Dépression post-olympique
Fabian Cancellara: «Tout à coup, c'est le vide»

Nina Christen n'est pas la seule. Fabian Cancellara a également connu des problèmes psychologiques après ses plus grands succès. Il explique à quel point il en a souffert, pourquoi il en parle publiquement et ce qu'il conseille désormais à la sportive.
Publié: 10.09.2021 à 13:14 heures
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Dernière mise à jour: 10.09.2021 à 13:23 heures
Fabian Cancellara est également passé par des phases difficiles.
Photo: freshfocus
Daniel Leu, Matthias Davet (adaptation)

Fabian Cancellara est une légende du cyclisme mondial. Double champion olympique du contre-la-montre (2008 et 2016), le Bernois a également remporté de nombreuses classiques. Malgré ses succès, sa carrière ne fut pas toute rose. A la retraite depuis 2016, il raconte à Blick ses moments de doute.

La championne olympique Nina Christen a rendu publique cette semaine sa dépression post-olympique. Quelle a été votre première pensée lorsque vous en avez entendu parler?
Fabian Cancellara: Cela ne m’a pas surpris. J’ai moi-même connu beaucoup de victoires et de défaites au cours de ma carrière. Et les deux peuvent déclencher des pensées négatives par la suite.

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Après votre première victoire olympique en 2008, vous avez déclaré: «Je suis tombé dans un fossé. Je ne me sentais pas bien du tout.» Avez-vous fait une dépression à cette époque?
La dépression est une maladie grave, et je n’étais pas malade à ce moment-là. Je n’étais pas bien, c’est tout. J’aime le comparer au baby blues. De nombreuses mères en souffrent après la naissance de leurs enfants.

Comment vous êtes-vous senti spécifiquement en 2008?
Pour devenir champion olympique, il faut épuiser complètement son corps et son esprit. Vous allez même au-delà de vos propres limites. Puis, à un moment donné, vous êtes assis seul dans l’avion, vous arrivez chez vous et vous êtes complètement hors de la réalité. Soudain, il est là, ce vide, un trou noir. Vous n’avez plus d’objectifs, vous ne trouvez pas vos marques. Ce qui est particulier, c'est que physiquement, vous êtes encore en pleine forme à ce moment-là, mais vous vous sentez mal. Les personnes étrangères au sport peuvent difficilement le comprendre. Elles disent: «Hey, tu es un champion olympique. Pourquoi tu pleures?»

Avez-vous souvent éprouvé de tels sentiments?
Oui, par exemple en 2016, lorsque je suis rentré du Tour de France. Pendant deux jours, je n’ai fait que dormir ou regarder par la fenêtre. Je n’arrêtais pas de me demander: est-ce qu’il fait beau dehors ou est-ce qu’il pleut? Dans ces phases, je ne pouvais pas être là pour ma famille. Une fois, j’ai eu envie de jouer avec mes enfants et de rigoler avec eux, mais je n’y arrivais pas. Vous les voyez s'amuser et rire, mais vous êtes déconnecté et vous ne pouvez pas répondre à leurs gestes. Une autre fois encore, je n’ai pas pu remonter les stores pendant deux jours parce que je ne supportais pas la lumière.

Le Bernois au palmarès impressionnant ne pouvait plus jouer avec ses enfants.
Photo: Keystone

Avec le recul, savez-vous à quels moments cela vous a particulièrement touché?
C’était toujours pareil pour moi: plus tu utilise l’énergie de ton corps, plus ce vide était grand, que ce soit après un triomphe ou une grande défaite.

Ça ne vous dérange pas d’en parler ouvertement?
Nous sommes tous des êtres humains, pas des robots. Je suis quelqu’un qui peut et veut parler très ouvertement de ces sujets. J’ai toujours voulu encourager d’autres athlètes avec mon histoire. Mais malheureusement, il est encore difficile de parler ouvertement de cette thématique.

Qu’est-ce que vous entendez par là?
Les gens devraient admettre ce qu’ils ressentent. Il devrait y avoir plus de place pour les sentiments. Malheureusement, la réalité est souvent différente. Un exemple; si quelqu’un demande à une autre personne comment elle va et qu’elle lui répond «pas bien», alors la première personne est secrètement heureuse car elle est mieux lotie. C’est pourquoi il s’agit encore d’un sujet tabou pour de nombreuses personnes.

Fabian Cancellara: «Je suis rentré du Tour de France et j'ai passé deux jours à dormir ou à regarder par la fenêtre.»
Photo: BENJAMIN SOLAND

Que conseilleriez-vous à Nina Christen?
Je ne la connais pas personnellement et ne peux donc que rendre compte de mes expériences. Ce qui est important, c’est qu’elle n’est pas la seule à avoir ces problèmes et qu’elle n’a pas à en avoir honte. Ma famille m’a toujours aidé, et j’ai également profité de l’aide de professionnels. Dans ces moments-là, aucune échappatoire n’est utile, il faut faire face à soi-même et se donner le temps qu’il faut. Si vous y parvenez, vous pourrez développer de nouvelles forces, en tirer parti et célébrer d’autres succès sportifs.

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