«Vous aussi, vous avez été bluffé par Grégory dès la première minute? Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas le seul», sourit Benoît Morand. Le manager de Grégory de Sybourg est conscient de l’effet que produit son protégé sur son entourage, tant ce jeune homme dégage un subtil mélange de détermination et d’humilité, deux qualités qui ne sont pas forcément faciles à réunir, mais qui semblent naturelles chez le Fribourgeois de 20 ans. «Et j’ajouterais quelque chose que vous ne pouvez voir que si vous le côtoyez sur une plus longue durée: c’est un gros travailleur. Et ça, c’est indispensable.»
Benoît Morand, qui a une très longue expérience de la course automobile – notamment d’endurance – et a vu passer plein de jeunes talents, a répondu positivement à l’appel de la famille de Sybourg voilà deux ans et ne le regrette pas. «Grégory a une grosse marge de progression, un entourage sain, une famille unie. Et, bien sûr, du talent! Toutes les conditions sont réunies pour avancer. Et ce qui est bluffant, c’est qu’il a franchi toutes les étapes jusqu’ici grâce à son travail et, j’ai envie de dire, sa perspicacité et sa capacité à s’adapter rapidement. Je vais vous donner un exemple concret. Il n’y a pas si longtemps, la découverte d’un circuit avec sa BMW a été un peu compliquée. Les responsables s’en sont inquiétés, gentiment, auprès de moi. Je leur ai dit de rester tranquilles, que je connaissais Grégory. La deuxième fois, il avait tout assimilé, appris de ses erreurs, réussi à les corriger et il a bluffé tout le monde.
Sa jeune carrière, devrait-on dire, car celle-ci, au fond, n’est vieille que de deux ans. «Oui, j’ai vraiment commencé à piloter sérieusement à 18 ans», confirme le principal intéressé, lequel a donné ses premiers coups de volant, plus jeune, en karting, avec sa sœur Alix. «Mais nous ne sommes jamais sortis de Suisse, c’était uniquement pour le plaisir. Même si on avait déjà envie d’aller vite et qu’on a gagné des courses, attention!» Pas question pour autant de s’imaginer en vivre, contrairement à l’aventure dans laquelle il s’est lancé à fond, il y a deux ans. «Mon papa, Olivier, est pilote d’avion et d’hélicoptère, ma maman, Véronique, est dans l’automobile, elle a participé plusieurs fois au fameux Rallye des Gazelles», explique-t-il. La passion de sa maman ne sort évidemment pas de nulle part, elle qui est la fille du mythique Jo Siffert, mais le choix de Grégory de se lancer dans la course automobile ne tient qu’à lui et à lui seul, tant la recherche de l’excellence requiert une discipline de fer au quotidien.
Kickboxing et jogging
Apprenti mécatronicien dans le canton de Fribourg, le sportif a en effet des journées plus que remplies. Après le boulot, il se rend soit dans un simulateur automobile pour parfaire son pilotage, soit au sport pour travailler sa condition physique («Je fais du kickboxing et du jogging»). Et il exerce son cerveau, aussi. «Je parle bien l’allemand grâce à un séjour linguistique effectué plus jeune et je dois désormais maîtriser l’anglais à fond. Je prends donc des cours réguliers», précise-t-il, avant de détailler l’importance de la préparation mentale, qu’il travaille avec une spécialiste, Liz Clerc, laquelle fait pleinement partie de son équipe.
En deux ans à peine, la progression du jeune pilote a été fulgurante, lui qui a grimpé d’un échelon chaque année. Sur les conseils de Benoît Morand, il s’est tout d’abord inscrit, en 2022, dans le Championnat de sprint appelé Funyo, une première étape idéale. «Tous les pilotes ont la même voiture. Ce qui fait la différence, ce sont les réglages et le pilotage», explique Grégory de Sybourg. «Ce championnat permettait de se rendre compte de son potentiel. S’il y arrivait, cela valait la peine de continuer», enchaîne son manager. Examen réussi: six podiums, une victoire et le titre de champion espoir 2022.
Deux ans pour y arriver
L’étape suivante s’appelle l’Ultimate Cup, au volant d’une Nova NP02 et avec l’énorme soutien du groupe Dimab Motorsport, son sponsor principal. Là aussi, ses performances impressionnent avec quatre podiums en six courses, au point d’attirer l’attention de BMW, qui lui a proposé, après plusieurs tests très sélectifs, d’intégrer le Championnat DTM GT-Masters au volant d’un bolide de 600 chevaux. Le grand monde se rapproche de plus en plus et la pression commence à monter, alors que ce championnat qu’il s’apprête à découvrir va démarrer tout soudain. Un nouveau défi et surtout une nouvelle occasion de prouver qu’il a un avenir dans le sport automobile.
«Les deux prochaines années sont primordiales, ce sont elles qui définiront si je peux devenir un pilote officiel et intégrer une équipe qui me paie pour courir pour elle. Je serai alors un pilote professionnel. Ou, si je n’y arrive pas, je devrai choisir entre payer pour courir – c’est-à-dire faire un gros travail pour chercher le financement nécessaire, comme je le fais aujourd’hui – et me consacrer à autre chose. Je me donne donc deux ans pour y arriver après la fin de mon apprentissage cet été», explique celui qui pourra donc se consacrer pleinement à sa passion dès le mois de juin. «Ce sera plus simple pour m’organiser. Aujourd’hui, je n’ai pas une minute pour moi et, si je peux aller sur les courses, c’est uniquement parce que j’ai un employeur très conciliant. Mais on n’a rien sans rien: tous les jours où je ne suis pas là, je dois les rattraper.» En couple avec Maëva, qu’il remercie tous les jours pour son soutien et sa patience, Grégory de Sybourg construit son équilibre au quotidien. «C’est un garçon très intelligent et très structuré. On l’aide aussi, mais il comprend tout seul l’importance d’avoir un cadre et de s’y tenir», explique Benoît Morand.
Et quand il sort du cadre, le jeune homme y revient tout seul. «A midi, un jour, avant une course, je dis à mon manager que j’ai envie de manger un bon burger, avec des frites et de la sauce… il me le déconseille. Mais je tiens bon, je lui dis que je suis jeune, que je digère vite. L’après-midi, j’étais lourd, lent, pas bien. J’ai compris.» Benoît Morand sourit. «Il fait des erreurs parfois, mais il apprend vite. Et il ne les fait pas deux fois.»
Le Mans, le rêve ultime
La course automobile demande des sacrifices et, à 20 ans, Grégory de Sybourg a facilement accepté l’idée de ne pas sortir le soir, de ne pas boire d’alcool, de faire attention en permanence à son alimentation et de ne pas dormir jusqu’à midi le dimanche. «Je vis mon rêve à fond, tout simplement, en me donnant le maximum de chances de réussir.» Son avenir se situe vraisemblablement bien plus du côté de l’endurance que de la formule 1, tant pour des questions de budget que de chances de réussite, même s’il n’exclut rien. «Il peut y avoir des passerelles plus tard entre les deux secteurs.»
Ainsi, le rêve ultime, qui devient de plus en plus un objectif, est de participer à la mythique épreuve des 24 Heures du Mans, pourquoi pas dès 2026. «Il y a encore du travail. Mais il a le droit d’y croire», assure Benoît Morand, lequel connaît mieux que personne le chemin pour y arriver. D’ailleurs, où se situe la différence entre un bon et un très bon pilote? La réponse vient de Grégory de Sybourg lui-même. «Le très bon pilote, c’est celui qui arrive à être en même temps très calme et très agressif dans la voiture. Il faut être prêt à se battre, avoir une mentalité de requin une fois au volant, être prêt à tout pour garder sa place et faire le meilleur temps, mais avec cette sagesse et ce calme qui permettent d’avoir une vision d’ensemble et de maîtriser tous les éléments, sans avoir de surprise.»
Comment un jeune homme de 20 ans si bien éduqué, si poli et si fin peut-il se muer en requin sur la piste? Il sourit, conscient du décalage qui s’opère dans le cerveau de l’interlocuteur assis en face de lui. «Tout est dans la préparation mentale. Quand j’entre dans la voiture, j’ai des gestes précis à effectuer. En dernier, je baisse la visière de mon casque. Je suis en mode course. C’est parti.» Et ça va vite.
«Mon grand-papa, il nous accompagne tous les jours.» En une phrase, Grégory de Sybourg résume l’héritage que lui a laissé le coureur suisse le plus renommé de l’histoire, Jo Siffert, le père de sa mère. Deux fois vainqueur d’un Grand Prix de formule 1, multiple participant au Mans, le Fribourgeois est décédé en 1971, deux ans après la naissance de Véronique. «Ma mère n’a logiquement aucun souvenir direct de lui, mais il est partout autour de nous.»
Le nom de Jo Siffert est en effet connu à travers toute la Suisse, même des gens étrangers au sport automobile, et est encore célébré aujourd’hui, plus de cinquante ans après sa mort tragique au volant de sa voiture au circuit de Brands Hatch, alors qu’il se trouvait au sommet de sa gloire à 35 ans. «Tous les 29 octobre, un grand nombre de fans se réunissent sur sa tombe. Imaginez un peu, il y avait 50'000 personnes dans les rues de Fribourg le jour de son enterrement… Et il ne se passe pas une semaine sans que quelqu’un qui l’a côtoyé nous raconte une nouvelle anecdote. Je peux donc dire que j’en apprends toutes les semaines sur lui», sourit le jeune pilote, lequel a dessiné son casque en hommage à son grand-père. «Le sien était rouge avec la croix blanche; j’ai choisi le bleu et j’ai gardé la croix.» Pour autant, il a décidé de ne pas courir avec le nom «Siffert» sur la combinaison. «J’aurais pu. Et je pourrais encore. Mais j’ai envie de construire ma propre histoire et d’être reconnu pour mes qualités de pilotage, pas simplement parce que je suis le petit-fils de Jo Siffert. Je ne veux avoir aucun avantage par rapport à ça et ça ne me rend d’ailleurs pas une seconde plus rapide par tour. Je dois faire grandir mon nom, tout en étant très fier de ce qu’a réalisé mon grand-père.»
Existe-t-il d’ailleurs une filiation au niveau du pilotage? «Je ne sais pas, répond-il aussi timidement qu’humblement. Je pense que les gens qui l’ont connu et qui m’observent aujourd’hui ont plus d’éléments en main pour faire des comparaisons. Des fois, il me revient aux oreilles qu’il y a un petit air de famille entre nous, mais plus sur l’attitude, la façon de parler, la façon de se tenir. Ce qui est sûr, c’est que tout le monde me parle d’un pilote audacieux, merveilleux.»
«Mon grand-papa, il nous accompagne tous les jours.» En une phrase, Grégory de Sybourg résume l’héritage que lui a laissé le coureur suisse le plus renommé de l’histoire, Jo Siffert, le père de sa mère. Deux fois vainqueur d’un Grand Prix de formule 1, multiple participant au Mans, le Fribourgeois est décédé en 1971, deux ans après la naissance de Véronique. «Ma mère n’a logiquement aucun souvenir direct de lui, mais il est partout autour de nous.»
Le nom de Jo Siffert est en effet connu à travers toute la Suisse, même des gens étrangers au sport automobile, et est encore célébré aujourd’hui, plus de cinquante ans après sa mort tragique au volant de sa voiture au circuit de Brands Hatch, alors qu’il se trouvait au sommet de sa gloire à 35 ans. «Tous les 29 octobre, un grand nombre de fans se réunissent sur sa tombe. Imaginez un peu, il y avait 50'000 personnes dans les rues de Fribourg le jour de son enterrement… Et il ne se passe pas une semaine sans que quelqu’un qui l’a côtoyé nous raconte une nouvelle anecdote. Je peux donc dire que j’en apprends toutes les semaines sur lui», sourit le jeune pilote, lequel a dessiné son casque en hommage à son grand-père. «Le sien était rouge avec la croix blanche; j’ai choisi le bleu et j’ai gardé la croix.» Pour autant, il a décidé de ne pas courir avec le nom «Siffert» sur la combinaison. «J’aurais pu. Et je pourrais encore. Mais j’ai envie de construire ma propre histoire et d’être reconnu pour mes qualités de pilotage, pas simplement parce que je suis le petit-fils de Jo Siffert. Je ne veux avoir aucun avantage par rapport à ça et ça ne me rend d’ailleurs pas une seconde plus rapide par tour. Je dois faire grandir mon nom, tout en étant très fier de ce qu’a réalisé mon grand-père.»
Existe-t-il d’ailleurs une filiation au niveau du pilotage? «Je ne sais pas, répond-il aussi timidement qu’humblement. Je pense que les gens qui l’ont connu et qui m’observent aujourd’hui ont plus d’éléments en main pour faire des comparaisons. Des fois, il me revient aux oreilles qu’il y a un petit air de famille entre nous, mais plus sur l’attitude, la façon de parler, la façon de se tenir. Ce qui est sûr, c’est que tout le monde me parle d’un pilote audacieux, merveilleux.»