Le soleil se lève à peine à Martigues, dans le sud de la France. Mais la lumière est déjà allumée dans la petite salle de fitness de la piscine Avatica. Un homme à la posture imposante, les cheveux coiffés en arrière, se hisse à la barre de traction. Encore et encore. Dehors, on n’entend que les mouettes et la protection de la piscine qui s’abaisse. L’eau claire et fumante invite directement à s’y plonger.
L’entraîneur Philippe Lucas est toujours le premier sur place. Chaque jour, à 5h15, il travaille son physique avant de peaufiner les capacités de nage de ses protégés. Depuis l’automne 2021, Jérémy Desplanches fait partie de cette équipe. Le Genevois arrive à 6h40 avec sa trottinette électrique, suivi de sa fiancée Charlotte Bonnet. Ils sont prêts pour une nouvelle journée d’entraînement intensif. Au programme: cinq heures de natation et une séance de musculation.
La journée commence en douceur, il est important de s’étirer et de s’échauffer. Les autres membres du groupe d’entraînement — qui compte une vingtaine de personnes — arrivent peu à peu. L’ambiance est détendue, et Philippe Lucas a bien envie de plaisanter. Bien que Jérémy Desplanches affirme ne pas être «du matin», il se laisse gagner par l’ambiance positive.
Début du programme dans l’eau
Après environ 30 minutes, il est temps de se mettre au travail. Il faut aller se changer, et direction le bassin. Dans le programme du coach français à succès, il s’agit de nager, nager et encore nager. 800 mètres libre, 400 mètres dos, 800 mètres libre et brasse. En plus de Philippe Lucas, deux assistants surveillent le groupe, donnent des instructions et annoncent les temps de parcours à une cadence digne d’une vente aux enchères.
Ils nagent pendant plus d’une heure, avant de faire une première pause. À la fin de la journée, les athlètes ont parcouru au moins 13 (!) kilomètres à la nage.
Son succès donne pourtant raison aux méthodes de Philippe Lucas. Depuis les années 80, ce Français de 58 ans est entraîneur de natation. Sous son aile, Laure Manaudou a remporté l’or, l’argent et le bronze aux Jeux d’Athènes en 2004. À l’époque, elle n’est pas la seule à être devenue une star en France — son coach aussi. Son apparence et ses phrases restent dans les mémoires. «Il est unique en son genre», indique Jérémy Desplanches à son sujet.
L’ex-coach absent lors du plus grand succès
Mais comment en est-on arrivés là? Retour en arrière, en juillet 2021, à Tokyo. Grâce à une course folle, Desplanches remporte le bronze olympique sur 200 mètres en 4 nages, mettant ainsi fin à 37 ans de disette pour la natation Suisse. Son coach de l’époque, Fabrice Pellerin, n’était pas présent. Déçue par cette décision, la star de la natation a décidé de changer d’air. «Philippe m’a toujours attiré, alors je me suis dit que j’allais jeter un coup d’œil», confiait-il à Blick à l’automne.
Avec Charlotte Bonnet, il quitte Nice pour Martigues, près de Marseille. Nouvel entraîneur, nouveau groupe, nouvelles méthodes. Au vu de son palmarès, Jérémy Desplanches devrait facilement s’adapter à ces conditions. Il n’en est rien. C’est un plongeon dans l’inconnu. «Je commence seulement à m’habituer à l’intensité de Martigues. Non, même pas à m’habituer — je survis.»
Philippe Lucas est toutefois satisfait de «Jéjé», comme il l’appelle affectueusement. «Ce groupe est un peu dur pour lui, car il n’est pas habitué à ce travail. Mais il s’accroche et a un objectif clair. C’est un garçon très professionnel.»
«La difficulté a été augmentée de trois niveaux»
La quantité plutôt que la qualité. Tout cela avec le grand objectif d’être au moins une seconde plus rapide aux Jeux olympiques de 2024 à Paris. Certes, il a décroché la médaille de bronze dans les 50 derniers mètres à Tokyo, mais il a en même temps perdu cette même seconde sur les deux premiers. «Je veux m’améliorer, et j’ai donc augmenté la difficulté de trois niveaux.»
Après deux heures et demie, l’entraînement dans l’eau est terminé. Le premier, bien sûr. Le soleil brille désormais sur Martigues. Pour le groupe de nageurs, une pause de quatre heures s’impose. Manger, dormir deux heures et demie et manger à nouveau — tel est le programme de Jérémy Desplanches et Charlotte Bonnet.
L’après-midi, les nageurs peuvent eux aussi se défouler dans la salle de fitness, avant de parcourir à nouveau des kilomètres dans la piscine. Crawl, dos, papillon et brasse — toutes les nages sont affûtées. Après cinq heures dans l’eau, Jérémy Desplanches est épuisé.
Le réservoir est vide
Après une telle journée, il ne reste pas beaucoup d’énergie pour autre chose. La plupart du temps, il va se coucher à 21h30. De toute façon, il n’y a pas grand-chose à faire à Martigues. «Ici, il y a moins de distractions qu’à Nice. C’est idéal pour la natation, concède sa fiancée Charlotte Bonnet. Mais je ne voudrais pas rester ici à vie.»
Jérémy Desplanches abonde dans son sens. La petite ville est surnommée la «Venise provençale» en raison de ses nombreux canaux. «C’est une belle ville. Mais je viens de Genève et avant, je m’entraînais à Nice. Ce sont deux grandes villes.»
Sur le plan sportif, le couple de nageurs entend tirer le meilleur de son séjour dans la cité portuaire. Dans leur vie privée, ils sont toutefois occupés depuis quelques mois par la planification de leur mariage. Pendant les vacances de l’année dernière, Jérémy Desplanches a demandé la main de Charlotte Bonnet. La grande fête devrait avoir lieu à l’été 2023. «Ce n’est pas du travail en moins, souffle-t-il. Et on a un problème avec le lieu, puisque j’ai des amis en Suisse et en France et qu’elle a des amis dans toute la France.»
Dans la même équipe que sa fiancée
C’est pendant leur séjour à Nice que Jérémy Desplanches et Charlotte Bonnet se sont rencontrés et sont tombés amoureux. S’entraîner et participer à des compétitions avec sa compagne — une situation plutôt particulière. Mais pour le Genevois, c’est l’idéal. «Nous nous entraînons ensemble, mais lorsque nous participons à des compétitions, je représente la Suisse et elle la France. Ainsi, nous nous voyons toujours, nous nous encourageons. Le reste du temps, chacun est de son côté.»
La situation actuelle convient aux deux. Mais quelque chose ronge Jérémy Desplanches: il a le mal du pays. Et ce, même après plus de sept ans en France. «La Suisse me manque tellement. Les gens, la propreté, les montagnes, les lacs, le chocolat, la fondue… Oh la la.»
Actuellement, il n’a que les championnats du monde de Budapest en tête. Même s’il est en pleine saison de transition, il vise la finale du 200 mètres 4 nages ce mardi. Après, tout sera possible. Samedi, lors de la première épreuve dans la capitale hongroise, il n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière.
Sur 100 m brasse, il a nagé en 1'01"24 presque une seconde de plus que son record de Suisse de Tokyo. Et cela était synonyme d’élimination en séries. Même si les autres résultats ne sont pas encore au rendez-vous, ce ne serait pas une raison pour faire l’autruche. Car tout comptera à Paris, en 2024.