Sanctions économiques en Russie
Les Moscovites voient disparaître leurs marques préférées

Stupéfaits: nombre de Moscovites réalisent l'ampleur de la réplique internationale à l'intervention militaire russe en Ukraine, découvrant les portes closes des grandes enseignes où ils avaient l'habitude, comme tous les Européens, de s'habiller ou de se meubler.
Publié: 07.03.2022 à 18:42 heures
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Un magasin Zara à Moscou, avant sa fermeture.
Photo: Anadolu Agency via Getty Images

Zara, H&M, Ikea... Toutes ces enseignes ont suspendu du jour au lendemain leurs ventes sur le marché russe, abaissant les rideaux de fer dans la multitude de centres commerciaux de la capitale russe.

Si, depuis 40 ans, les Moscovites ont connu moult périodes de crise, de pénuries ou d'hyperinflation, les deux dernières décennies sous Vladimir Poutine ont représenté pour beaucoup une ère de prospérité et d'accès à la consommation.

Le pouvoir russe a beau répéter que la Russie se remettra rapidement des sanctions internationales imposées depuis le 24 février et l'entrée des troupes russes en Ukraine, beaucoup s'attendent à des lendemains sombres. Anastassia Naoumenko, étudiante en journalisme de 19 ans, travaillait dans un magasin de vêtements de la chaîne Oysho. Elle a perdu son emploi, le géant espagnol Inditex ayant fermé la boutique.

En ce début de semaine, elle veut s'acheter du maquillage, tant qu'elle peut se le permettre, alors que le rouble chute sous l'assaut des sanctions économiques et financières occidentales. «J'ai entendu dire que les prix avaient déjà quadruplé», dit la jeune fille, croisée à l'entrée du centre commercial moscovite Metropolis. Avant d'embrayer: «Ça va être terrible.»

Avec l'entrée en vigueur le week-end passé d'une interdiction de toute information dénigrant les forces armées russes, elle croit aussi devoir faire une croix sur son rêve de journalisme: «Qui a besoin de ma profession avec cette censure? Comment vivre dans un monde qui se limite à la Russie?»

Une vie qui s'écroule

Ioulia Chimelevitch, 55 ans, vit des cours particuliers de français qu'elle donne. Rencontrée devant un magasin de nourriture pour animaux, elle est venue acheter des aliments occidentaux pour chiens et chats, tant qu'il y en a encore. Elle raconte qu'en dix jours, l'essentiel de ses élèves ont annulé leurs cours, beaucoup choisissant de quitter la Russie face à la répression et aux difficultés qui s'annoncent.

Son fils a rejoint ces exilés dimanche. «Ma vie s'est écroulée», dit-elle. «Tous les luxes auxquels on s'était habitué ces dernières années, les produits d'importation, les vêtements, appartiennent déjà au passé, ajoute-t-elle. Mais le plus dur, ce ne sera pas de se serrer la ceinture, mais la séparation avec mon fils, et un sentiment de culpabilité face au reste du monde.»

Rien d'étranger

Piotr Loznitsa, architecte d'intérieur de 47 ans, a aussi vu son carnet de commandes se vider en quelques jours. Mais ce qui l'inquiète le plus, c'est l'avenir de ses enfants et la disponibilité des médicaments d'importation pour ses vieux parents. «Si dans l'année ça ne s'arrange pas, alors je vais sortir à tout prix mes enfants d'ici», dit-il. Pour le reste, il pense que les Russes sauront faire preuve de résilience. «En Iran aussi, ils se sont adaptés», explique-t-il.

Ksenia Filippova, étudiante de 19 ans, sort d'une boutique de lingerie fine, un petit sac rose à la main, en compagnie d'un ami tenant un chien en laisse. Un peu gênée, la jeune fille explique être «venue acheter une dernière fois ses marques préférées parce que tout est en train de fermer». Et puis «la hausse des prix, ça tape au portefeuille». Mais elle essaie aussi de voir les choses du bon côté: «Des marques russes peuvent les remplacer, peut-être que les sanctions feront du bien au marché russe.»

Une «opportunité»

Vladimir Poutine n'a de cesse de dire depuis des années que les représailles économiques doivent être une opportunité pour la Russie de produire ses propres marchandises. Dans l'agroalimentaire ou le textile, des progrès ont été faits. Mais en ce qui concerne les technologies, les avancées ont été minimes jusqu'ici.

Sur l'artère commerçante Kouznetski Most où se déclinent des boutiques désormais fermées, Tamara Sotnikova, 70 ans, martèle qu'elle se contrefiche des sanctions. «Tout doit être de chez nous, vrai et naturel!», s'enflamme la retraitée. «À l'époque soviétique on avait quoi? Rien! Et on vivait normalement, tranquillement.»

(ATS)

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