Les Alémaniques qui comptent
Le (presque) roi longtemps sous-estimé

Joël Wicki est passé tout près de devenir le roi de la lutte lors de la dernière Fête fédérale en 2019. Costaud mais petit (183 cm), l'agriculteur lucernois est une star en Suisse alémanique. Portrait d'une icône qui illustre le paradoxe autour de ce sport «national».
Publié: 02.09.2021 à 11:39 heures
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Dernière mise à jour: 02.09.2021 à 12:12 heures
Marcel W. Perren, Adrien Schnarrenberger

Y a-t-il plus grand fossé entre les Romands et les Alémaniques que la lutte suisse? Joel Wicki en est la parfaite illustration. Le colosse de 24 ans est le chouchou sportif outre-Sarine, alors que son nom n'est jamais apparu dans la presse francophone.

Le mécanicien sur machines de chantier est pourtant l'une des grandes stars de la lutte. «Pour moi, ce sport représente tout depuis mon enfance: camaraderie, combat, fair-play et surtout plaisir. Rien ne me botte plus que les duels dans la sciure. Et dès que le combat est fini, mon adversaire est de nouveau mon camarade — après la victoire comme la défaite», affirme-t-il.

Un «nain» de 183 cm

Joel Wicki a dû parcourir beaucoup de chemin pour faire son trou dans son sport de prédilection. En 2012, pas de trace du Lucernois dans le passage en revue des futurs as des ronds de sciure par notre rédaction alémanique. Certes, «Wicki Joel» — dans le monde de la lutte, le nom de famille est placé en premier — n'avait que 15 ans à l'époque, mais on le donnait déjà perdu pour les tous meilleurs. «Cela ne va pas suffire pour une grande carrière. Joel est tout simplement trop petit», estimait Arnold Forrer, lauréat de la Fête fédérale de Nyon en 2001.

L'enfant du Sönnenberg, dans l'Emmental lucernois, mesure 183 cm. Un nain face aux géants Christian Stucki (199 cm), Samuel Giger (195 cm) ou encore Armon Orlik (191 cm). Arnold Forrer va payer son jugement prématuré au prix fort: à l'été 2014, lors de la prestigieuse fête du Rigi, «King Arnold» se fait plaquer sur la sciure par le jeune Joel Wicki, 17 ans. Une passation de pouvoir et la preuve ultime que le «Kraftwürfel de l'Entlebuch», comme l'appellent les Alémaniques — littéralement «carré magique», le même surnom que Xherdan Shaqiri... — a sa place parmi les plus grands.

Un an plus tard, c'est au Lac Noir, dans le canton de Fribourg, que l'agriculteur et constructeur de machines de chantier remporte sa première couronne fédérale. Il est même cité parmi les favoris pour la fête fédérale, qui a lieu non loin de là à Estavayer. Mais Joel Wicki se blesse sur le Schwägalp (quelque part entre Saint-Gall et Appenzell) et doit déclarer forfait.

L'honneur ultime en 2022?

Ce ne sera qu'un coup d'arrêt. Après avoir effectué son école de recrue à Macolin (BE), au-dessus de Bienne, aux côtés de l'international suisse de football Denis Zakaria, il revient en grande pompe dans les ronds de sciure. Entre le printemps 2017 et l'automne 2019, il rafle les couronnes: 10 au total. Un monstre est né, aussi petit soit-il.

Lors de la fête fédérale de Zoug — elles ont lieu tous les trois ans: Estavayer en 2016, Zoug en 2019 et Pratteln/BL l'an prochain —, Joel Wicki n'a besoin que de moins d'une minute au total pour terrasser ses quatre premiers adversaires. Son chemin est tout tracé pour devenir le roi de la lutte suisse, peut-être l'honneur le plus prestigieux qu'un Alémanique puisse remporter. Mais il s'incline en finale, laissant la récompense ultime au Bernois Christian Stucki. Rendez-vous l'an prochain pour la revanche?

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