Lorsqu’une réalisatrice présente son premier court métrage dans un festival, on en fait rarement tout un plat. Sauf si… Sauf s’il s’agit d’une superstar connue pour sa musique. C''est le cas de Taylor Swift, 32 ans, qui avait déjà transformé une romance malheureuse (avec l’acteur hollywoodien Jake Gyllenhaal, pour l’anecdote) en chanson et qui raconte désormais ce classique des relations amoureuses en images. «All Too Well» – que l’on pourrait traduire par «Tout allait trop bien» – est un film de 15 minutes. Il a drainé des milliers de fans de la chanteuse au festival du film de Tribeca, à New York. Lorsque Blick a rencontré la jeune femme, les fans en question hurlaient. A quelques mètres de là. Pourquoi tant de passion? La désormais réalisatrice se veut philosophe.
Madame Swift, savez-vous pourquoi il y a tant de gens qui crient?
Disons que je pense que c’est bien qu’ils crient. Ce serait terrible s’ils étaient sceptiques et silencieux comme la mort (rires).
Comment se passe votre première incursion dans le monde du cinéma?
Pour être tout à fait honnête avec vous, je suis un peu nerveuse. Je souffre du syndrome de l’imposteur. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que je n’ai rien à faire ici, que d’autres ont étudié le cinéma et que ça n’est pas mon cas…
Comment se fait-il qu’une méga star de la musique décide soudain de produire un film?
J’ai la chance d’être sur les plateaux de tournage de mes propres clips depuis 15 ans. Et comme je suis quelqu’un de curieux, j’ai absorbé tout ce que je pouvais. Puis, il y a dix ans, j’ai commencé à monter moi-même des clips musicaux et à jouer avec leur contenu. Le passage du statut de scénariste à celui de réalisatrice était alors tout simplement l’étape suivante.
Mais être réalisatrice, c’est une tout autre histoire.
C’est vrai. Pour tout vous dire, je cherchais une réalisatrice pour mon film. Mais toutes mes réalisatrices préférées étaient déjà réservées, ou occupées ailleurs. Je me suis alors dit: pourquoi ne pas essayer toi-même? C’est ce que j’ai fait, en me laissant guider par mon instinct.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous?
J’ai dû me forcer à prendre des décisions. Dire que je ne savais pas ou que je n’étais pas sûre n’était pas une option sur le plateau.
Vous traitez dans le film la fin traumatisante d’une relation, comme vous l’avez fait souvent dans votre musique.
J’ai souvent transposé dans ma musique des sentiments que j’avais éprouvés en tant que jeune femme. Je sais encore trop bien comment on se retrouve entre deux chaises à 19 ou 20 ans. D’un côté, on se sent encore comme une fille, mais de l’autre, on est déjà une femme adulte. A cet âge, on est très vulnérable, mais aussi super curieuse de nouvelles expériences. Et parfois, on se retrouve dépassée par les événements.
Comme dans le film, où la jeune fille entretient une relation avec un homme plus âgé?
La fille du film est totalement idéaliste. Elle prend du plaisir à courir dans la mer jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus tenir debout. Sauf qu’en faisant cela, on peut aussi être emportée par le courant. Il y a de nombreux moments où l’on te dépossède de ton statut de fille, où tu te perds. Tu deviens alors automatiquement adulte, même si tu n’es peut-être pas encore tout à fait prête. Tu n’es pas encore cultivée comme les femmes qui ont dix ans de plus que toi.
Avez-vous utilisé votre propre expérience dans le film?
Je dirais que je peux très bien m’y identifier. Il raconte comment deux personnes peuvent se détruire mutuellement de différentes petites manières. Cela rend bien sûr le tout très intéressant.
Vous êtes donc vous-même très familière avec le drame.
(Rires) Je peux voir venir le drame, je le comprends et je peux aussi le produire. Mais le faire passer dans un film pour les autres, ce n’est pas si facile.
Vous êtes sous les feux de la rampe depuis l’âge de 15 ans, et la célébrité a aussi son revers. Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous jusqu’à présent?
Le plus dur dans la vie est le sentiment de perte. On peut ajouter à cela le fait de ne pas pouvoir posséder mes propres chansons du début de ma carrière. Le fait qu’on me les ait retirées a été le moment le plus dur. Mais les moments les plus durs de la vie, ceux où l’on doit traverser les plus profondes vallées de chagrin, c’est ce qui fait de vous une personne dont on peut être fier à un moment donné.
Et comment est votre vie en ce moment?
Je suis très heureuse en ce moment! J’ai appris à me faire aider. Par des gens qui me soutiennent parce qu’ils croient en moi! Et si tu réalises combien de personnes s’intéressent profondément à ton bien-être, alors tu peux aussi supporter les pertes dans la vie.