Pour améliorer leurs performances scolaires
Les élèves suisses se droguent de plus en plus jeunes

En Suisse, des adolescents de plus en plus jeunes se tournent vers des médicaments et des drogues pour améliorer leurs performances scolaires. En cause: la pandémie de Covid-19 et le manque de perspectives qui les mettent encore davantage sous pression.
Publié: 19.10.2021 à 05:58 heures
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Dernière mise à jour: 19.10.2021 à 10:15 heures
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Maria* avoue sous couvert d'anonymat avoir eu recours à des médicaments qui favorisent la concentration peu avant son examen d'apprentissage.
Photo: Zvg
Céline Trachsel

Oxycodon, Xanax, Ritaline... Les étudiants et écoliers suisses consomment des médicaments ou des drogues de plus en plus jeunes pour «tenir» le rythme et répondre aux exigences de leur apprentissage et de leurs examens. Selon une étude de l'Institut suisse de recherche sur les addictions et la santé, 250 des 6000 personnes interrogées se sont déjà livrées au «dopage cérébral», soit 4,1 % des étudiants.

Selon Barbara Weber, du centre de toxicomanie de Zurich, cette forme de dopage commencerait bien plus tôt. Les plus jeunes adolescents qui se sont fait soigner au centre dans lequel elle travaille pour la consommation de ces substances n'avaient que 13 ans.

Sous couvert d'anonymat, un policier actif dans le milieu de drogue confie à Blick: «Je sais que dans la banlieue de Berne l'Oxycodon, la Ritalin et le Xanax sont souvent échangés entre mineurs et jeunes en fin de scolarité. La drogue la plus plébiscitée reste la marijuana».

D'après son expérience, les lycéens, les étudiants ou les apprentis se procurent ces médicaments, habituellement disponibles uniquement sur ordonnance, illégalement. «Certains patients ne consomment pas leur dose prescrite et revendent ce qu'il leur reste», précise le policier.

Contacter un dealer: rien de plus facile

À quel point est-il facile pour les jeunes de se procurer ces substances dans les cours d'école en Suisse? Blick a mené l'enquête dans plusieurs établissements de Suisse alémanique. Les observations ont montré que les étudiants connaissaient presque toujours quelqu'un qui pouvait leur vendre les substances qu'ils recherchaient.

Devant une école professionnelle de la région de Zurich Unterland, deux adolescents saisissent immédiatement leur téléphone lorsqu'on leur parle de Ritaline ou de Xanax. Ils appellent un ami qui a récemment vendu des «Xenis» à «Leo». «Désolé, il n'a rien pour le moment», s'excuse l'apprenti après l'appel.

Scénario similaire devant une école cantonale du Plateau suisse: après quelques échanges, nous obtenons le numéro d'un prétendu dealer qui «offre un peu de tout», y compris de la Ritaline. Une fois au bout du fil, il nie vendre ces substances. Il semble craindre que l'appel vienne de la police.

Nous avons rapidement réussi à entrer en contact avec une consommatrice. Elle se fait appeler Maria* et dit avoir 20 ans. Elle a fait un apprentissage dans le domaine de la santé dans le canton de Zurich et, selon ses dires, a pris de l'Elvanse (un médicament utilisé dans le traitement d'un trouble déficitaire de l'attention/hyperactivité) une fois par jour avant son examen final d'apprentissage. «J'ai pu me procurer la capsule à 15 francs par l'intermédiaire de deux autres apprentis», raconte-t-elle.

Des médicaments pour étudier neuf heures d'affilée

Quelques jours avant l'examen, elle prend le médicament. «Je l'ai pris à 14 heures et j'ai commencé à étudier. J'ai commencé à ressentir les effets au bout de 20 minutes. J'étais entièrement concentré sur mes livres et mes papiers et j'étudiais, étudiais, étudiais. Je n'avais pas faim, je n'avais pas soif et je n'ai jamais regardé mon téléphone portable, qui me distrait beaucoup d'habitude.»

La jeune femme a révisé sans aucune pause jusqu'à près de 23 heures. «Je ne sais pas si j'aurais réussi l'examen final de l'apprentissage sans cela», admet-elle. Le jour de l'examen, elle n'a rien pris: «C'était trop risqué. Si mon corps avait réagi différemment et que je n'avais pas été en mesure de réussir à à répondre aux questions des tests à ce moment-là, cela n'aurait servi à rien».

Transactions discutées à l'école et réalisées en dehors de l'école

Selon le Centre de toxicomanie de Zurich, les ventes de substances ne se font pas directement dans les écoles mais plutôt par le biais de connaissances à l'extérieur, comme le décrivait Maria. «Selon nos informations, la vente de drogues et de médicaments est abordée dans le cadre scolaire, mais elle se fait à hors de l'enceinte des écoles», précise Barbara Weber.

Cependant, les centres de conseil connaîtraient assez peu le profil des vendeurs. «On parle de dealers adultes, de frères et sœurs plus âgés, d'autres élèves, de revente de médicaments prescrits ainsi que d'approvisionnement via des plateformes numériques», énumère la psychothérapeute.

Les jeunes sont sous pression

L'équipe de conseillers de Marianne Peyer, de la ligne d'assistance téléphonique pour les jeunes en Suisse alémanique, rapporte des observations similaires: «Nous entendons de temps en temps dans les conversations que des drogues de ce type sont consommées par les jeunes». Elle suppose que les consommateurs ont découvert la drogue par l'intermédiaire d'amis à l'école. D'après son expérience, les jeunes de 15 à 18 ans prennent de l'Oxycodone, du Xanax, de la Ritaline et d'autres produits similaires, «car les plus jeunes ont tendance à consommer d'autres choses comme de l'alcool ou des cigarettes». On suppose que les enfants mettent la main sur de l'alcool et des cigarettes ainsi que sur les drogues mentionnées «dans la moitié des cas via la cour de récréation».

Les conseillers de la ligne d'assistance téléphonique expliquent bien pourquoi de tels médicaments améliorant les performances sont consommés à un jeune âge: «La pression exercée sur les enfants et les jeunes pour qu'ils soient performants a clairement augmenté ces dernières années. À cause de la pandémie, la pression s'est à nouveau accrue, notamment lors de la recherche d'un apprentissage malgré des perspectives floues. Que les jeunes aient ensuite recours à des moyens pour améliorer leurs performances est inquiétant, mais c'est devenu une triste réalité.»

Où trouver de l'aide?

En cas de toxicomanie ou d'abus d'autres substances, divers centres suisses de lutte contre la dépendance peuvent vous aider. Vous pouvez les contacter non seulement en tant que personne touchée, mais aussi en tant que membre de la famille.

La ligne téléphonique d'Addiction Suisse: 0800 105 105

Le site Info Set propose une carte interactive des lieux où trouver de l'aide: https://www.infoset.ch/fr/indexaddictions.html

En cas d'urgence voici les numéros à appeler:
Ambulance: 144
Police secours: 117
Main tendue: 143
Intoxications: 145
Enfants et jeunes: 147


En cas de toxicomanie ou d'abus d'autres substances, divers centres suisses de lutte contre la dépendance peuvent vous aider. Vous pouvez les contacter non seulement en tant que personne touchée, mais aussi en tant que membre de la famille.

La ligne téléphonique d'Addiction Suisse: 0800 105 105

Le site Info Set propose une carte interactive des lieux où trouver de l'aide: https://www.infoset.ch/fr/indexaddictions.html

En cas d'urgence voici les numéros à appeler:
Ambulance: 144
Police secours: 117
Main tendue: 143
Intoxications: 145
Enfants et jeunes: 147


*Le nom a été modifié.


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