Un tour plein de souvenirs
Pour Blick, Sebastian Vettel sort de sa retraite

Après 299 courses en Formule 1, le quadruple champion du monde Sebastian Vettel a pris sa retraite. Aujourd'hui, l'Allemand remonte dans son cockpit et réalise un tour très spécial, plein d'anecdotes et de souvenirs.
Publié: 04.12.2022 à 15:28 heures
Sebastian Vettel a donné une grande interview à Roger Benoit, notre expert Formule 1 à Blick.
Photo: Lukas Gorys
Roger Benoit

Pour Blick, Sebastian Vettel est remonté une dernière fois dans sa monoplace… ou presque. Le but: faire le tour du circuit de Monaco avec le quadruple champion du monde et, au fil des virages, lui poser des questions. Ainsi, l'Allemand pourra quand même effectuer son 300e Grand Prix. Prêt? Alors c'est parti.

Photo: DR

Mais qui se retire après 299 Grand Prix? D'accord, Jackie Stewart avait pris sa retraite après 99 courses… Alain Prost — comme vous, quatre fois champion du monde — a arrêté après 199 courses… Bon OK. Vous avez bouclé votre ceinture? C'est parti. Vous ne devez pas réfléchir trop longtemps, car on va à toute allure. On vient de franchir la ligne de départ… Comment tout a commencé pour vous?
C'est simple. Mon père Norbert faisait des courses et toute la famille était en quelque sorte infectée par le virus de la moto. J'avais trois ans et demi. On m'a alors offert un karting d'occasion sous le sapin de Noël. Je faisais des tours avec dans la cour. En 1995, à l'âge de sept ans, j'ai participé à ma première course officielle.

On arrive vers le premier virage… Qui a été votre adversaire le plus redoutable? Et avez-vous pu faire confiance à beaucoup d'autres pilotes durant votre carrière?
Je dois réfléchir un instant. Sur l'ensemble de la carrière, certainement Hamilton et Alonso. Et la confiance en l'adversaire se fait par l'inconscient. J'ai pu m'y fier la plupart du temps. Et si ce n'était pas le cas, ça se terminait en catastrophe.

En 2011, Vettel, au volant de la Red Bull, était en tête au premier virage de Sainte Dévote.
Photo: Lukas Gorys

Freinez, freinez…
Pourquoi?

Vous avez pris trop de temps à la question précédente et on arrive à Sainte-Dévote. Un virage avec de nombreux crashs par le passé. Comment la sécurité a-t-elle évolué depuis vos débuts chez BMW Sauber en 2007 à Indianapolis?
Je pense que la F1 a beaucoup appris durant cette période et, bien sûr, du cas tragique de Jules Bianchi en 2014. Je ne pense pas que ce sport ait perdu de son attrait. Et avec l'introduction du halo en 2018, nous avons tous vécu une grande étape en matière de sécurité. De manière générale, j'ai été satisfait de l'évolution.

Il faut maitenant gravir la pente jusqu'au casino. Quels ont été vos moments forts en dehors de vos quatre titres de champion du monde?
Ma première victoire en 2008 avec Toro Rosso à Monza. Puis l'ascension avec Red Bull — et plus tard les six années avec Ferrari. Ce sont tout simplement de superbes souvenirs — et j'ai gardé les 53 trophées de mes victoires!

Au volant d'une Ferrari, Sebastian Vettel passe devant le casino de Monte-Carlo en 2017.
Photo: Lukas Gorys

Dans cette ligne droite de Beau-Rivage, il reste encore un peu temps pour quelques réflexions. Votre meilleur coéquipier, votre meilleure voiture?
Ma meilleure monoplace était la RB6, voiture que j'avais lors de mon premier titre en 2010. Je me suis également senti bien dans la Ferrari de 2017. Et au niveau des coéquipiers, c'est sans doute Mark Webber qui m'a le plus appris. Mais je me suis aussi souvent cassé les dents sur lui. Et avec Kimi Räikkönen, j'ai eu à mes côtés pendant des années le plus grand talent qui ait jamais existé chez Ferrari.

Maintenant, place à Massenet, ce virage à gauche ultra-rapide. La peur vous a t-elle aussi accompagné durant votre carrière?
Pas vraiment de la peur, mais il ne faut jamais perdre le respect du danger. On ne veut pas s'envoler. Pour le dire de manière plus simple: moins tu as confiance en ta voiture, moins tu as le goût du risque! Donc, d'une manière ou d'une autre, tu n'es pas en mesure d'atteindre la limite.

Nous sommes devant le Casino. Vous êtes joueur? Quel est votre numéro porte-bonheur?
Le casino ne va rien gagner avec moi. J'y vais peut-être une fois et je joue à la roulette. Si je gagne, je vais immédiatement au guichet pour retirer mes jetons. Un numéro porte-bonheur? Je ne sais pas si j'en ai un. J'ai longtemps eu le 5 sur ma voiture. Le 17 me plaît aussi.

Et si vous deviez remplir les six numéros du loto?
Donc 5, 17, 11, 33, 43 et le 1.

On descend vers Mirabeau. Ce n'est pas l'endroit idéal pour doubler. Pourtant, vous aimiez le risque?
Non, je ne suis pas un type qui aime particulièrement le risque, qui se lance dans une aventure sans réfléchir. Sur le circuit, je ne vois le risque que comme une opportunité de dépassement. Et je ne connais aucun fou en Formule 1 qui se surestime vraiment en matière de risque!

On tourne à droite à Mirabeau. La concentration est totale. Et on change les rôles. Quelle question vous poseriez-vous à vous-même?
Je ne sais pas. Une question que l'on doit se poser avant de monter dans le cockpit: Es-tu prêt? Ce qui peut faire référence à beaucoup de choses. A-t-on l'esprit libre, est-on en bonne forme physique et a-t-on des pensées positives pour la course? Sur ce point, nous sommes probablement tous égaux avant le départ.

Vous passez maintenant à toute vitesse devant le jardin botanique et ses belles fleurs. Quand êtes-vous devenu écologiste?
J'ai toujours eu cette fascination et cet enthousiasme pour la nature. J'ai toujours aimé être dehors et me réjouir de tout ce que le monde a à offrir. Je n'ai donc jamais eu à changer de croyance! Avec tous ces messages environnementaux, nous ne pouvons pas nous voiler la face: sans un monde vert, nous n'avons pas d'avenir.

Le virage en épingle de Monaco est légendaire. Pour Vettel aussi, la vie prend désormais un tournant radical.
Photo: Lukas Gorys

Nous sommes maintenant à l'épingle du Grand Hôtel — le virage le plus lent de l'année. Y a-t-il des choses que vous pouvez prendre plus tranquillement dans votre vie désormais?
A Monaco, il n'y a pas de virage que l'on puisse prendre tranquillement. Bon, on enlève un peu de gaz ici. C'est certainement ce qui va se passer dans ma nouvelle vie. Voyons ce que l'avenir nous réserve.

Nous prenons la direction à la mer. De quoi aimez-vous vous souvenir?
De beaucoup de choses. Je suis satisfait d'avoir pu vivre tout cela. Je ne pourrai certainement pas me souvenir de tous les bons moments. Je suis juste reconnaissant pour tous les bonheurs de la vie.

Virage à droite vers le tunnel. Quand êtes-vous allée chez le coiffeur pour la dernière fois?
C'était il y a longtemps. Au début de l'année, je crois. Ça se voit? (rires)

Nous sommes maintenant le tunnel. Quelles ont été vos heures les plus sombres dans ce sport?
Je n'ai pas eu beaucoup de jours sombres dans ma carrière. Peut-être le Brésil en 2009, lorsque j'ai perdu le championnat du monde contre Jenson Button. Même ma victoire lors de la dernière course à Abu Dhabi ne m'a plus servi à rien. Et en 2014, lorsque le règlement a été modifié, on m'a en quelque sorte coupé l'herbe sous le pied. Parce que je ne trouvais plus les voitures aussi intéressantes.

En 2019, Sebastian Vettel sort en trombe du tunnel obscur au volant de sa Ferrari. L'Allemand a également connu des moments sombres au cours de sa carrière.
Photo: Lukas Gorys

Vous venez de passer 15 longues secondes dans le tunnel. Que se passe-t-il à la sortie, après 299 courses? Quels sont vos projets? Est-ce que vous allez prendre de longues vacances?
Quoi, 15 secondes? Je n'ai jamais passé autant de temps dans le tunnel. Cinq secondes, tout au plus! Je vous l'assure.

(Vettel sort son téléphone et regarde immédiatement le tour pour la pole position de Charles Leclerc en 2022. La Ferrari traverse le tunnel à toute vitesse — en 5,2 secondes.)

En 15 secondes, tout le monde est déjà dans le virage suivant (rires). Et maintenant, pour répondre à vos questions: après 299 courses, il y a un nouveau point de freinage. J'ai maintenant 35 ans. Si tout va bien, j'ai certainement encore 40 ans devant moi. De quoi sera fait l'avenir? Je ne le sais pas. Peut-être que je vais m'ennuyer plus tôt que prévu. Je n'ai pas vraiment de plan.

On sort du tunnel, à toute vitesse jusqu'à la chicane du port. C'est là que les accidents se produisent régulièrement. Vous avez déjà eu de graves accidents?
Je me suis cassé le doigt une fois. Je crois que c'était en 2006, dans les Renault World Series. Mais je n'ai jamais eu de gros accidents. Il y a bien eu un peu de casse, mais ça n'était jamais dramatique.

Tout droit jusqu'au virage du Tabac. Avez-vous déjà fumé?
Non, je n'ai jamais fumé. Enfin, j'ai essayé une fois à 14 ans, mais j'ai tout de suite été malade et j'ai beaucoup toussé. C'est à ce moment-là que ce sujet a été clos.

Vettel en 2011 dans le virage du Tabac sur le port de Monaco.
Photo: Lukas Gorys

On fait une courte pause sur le port. Avez-vous déjà eu des doutes sur vous-même?
Oui, beaucoup. Et à plusieurs reprises. En fait, pendant 15 ans! Je pense que c'est un sujet dont on ne parle pas ou trop peu. C'est un problème connu de tous les pilotes et qui les accompagne à chaque course jusqu'à la ligne de départ. Peu importe à quel point quelqu'un peut paraître calme ou serein de l'extérieur, je pense que nous sommes tous marqués par le doute.

Maintenant, place à la combinaison de la piscine. Chez Ferrari, vous avez nagé pendant six ans et, malgré 14 victoires, vous n'avez pas atteint le grand objectif de devenir champion du monde. Pourquoi?
Nous n'étions pas assez bons, nous n'avons jamais eu le package qui aurait pu conduire au titre. Nous n'avons peut-être jamais été assez forts pour vraiment défier Lewis et Mercedes. On peut tourner cela comme on veut maintenant. Il y a bien sûr beaucoup d'autres raisons, mais en fin de compte, nous n'avons tout simplement pas atteint notre grand objectif.

L'épingle de la Rascasse nous attend. Là où les fans à table admirent de près les voitures derrière les grilles, là où l'huile gicle dans leurs assiettes. Votre plat préféré?
Les spaghettis à la carbonara. Et sinon, tout simplement les pâtes.

Les fans voient passer Vettel à toute vitesse depuis l'espace restauration. L'Allemand y commanderait des spaghettis à la carbonara.
Photo: Lukas Gorys

C'est la dernière ligne droite. Il doit y avoir de la joie. Est-ce que vous quittez le cirque en étant heureux? Est-ce que des émotions, voire des larmes, surgissent?
L'un n'empêche pas l'autre. Je sens que ma retraite est liée à beaucoup d'émotions. J'ai décidé moi-même que je voulais voir le dernier drapeau à damier.

On franchit la ligne d'arrivée. Les questions finales: avez-vous toujours eu envie de monter dans un cockpit?
Je dirais presque toujours! Bien sûr, après une nuit agitée ou une journée d'essais éprouvante, il manquait parfois le lendemain une grande motivation pour grimper dans le cockpit à 8h30. Et lors des courses, il arrivait qu'après dix tours, on se dise que ce serait bien si l'arrivée était déjà là…

Lors de vos 38 victoires pour Red Bull, vous avez souvent été sifflé. Cela vous a-t-il fait mal?
Bien sûr que ça fait mal. Je pense que c'est le fait que nous ayons gagné si souvent, que nous ayons été si forts. Les gens en ont eu marre. Ce n'est pas différent aujourd'hui. Il y a deux ans, les fans étaient heureux de voir Verstappen gagner. Aujourd'hui, ils sont peut-être un peu fatigués par ses nombreuses victoires. Au début, ils étaient aussi contents que Hamilton ne gagne plus tout le temps. Maintenant, ils apprécieraient qu'il gagne à nouveau. C'est une succession de hauts et de bas.

Triomphe en rouge en 2017. Vettel remporte le GP de Monaco avec Ferrari.
Photo: AFP

Qu'est-ce qui ne vous manquera pas?
Faire ses valises — et surtout devoir vivre avec elles.

Et que conseillez-vous à votre ami Mick Schumacher, actuellement au chômage, pour l'avenir?
Il a besoin d'un peu de temps pour digérer tout cela. Je lui souhaite beaucoup de courage et d'espoir pour sa prochaine mission. Je m'attends à ce qu'il ait bientôt une vraie chance de revenir. Je crois en son potentiel. Il peut faire beaucoup plus que ce qu'il a montré ces deux dernières années. La voiture n'avait rien de spécial et l'équipe a aussi fait beaucoup d'erreurs. Bien sûr, son nom n'est pas non plus toujours un avantage.

Avez-vous un souhait pour Noël?
J'ai suffisamment reçu dans ma vie pour avoir des souhaits. Je souhaite que nous soyons tous de plus en plus ouverts et tolérants. Que notre société devienne toujours plus honnête, qu'elle évolue et ne reste pas figée. Il y a tant de choses que nous pouvons encore apprendre et améliorer!

Sebastian Vettel, nous vous remercions pour ce tour un peu exceptionnel à Monte-Carlo, où vous avez gagné en 2011 sur Red Bull et en 2017 sur Ferrari. En temps normal, il vous fallait 70 secondes pour parcourir les 3,3 kilomètres de la Principauté. Cette fois, il vous a fallu 27 minutes. Merci — également au nom de vos millions de fans — pour ces 15 années fantastiques en Formule 1.

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