De la purée contre un Monet, de la soupe à la tomate contre un Van Gogh à Londres ou encore une substance inconnue contre le tableau de «La Jeune Fille à la perle»... Ce mois d'octobre a été riche en actions chocs sur des œuvres d'art de la part des activistes climatiques. Si leur geste a le mérite de faire massivement réagir, beaucoup sont indignés à défaut d'être motivés à se mobiliser pour faire face au dérèglement du climat.
Les auteurs de ces actions risquent désormais d'être convoqués au tribunal et de faire l'objet d'une enquête pour dégradation de biens et violation de domicile. D'après les informations fournies par les musées, les tableaux eux-mêmes n'ont pas été endommagés, mais seulement leurs cadres. Les œuvres visées étaient déjà protégées par du plexiglas.
Ce moyen d'action directe décrié est-il si nouveau que cela?
Une vieille tradition
Ces activistes climatiques s'inscrivent dans une longue lignée de protestations dirigées contre des œuvres d'art. Une petite histoire culturelle de l'iconoclasme montre que, par rapport à d'autres chefs-d'œuvre, «Les Meules» de Monet et les «Tournesols» de Van Gogh ont été plutôt épargnés.
Entre mai et juillet 1914, des militantes féministes britanniques s'étaient, par exemple, attaqué à quinze œuvres d'art à coups de hachoir à viande. Les tableaux ont dû être restaurés à grands frais et certains ont perdu durablement de leur valeur. Les changements législatifs qui ont suivi ont également été durables: en 1918, le droit de vote a été accordé au Royaume-Uni au moins aux femmes aisées de plus de 30 ans.
Malgré le caractère impressionnant de leurs actions, les suffragettes britanniques n'ont pas été les premières à dégrader ainsi des œuvres d'art en guise de protestation. Ce modus operandi trouve son origine... en Suisse!
En finir avec l'idolâtrie
Pendant la Réforme, les églises de villes comme Zurich, Berne et Bâle ont été prises d'assaut, des images précieuses y ont été brûlées, des statues de saints brisées. Le zwinglianisme zurichois rayonna jusque loin dans le nord - et avec lui l'opinion qu'il fallait en finir avec «l'idolâtrie». Déjà après le premier sermon public de Huldrych Zwingli (1484-1531), il y a eu «des profanations spontanées d'images par des individus ou des groupes, suivies de dénonciations, d'accusations et d'enquêtes judiciaires», peut-on lire dans le «Dictionnaire historique de la Suisse».
La pression exercée dans les mois qui suivirent devint toutefois si forte que les autorités se virent contraintes de prendre elles-mêmes les choses en main et de faire «enlever, briser, rayer, repeindre, brûler et enterrer» les œuvres sous leur surveillance. C'est ainsi que la Réforme a suivi son cours dans l'espace européen, sous l'impulsion de l'iconoclasme - un mouvement qui prenait l'art pour cible afin de protester contre les abus.
(Adaptation par Louise Maksimovic)