kilomètres au sud.
Lors de la conférence de presse, l'entraîneur de Trabzonspor, Abdullah Avci, ne mâche pas ses mots: «Mes joueurs et moi, nous ne pouvons pas penser au football. Nous jouons parce que nous le devons. Pas parce que nous le voulons.» Le stade affichera complet avec 40'000 spectateurs et toutes les recettes seront reversées aux victimes du tremblement de terre. Il en va de même pour la recette de 25'000 autres, appelés «billets souvenirs».
Le stade sera silencieux
Selon les journalistes locaux, le match deviendra symboliquement un match international sur lequel les yeux de toute la nation seront rivés. Les présidents de Fenerbahçe, Galatasaray, Besiktas et d'autres clubs ont également annoncé leur venue. Le stade restera silencieux durant les quatre premières minutes et 17 secondes du match: la terre a tremblé pour la première fois à 4h17, le matin du 6 février.
Au milieu de tout cela, le FC Bâle a la tâche ingrate de se mettre en bonne position pour le match retour de la semaine prochaine, mais aussi de rendre hommage à la situation en Turquie. Comment gérer cela? De manière très difficile. En toute objectivité, la chance d'infliger à l'équipe de Trabzonspor sa première défaite à domicile depuis août 2021 est grande d'un point de vue sportif. Et puis, il s'agit aussi de 300'000 francs de primes pour la qualification en 8es de finale – de l'argent dont ce FCB en difficulté a bien besoin.
Pas de célébration
Lorsque Heiko Vogel a appris que les joueurs de Trabzon se sont imposés une interdiction de jubiler pour ce match, il l'a aussitôt appliquée à sa formation: «Je vais donner des instructions à mes joueurs en conséquence. C'est le moins que nous puissions faire.» Et lors de la réunion d'équipe, il limitera son discours à des instructions tactiques, car «motiver les gars à fond avant un tel match serait totalement déplacé».
Le défenseur bâlois Kasim Adams est assis à côté de son entraîneur en conférence de presse. Le Ghanéen révèle qu'il est personnellement touché par ce tremblement de terre. Son ami et compatriote Christian Atsu, ex-joueur de Chelsea et sous contrat avec Hatyaspor depuis l'été dernier, est toujours porté disparu. L'espoir de le retrouver vivant semble très mince.