J’ai quand même le don pour me mettre dans des situations compliquées. Dans une de nos newsletters, j’annonçais que j’allais participer au 20 km de Lausanne l’année prochaine. Mais avant d’enfiler mes baskets sur le bitume vaudois, je me suis lancé un autre défi lors de la séance de rédaction. «Et si j’allais faire la dernière montée de l’étape de dimanche du Tour de France lors de mon seul jour de congé de la semaine?» Emballés, mes collègues m’ont poussé dans mon vice.
Avant de parler du profil de «mon» Tour de France, je dois d’abord vous parler de mon niveau. Je suis un cycliste du dimanche: mon engin tient la route mais je suis encore tiraillé par l’envie de me procurer des chaussures à clip. Sur le papier, un niveau bien trop médiocre pour réaliser une ascension classée «Catégorie 1» sur le Tour.
Donc, plus de 24 kilomètres avec quelque 1100 mètres de dénivelé, ça allait faire mal. J’avais trois objectifs avant de m’élancer: arriver au sommet — le plus important; le faire en moins de 2h37 — le temps indiqué sur Google Maps; ne pas me faire dépasser sur la montée — sauf par les véhicules motorisés, évidemment.
0. L’échauffement
Oui, j’aurais pu me rendre à Monthey en transports publics. Mais autant profiter de la courte distance qui sépare la ville du Chablais de St-Maurice pour chauffer mes guiboles, histoire de ne pas attaquer la difficulté du jour à froid. Les coureurs du peloton en feront de même sauf qu’au lieu de mes neuf ridicules kilomètres, ils vont en parcourir 166… Malheureusement, je n’ai pas douze jours pour réussir mon défi. Je vais donc me contenter de mon modeste échauffement. Les jambes sont chaudes, je peux attaquer la montée.
Mood: On y croit.
1. Les premiers regrets
Aïe. Après à peine 300 mètres, je regrette déjà mes choix de vie. La première goutte de sueur perle sur mon nez. Ça grimpe, et pas qu’un peu. Mais je m’accroche. Imaginez de quoi aurait l’air cet article si je m’arrête après à peine dix minutes — la honte.
Première lueur d’espoir dans mon chemin de croix: le panneau annonçant le hameau de Vers-Ensier. En dessous, en petit, il est spécifié «Cne de Troistorrents» (j’ai le temps de le lire, vu la vitesse à laquelle je roule). Est-ce que j’arrive (déjà) à mon premier objectif? Que nenni, je viens juste d’atteindre la commune qui va m’accompagner sur une grande partie de mon parcours. Heureusement, la vue est à couper le souffle — d’ailleurs, je n’en ai quasiment plus.
Sur cette première partie, je fais également la connaissance de certains automobilistes. Dont cette dame, qui préférerait que je roule à 60km/h au lieu des 10 que je fais actuellement. Enfin, j’imagine que c’est ce que signifiait son coup de klaxon. Désolé madame, mais je n’ai pas de moteur sur mon vélo. Et au vu du prix de l’essence, je suis presque content de faire cette montée à la force de mes jambes.
Mood: Pourquoi j’ai annoncé cet article à la séance de rédaction?
2. Satanés lacets
«Ça ne s’arrête jamais» est sans doute la phrase que j’ai le plus prononcée dans ma tête lors de cette première partie d’ascension. Il n’y a aucun moment de répit. Ça monte, encore et encore. Sur ma plus petite vitesse, je galère. Une fois arrivé à Troistorrents, je pose pour la première fois le pied à terre, histoire de me reposer deux minutes. Ce que le peloton n’aura pas besoin de faire.
Mais le pire est encore à venir. Quand j’étais petit, je n’aimais pas les lacets. À l’école, je ne comprenais pas ces histoires de lapin qui rentre dans le tronc d’arbre alors qu’un ours le pourchasse. Depuis, j’ai grandi, je sais lacer mes baskets. C’est désormais d’autres lacets qui vont hanter mes nuits. Ceux des routes, que j’ai dû emprunter à la sortie de Troistorrents.
Ces interminables lignes droites, suivies d’un virage, puis d’un autre, me donnent un coup au moral. Mais, comme depuis le début, il ne faut rien lâcher.
Mood: S’il vous plaît, faites que ça s’arrête.
3. La souffrance avant la libération
Le tronçon jusqu’à Morgins est le plus dur de mon ascension. Entre le 10e et le 11e kilomètre, la pente est mesurée à 8,6% de moyenne. Aïe, de nouveau. Heureusement, la station valaisanne est en vue.
Après des kilomètres de douleur, la pente s’adoucit enfin. À ce niveau-là, on est presque sur du plat, avec 5,1% de pente. Un calme qui fait du bien à mon dos, mes genoux, mes pieds, ma tête… Ah, tiens, tout mon corps en fait. Une fois le village de Morgins atteint, le plus dur est passé (ou presque). Un petit salut de la tête aux douaniers — je n’ai plus vraiment la force de leur adresser un bonjour — et me voici en France.
Mood: Le plat, c’est la vie.
4. La dernière montée
Dans l’Hexagone, on pourrait presque penser que mon parcours est fini. Ça y est, j’aperçois Châtel, «ville arrivée» comme il est affiché partout dans le village lorsque j’y pénètre. Les gens s’affairent à rendre les rues parfaites pour le passage de la Grande boucle.
Jusqu’à Châtel, ce n’est que de la descente. Un plaisir que je vais regretter très rapidement. Arrivé dans la station, mon périple n’est pas terminé. Je dois me retaper quelques kilomètres de montée pour atteindre la «vraie» arrivée du Tour de France, à Pré-la-Joux.
Mes jambes souffrent, mon coup de pédale est faible, je n’avance presque plus. Mais ça y est, après une petite demi-heure d’efforts intensifs, j’y suis. Je peux lever les bras — mes trois objectifs sont atteints. Francis, un passant croisé à l’arrivée, me prend en photo. Ça y est, je l’ai fait, je suis arrivé au bout de mon défi.
Mood: «Pas ça, Zinédine, […] pas après tout ce que tu as fait»
1er juillet: 1re étape, Copenhague - Copenhague, 13,2 km (contre-la-montre individuel).
2 juillet: 2e étape, Roskilde (DEN) - Nyborg (DEN), 202,2 km.
3 juillet: 3e étape, Vejle (DEN) - Sönderborg (DEN), 182 km.
5 juillet: 4e étape, Dunkerque - Calais, 171,5 km.
6 juillet: 5e étape, Lille Métropole - Arenberg Porte du Hainaut, 157 km.
7 juillet: 6e étape, Binche (BEL) - Longwy, 219,9 km.
8 juillet: 7e étape, Tomblaine - La super Planche des Belles Filles, 176,3 km.
9 juillet: 8e étape, Dole - Lausanne, 186,3 km.
10 juillet: 9e étape, Aigle - Châtel, 192,9 km.
12 juillet: 10e étape, Morzine - Megève, 148,1 km.
13 juillet: 11e étape, Albertville - col du Granon, 151,7 km.
14 juillet: 12e étape, Briançon - Alpe d'Huez, 165,1 km.
15 juillet: 13e étape, Bourg d'Oisans - Saint-Etienne, 192,6 km.
16 juillet: 14e étape, Saint-Etienne - Mende, 192,5 km.
17 juillet: 15e étape, Rodez - Carcassonne, 202,5 km.
19 juillet: 16e étape, Carcassonne - Foix,178,5 km.
20 juillet: 17e étape, Saint-Gaudens - Peyragudes, 129,7 km.
21 juillet: 18e étape, Lourdes - Hautacam, 143,2 km.
22 juillet: 19e étape, Castelnau-Magnoac - Cahors, 188,3 km.
23 juillet: 20e étape, Lacapelle-Marival - Rocamadour, 40,7 km (contre-la-montre individuel).
24 juillet: 21e étape, Paris La Défense Arena - Paris Champs-Elysées, 115,6 km.
1er juillet: 1re étape, Copenhague - Copenhague, 13,2 km (contre-la-montre individuel).
2 juillet: 2e étape, Roskilde (DEN) - Nyborg (DEN), 202,2 km.
3 juillet: 3e étape, Vejle (DEN) - Sönderborg (DEN), 182 km.
5 juillet: 4e étape, Dunkerque - Calais, 171,5 km.
6 juillet: 5e étape, Lille Métropole - Arenberg Porte du Hainaut, 157 km.
7 juillet: 6e étape, Binche (BEL) - Longwy, 219,9 km.
8 juillet: 7e étape, Tomblaine - La super Planche des Belles Filles, 176,3 km.
9 juillet: 8e étape, Dole - Lausanne, 186,3 km.
10 juillet: 9e étape, Aigle - Châtel, 192,9 km.
12 juillet: 10e étape, Morzine - Megève, 148,1 km.
13 juillet: 11e étape, Albertville - col du Granon, 151,7 km.
14 juillet: 12e étape, Briançon - Alpe d'Huez, 165,1 km.
15 juillet: 13e étape, Bourg d'Oisans - Saint-Etienne, 192,6 km.
16 juillet: 14e étape, Saint-Etienne - Mende, 192,5 km.
17 juillet: 15e étape, Rodez - Carcassonne, 202,5 km.
19 juillet: 16e étape, Carcassonne - Foix,178,5 km.
20 juillet: 17e étape, Saint-Gaudens - Peyragudes, 129,7 km.
21 juillet: 18e étape, Lourdes - Hautacam, 143,2 km.
22 juillet: 19e étape, Castelnau-Magnoac - Cahors, 188,3 km.
23 juillet: 20e étape, Lacapelle-Marival - Rocamadour, 40,7 km (contre-la-montre individuel).
24 juillet: 21e étape, Paris La Défense Arena - Paris Champs-Elysées, 115,6 km.
Bonus: Le retour de l’enfer
Le sourire aux lèvres, je repense tout à coup à mon arrivée à Châtel. Tout ce que j’ai descendu, je vais devoir le remonter. Je sais qu’une fois arrivé à Morgins, je n’aurais plus besoin de donner un seul coup de pédale… Mais vais-je y arriver?
La route Châtel-Morgins: un enfer. Je n’avais plus envie, j’étais à bout. Mais je n’avais pas vraiment le choix. Il fallait retourner en Suisse — j’ai un Tour de France à couvrir ce week-end. Me donnant à fond, j’arrive finalement à la frontière. Les douaniers ne sont plus là mais je n’aurais même pas été capable de les saluer de la tête. Je pouvais redescendre tranquillement dans la vallée. Et demain, j’achète des chaussures à clip.
Mood: J’aurais dû appeler quelqu’un pour venir me chercher.
Bilan
- Distance parcourue: 25,37 km
- Dénivelé: 1131 m
- Vitesse moyenne: 10,6 km/h
- Vitesse maximale: 44,4 km/h (en descente, évidemment)
- Durée: 2h23’05
- Durée ressentie: 53h46’43
- Durée estimée pour le peloton: 1h03
- Nombre de fois où j’ai mis pied à terre: 5
- Nombre de fois où j’ai cru mourir: 22
- Nombre de fois où j’ai regretté cet article: 8
- Nombre de cyclistes salués: 53
- Sueur perdue: 19 L
Pour ceux qui veulent plus de précisions sur mon parcours, vous pouvez retrouver ma montée ici.