Devant, comme tous les autres cirques du monde, constamment être à la recherche de nouveautés pour renouveler son spectacle d'année en année, le cirque Knie a décidé de miser en 2024 sur Marc Jonin et Boyka, deux freestylers de renom. Le Fribourgeois, 20e mondial, et le Colombien, 5e, sont ainsi sur la route en compagnie du reste de la troupe depuis le début de la tournée annuelle du plus grand cirque de Suisse. Une première en Europe!
«C'est un honneur», confie Marc Jonin que Blick a eu l'occasion de rencontrer peu après l'arrivée du cirque Knie à Lausanne, où ses artistes s'y produiront du 27 septembre au 13 octobre. Interview, dans une roulotte, du champion suisse en titre, grand fan de Ronaldinho et bercé par les mythiques publicités «Joga Bonito» de Nike dans les années 2000.
En tant que champion de foot freestyle, j'imagine que lorsque tu jouais au football en club, tu devais être numéro 10 ou un ailier très technique, qui aimait provoquer et dribbler...
(Rires) Pas du tout, j'étais défenseur central. C'est assez marrant. J'ai aussi un peu joué en 6 ou latéral. J'étais technique, mais pas le numéro 10 comme on pourrait s'y attendre.
Comment as-tu débuté dans cette discipline?
De base, j'adorais jongler. À 10-11 ans, j'essayais constamment de battre mon record. J'en faisais plus de 2000, donc j'avais déjà quelques prédispositions pour des choses un peu techniques comme le foot freestyle. J'ai ensuite commencé à apprendre des petits gestes, car jongler devient lassant au bout d'un moment. J'ai regardé des tutoriels sur YouTube et j'ai remarqué que j'avais de la facilité. Je suis quelqu'un qui a pas mal de patience, donc j'ai persévéré et voilà.
À quel moment est-ce devenu plus sérieux pour toi?
Vers 17-18 ans, j'ai commencé concrètement le freestyle et j'ai fait mes premières compétitions à 22-23 ans.
Qu'ont dit tes anciens coéquipiers de deuxième Ligue inter quand tu leur as dit que tu arrêtais le foot pour te lancer dans le freestyle?
Je me rappelle en particulier d'un qui m'avait dit de manière péjorative que c'était pour le cirque, que je ne pourrais pas vivre de ça. Je lui ai dit que je m'en foutais, que je faisais ça pour le plaisir, que c'était devenu une passion. Aujourd'hui, je prouve le contraire puisque j'en vis grâce au cirque. Avant, j'avais un job à 50% à côté. Il m'a d'ailleurs réécrit, il n'y a pas longtemps, pour me dire qu'il avait raison, que c'est pour le cirque. (Rires)
Quels sont les retours des footballeurs professionnels que tu as pu croiser?
Ils sont toujours très bons. Il y a deux semaines, lors d'un show, j'ai vu Marco Wolfli et Mauro Lustrinelli (ndlr deux anciens internationaux suisses) et j'ai eu de très bons retours. Ils savent que c'est aussi beaucoup de travail pour en arriver là. Comme eux sur le terrain. Sur les compétitions Red Bull, il y a toujours un juré star et c'est souvent un footballeur.
Ronaldinho, le plus grand dribbleur et showman de tous les temps sur un terrain, a-t-il été un modèle pour toi?
C'est l'inspiration de tous les freestylers. Tout le monde l'adore. C'est un exemple. Il est une légende du football... mais presque aussi une du freestyle.
Penses-tu que la publicité lors de laquelle il tape trois fois la transversale de suite et que la balle lui revient à chaque fois parfaitement a été réalisée sans truquage?
Je pense que c'est fake. Ça parait gros quand même. Après, c'est Ronaldinho... (Rires)
À quel moment tu te dis que tu veux t'investir à fond dans le freestyle et que tu veux faire des compétitions?
C'est grâce aux réseaux sociaux. De base, j'utilisais Instagram pour voir mon amélioration. Finalement, j'ai eu des retours positifs de personnes que je prenais comme modèle. Cela m'a motivé, je me suis encore plus entraîné en passant à 5-6 heures par jour et je me suis dit que ce serait le moment de faire ma première compétition. C'était à Berlin. Le résultat n'était pas très bon, mais de partager et de m'entraîner avec des freestylers du monde entier ça m'a motivé.
Qu'est-ce qui fait un bon freestyler?
Pour devenir le meilleur, il faut être complet, être bon dans toutes les catégories. Tout ce qui est «tour du monde» avec toutes ses déclinaisons. Ce que tu fais assis, ma spécialité, donc jongler, garder le ballon sur la semelle, ... Il y a aussi ce que tu fais avec la partie haute du corps. Avoir le ballon sur la tempe, sur le haut de la tête... Et les acrobaties. Être sur les mains et tenir le ballon sur la semelle...
Vous vous départagez lors de duels. Il faut également avoir un côté showman, j'imagine.
Oui, clairement. C'est comme en breakdance. Il faut arriver avec de la confiance. Réussir à déstabiliser ton adversaire fait partie du jeu. Après, je suis Suisse, je ne suis pas le meilleur pour ça. (Rires) Il faut toujours rester fier, même si on a manqué sa prestation. Cela peut avoir une influence sur le jury. Être au cirque m'aide aussi à mieux apprivoiser la scène.
Justement, raconte-nous comment tu t'es retrouvé dans cette tournée.
Le matin du 1er janvier, j'ai reçu un message sur Facebook qui me demandait si j'étais intéressé à faire la tournée. Je n'ai pas répondu tout de suite, je pensais que c'était une blague. J'ai finalement répondu dans l'après-midi et dix minutes plus tard, Géraldine Knie m'a appelé. J'ai discuté avec mes parents, qui m'ont poussé à le faire. Ils m'ont dit que c'est le cirque national et que cela ne se refuse pas. Ça s'est ensuite fait rapidement.
C'est un exercice bien différent de ce dont tu as l'habitude. Avec ton partenaire, avez-vous pu monter votre numéro tout seul?
Nous avons travaillé avec deux chorégraphes, qui savent ce qui fonctionne bien visuellement. Nous leur avons montré ce dont nous sommes capables et elles ont sélectionné les mouvements, même si nous avons également pu donner notre avis. Ce sont finalement des gestes assez simples pour un freestyler. Nous avons ensuite beaucoup répété jusqu'à la première.
Qui a dû être stressante.
Oui, c'était très stressant. Ce n'est pas facile de se concentrer sur le ballon et de porter en même temps de l'attention au public. De plus, toute ma famille est venue voir la représentation à Rapperswil. Ce n'était d'ailleurs pas horrible, mais c'était notre moins bonne performance. Il y a eu 2-3 petites erreurs. Heureusement, ils savent que cela peut arriver. Nous sommes maintenant rodés. Nous avons déjà plus de 200 représentations derrière nous. Désormais, ce n'est plus du stress, mais de l'excitation de monter sur scène. En plus, nous avons une musique d'entrée assez épique, c'est stylé. (Rires)
L'expérience est donc plutôt positive.
Oui, clairement. Je ne pensais pas faire une tournée avec un cirque quand j'ai commencé le freestyle. Ce n'était pas un rêve, mais s'en est finalement devenu un. C'est la belle vie, même si cela change du confort du quotidien. Je me lève, je vais m'entraîner avec mon pote et le soir, nous performons devant 2000 personnes. Nous sommes aussi comme une grande famille qui voyage ensemble à travers la Suisse.
Avez-vous bien été accueillis par, entre autres, les dresseurs et les acrobates?
Oui. Certains ne connaissaient pas du tout et ont été surpris et très impressionnés. Personne n'a dit que nous n'avions pas notre place ici. Nous avons aussi la chance d'avoir un ballon, objet qui parle un peu à tout le monde. Le football est le sport le plus populaire du monde. Nous avons également eu de très bons retours de la part d'autres freestylers.
Te verrais-tu repartir l'an prochain pour une nouvelle tournée?
Probablement pas avec le cirque Knie qui renouvelle pas mal ses numéros d'année en année. Mais par contre, nous avons d'autres cirques à l'étranger qui nous ont contactés. Comme les clubs de football, ils ont des scouts qui vont voir les autres tournées pour trouver des nouveautés. Mais rien n'est signé. Nous verrons avec mon partenaire ce que nous souhaitons faire l'année prochaine.