Depuis plusieurs semaines, Pat Burgener est en tournée européenne. Cet été, il a joué à plusieurs reprises sur la scène de la Maison suisse à Paris, en marge des JO. Alors qu'il ne devait être que deux fois devant le public, il a ajouté un troisième show, le jour de son arrivée. Une anecdote qui, finalement, le raconte bien. Mais, au final, c'est lui-même qui se raconte le mieux. Durant une trentaine de minutes avant de prendre sa guitare, il est revenu sur sa carrière de sportif, mais aussi celle d'artiste. Et la manière de faire cohabiter les deux vies.
Pat, comment tu t'es retrouvé à jouer sur la scène de la Maison suisse, à Paris, durant les JO d'été?
Tout a commencé en Corée, lors de mes premiers Jeux olympiques d’hiver. La Maison suisse m’a proposé de venir jouer là-bas, alors j’ai sauté sur l’occasion avec mon groupe. On a joué trois soirs et créé des liens super forts. En plus, j’avais terminé à la cinquième place dans une épreuve ultra suivie, donc j’avais une petite notoriété. Depuis, à chaque fois qu’il y a une opportunité, la Maison suisse m’invite.
Tu es déjà allé aux JO d’hiver, mais c’était la première fois que tu venais pour les JO d’été, non?
Exactement, je n’avais jamais eu l’occasion avant. Mon planning est souvent serré, et la seule façon pour moi de venir, c’était en intégrant des concerts ici. Donc oui, c’est la première fois que je profite des JO d’été, et en même temps, je fais ce que j’aime: jouer de la musique!
On parle d’une tournée européenne cette année. On dirait que cela se passe bien pour toi niveau musical. Quel a été l’élément déclencheur pour ce décollage dans ta carrière musicale?
L’année dernière, j’ai signé avec un agent européen qui m’a ouvert les portes à l’étranger. Avant, je faisais une vingtaine de concerts par an, essentiellement en Suisse. Maintenant, je tourne sur près de 100 dates dans toute l’Europe! Cette année a été incroyable, j'ai même fait une tournée avec le groupe australien Sons of the East dans des salles mythiques comme le Paradiso à Amsterdam. C'était sold out. Ça m’a donné une belle visibilité.
Comment arrives-tu à équilibrer ta vie entre le snowboard et la musique?
C’est effectivement intense, mais je suis un hyperactif depuis toujours. Ce que certains voyaient comme un défaut étant enfant est aujourd’hui ma plus grande force. J’ai cette énergie naturelle qui me permet d’enchaîner les performances sur scène et les entraînements sportifs. C’est devenu mon atout pour maintenir ce rythme effréné!
Est-ce que tu imagines qu’un jour, tu devras choisir entre les deux?
Peut-être, mais pour l’instant, je pense que je gère encore bien les deux. Je veux continuer la compétition en snowboard, avec l’objectif de participer aux JO de Milan. Par contre, je me dis qu’à terme, je pourrais réduire la compétition à quelques événements majeurs. Mais ce qui est sûr, c’est que je continuerai à travailler dans le sport, même si ce n’est pas en compétition.
On parle de carrière sportive, mais aussi de partenariats avec des marques. Ça fait partie de ton image aujourd’hui?
Complètement. Cette année, j’ai signé un contrat avec une marque qui veut promouvoir mon lifestyle au-delà du sport. C’est-à-dire, mon côté artiste, mes vidéos de skate et de surf, mes aventures. C’est une évolution naturelle. Je ne suis plus seulement un sportif, je suis aussi un ambassadeur de cette image active et créative.
Tu te vois comme un exemple avec ce parcours difficile comme enfant avec une scolarité compliquée?
Oui, je le prends très à cœur. Mon frère et moi avons créé une image autour de mon parcours qui montre qu’on peut réussir dans plusieurs domaines sans être enfermé dans une seule case. J’espère inspirer les jeunes qui se sentent différents ou qui ne suivent pas un parcours traditionnel. Il faut savoir rester soi-même, et le reste suivra.
Alors, si tu imagines ta trajectoire dans deux ans, avec tout ce qui s’est passé dernièrement, tu te projettes comment dans l'avenir?
Je me réjouis vraiment de voir ce qui va se passer. Cette année, c’est comme si les étoiles s’étaient alignées. Mon frère m’a managé depuis nos 18 ans. À l’époque, on finissait HEC, et après un stage en banque, il m’a dit: «Plus jamais ça. Je te manage!» (rires) On a construit tout ça ensemble depuis 12 ans, du premier site internet aux premières vidéos. Aujourd'hui, ça commence enfin à payer, avec ma musique dans une pub internationale, des tournées en Europe, et tout qui s’aligne. Mon rêve ultime, c’était d’arriver aux Jeux en Italie avec une chanson que tout le monde connaît, où les gens se diraient: «Attends, ce gars dans la compét' de snowboard, c’est pas le musicien?» Jusqu'à présent, c'était plutôt l'inverse. Ce rêve pourrait se réaliser dans quelques années.
Tu peux comparer la vie d'artiste et de sportif au quotidien? C'est un peu la «van life» dans les deux cas, non?
(Rires) Exactement! Je viens de passer mes premiers mois dans un tourbus et maintenant je veux absolument vivre une nouvelle fois ça pour ma tournée. Finalement, le succès est déjà là, peu importe si c’est pour deux ou dix mille personnes. Ce qui compte, c’est de toucher les gens. Et c'est aussi pour cela que je rajoute des dates dès que je le peux. J'aime cette communion avec les gens. Ces moments de partage sont très précieux pour moi. Si je le fais, c'est principalement pour cela. Créer des émotions. Chez les gens et chez moi, aussi, bien sûr.
Travailler avec des artistes comme Kurt Vile - artiste que j'aime beaucoup soit dit en passant - et des producteurs renommés comme celui de Sonic Youth, ça sonne presque irréel non? Tu le vis comment toi?
Irréel, c'est le bon mot. C’est incroyable de vivre ça. Comme quand, à 16 ans, je me retrouvais aux X-Games avec Sean White. Et maintenant, en musique, c’est pareil: je suis dans le tourbus avec des artistes que j’admirais. Ça rend tout plus accessible, tu réalises que le succès n’est jamais vraiment atteint, il se réinvente à chaque étape.
Tu n’as jamais été tenté d’abandonner, de te dire que ça n’allait pas marcher?
Bien sûr, le chemin est long, mais j’ai toujours été acharné. Si Paléo ne répondait pas, je ne lâchais pas, et finalement, cette persévérance a payé. C'est vraiment ça: tu échoues parfois, mais tu avances. La détermination est la clé, surtout dans la musique, même si le sport, c’est encore plus dur avec les blessures et les aléas. Mais je vais te raconter une anecdote, justement.
On va finir là-dessus, je crois que tu dois aller sur scène...
Exact. Après être rentré d'un concert à Londres, je suis allé à Crans-Montana pour une autre date. Sur le retour, je me suis arrêté dans un événement caritatif à Lausanne. Tout le monde me disait que j'étais fou de jouer une fois de plus. Mais j'avais envie de faire plaisir aux gens. Dans la salle, il y avait Daniel Rosselat, patron du Paléo, qui ne m'avait jamais invité malgré mon insistance (rires). Ce soir-là, je crois que je l'ai convaincu et j'ai pu réaliser mon rêve de jouer à Nyon. Si je n'avais pas fait cet effort supplémentaire, ça ne serait peut-être jamais arrivé. Et j'aime bien la raconter, car je pense que cela me définit pas mal en tant que personne.