Nous sommes au mois d’octobre au début des années 2000. J’ai à peine 10 ans et depuis peu, mes copines et moi vouons une passion à la fête d’Halloween. Le 31 au soir, je les invite à la maison et nous entamons une longue séance de préparation. Costume, maquillage, manucure, rien ne doit être laissé au hasard. Une fois prêtes, nous partons à la recherche de bonbons dans le quartier. Nous nous arrêtons devant chaque porte de chaque immeuble et crions «Farce ou friandise?!» au visage des voisins qui ont accepté d’ouvrir et qui se sont eux aussi préparés pour l’occasion en faisant le plein de sucreries.
Vingt ans plus tard, l’effervescence autour de cette fête semble être retombée chez la majorité des petits Suisses. Aucun bambin ne se presse plus devant ma porte ou celle des copines avec qui je me préparais minutieusement il y a une poignée d’année… Que s’est-il passé? Pourquoi les enfants n’ont-ils plus envie de se prêter au jeu? D’ailleurs, pourquoi nous autres millenials avons éprouvé autant de sympathie pour une fête qui n’a strictement rien à voir avec la culture suisse?
Le rêve américain de la génération Y
Pour Boris Vejdovsky, spécialiste de la culture américaine et chercheur à l’Université de Lausanne (UNIL), l’engouement des Suisses pour Halloween a vu le jour il y a 20 ou 25 ans: «Les enfants des années 1990 ont été bercés par les films et les sitcoms américains qui proposaient d’ailleurs souvent des épisodes spécial Halloween. Ils ont donc voulu imiter ce qu’ils voyaient. Cette fête ainsi que les autres coutumes made in USA étaient perçues comme très cool. Mais aujourd’hui, l’engouement pour cette fête semble en baisse en Europe».
Toutefois, la fête bat son plein aux Etats-Unis. Pour preuve, les Américains ont dépensé entre 8 et 9 milliards de dollars pour Halloween en 2019, d’après les chiffres relayés par le site d’informations australien ABC News. A titre de comparaison, le budget pour les services d’entretien des parcs nationaux (National Park Service ou NPS) s’élève à 4 milliards, tandis que les dépenses pour le vaccin contre la grippe valent quelque 2 milliards de dollars.
Les pays chrétiens: un terreau fertile
Qu’on le veuille ou non, l’Amérique du Nord a une force de frappe assez spectaculaire lorsqu’il s’agit de lancer des tendances. «On parle tout de même du berceau du capitalisme. D’ailleurs, si vous regardez autour de vous, je suis sûr que la majorité des objets que vous trouverez sont des marques américaines», explique Boris Vejdovsky à Blick.
La fête celtique de Samain, dont l’origine pré-chrétienne semble assurée, pourrait être l’ancêtre d’Halloween tel qu’on le connaît aujourd’hui. Il s’agit d’une célébration païenne d’origine irlandaise mais également populaire en Ecosse. Remplacé par la fête de la Toussaint à la suite de la christianisation des peuples celtes, le phénomène s'impose durant la seconde moitié du XIXe siècle au Etats-Unis.
En effet, durant la grande famine qui a ravagé l’Irlande, de nombreux Irlandais émigrent en Amérique du Nord et emportent leurs traditions avec eux.
L’événement, qui à la base, fêtait les morts perd peu à peu son essence aux alentours du XXe siècle et devient une fête pour amuser les enfants. «A cause de la sécularisation de la société, Halloween est désormais une enveloppe vide devenue un support commercial», nous indique Youri Volokhine, maître d’enseignement et de recherche en histoire et d’anthropologie des religions à l’Université de Genève (UNIGE).
Sans oublier l’influence d’Hollywood et de la pop culture qui a prêté des traits plutôt rigolos ou fantaisistes à Halloween. «Les araignées, les chauves-souris et le chapeau de sorcière ont été ajoutés plus tard. Ils n’ont initialement rien à voir avec l’événement. La seule chose qui est en lien avec la mythologie irlandaise, c’est la lanterne dans une citrouille creusée», précise l'expert.
La fête celtique de Samain, dont l’origine pré-chrétienne semble assurée, pourrait être l’ancêtre d’Halloween tel qu’on le connaît aujourd’hui. Il s’agit d’une célébration païenne d’origine irlandaise mais également populaire en Ecosse. Remplacé par la fête de la Toussaint à la suite de la christianisation des peuples celtes, le phénomène s'impose durant la seconde moitié du XIXe siècle au Etats-Unis.
En effet, durant la grande famine qui a ravagé l’Irlande, de nombreux Irlandais émigrent en Amérique du Nord et emportent leurs traditions avec eux.
L’événement, qui à la base, fêtait les morts perd peu à peu son essence aux alentours du XXe siècle et devient une fête pour amuser les enfants. «A cause de la sécularisation de la société, Halloween est désormais une enveloppe vide devenue un support commercial», nous indique Youri Volokhine, maître d’enseignement et de recherche en histoire et d’anthropologie des religions à l’Université de Genève (UNIGE).
Sans oublier l’influence d’Hollywood et de la pop culture qui a prêté des traits plutôt rigolos ou fantaisistes à Halloween. «Les araignées, les chauves-souris et le chapeau de sorcière ont été ajoutés plus tard. Ils n’ont initialement rien à voir avec l’événement. La seule chose qui est en lien avec la mythologie irlandaise, c’est la lanterne dans une citrouille creusée», précise l'expert.
En parallèle, notons qu’Halloween est une coutume qui s’est développée avec l’arrivée des immigrés Irlandais aux Etats-Unis. Les origines même de la fête sont européennes ou plus précisément celtiques avec des influences chrétiennes. Pas étonnant donc que la fête se soit exportée facilement dans le monde sauf dans les pays musulmans, bouddhistes ou hindouistes. «Et si le fond religieux de l’événement s’est quelque peu perdu, mis à part peut-être au sein de communauté croyante, le phénomène fait désormais partie du folklore américain», précise l’expert.
Noël, Halloween et… Black Friday
Si célébrer le 31 octobre a eu du mal à s’imposer dans les pays non-chrétiens, comment cela se fait-il que Noël rencontre un succès planétaire? «Notre calendrier est basé sur la naissance du Christ sans oublier que Jésus est un personnage qui existe dans les trois grandes religions, même s’il n’a pas le même statut partout», précise Boris Vejdovsky avant d’ajouter qu’en Europe, nous avons nos propres mythes autour de Noël, à commencer par les chansons pour ne citer qu’un exemple. De son côté, le pays de l’Oncle Sam a apporté certains codes esthétiques comme le costume rouge du père Noël imposé par la marque Coca-Cola.
Le père Noël est largement inspiré du Saint-Nicolas, le protecteur des enfants, décédé un 6 décembre au IIIe siècle. Le Saint est célébré en Allemagne, en Suisse (chez nos compatriotes suisses-alémaniques surtout), dans l’est de la France et aux Pays-Bas. Chaque 6 décembre Saint-Nicolas apporte des friandises aux enfants sages et laisse le père fouettard s’occuper des autres…
C’est au XIXe siècle que le père Noël fait son entrée dans les foyers aux Etats-Unis. A ce moment-là, les Hollandais débarquent en Amérique du Nord et apportent la tradition avec eux. Sinter Klaas (Saint-Nicolas en néerlandais) devient alors Santa Claus par déformation.
Mais alors, comment est-on passé d’une célébration un 6 décembre à la nuit entre le 24 et le 25 décembre? Estimant que la distribution de cadeaux devait être associée à la naissance de Jésus, les Américains ont décidé de repousser la date de la fête.
Le père Noël est largement inspiré du Saint-Nicolas, le protecteur des enfants, décédé un 6 décembre au IIIe siècle. Le Saint est célébré en Allemagne, en Suisse (chez nos compatriotes suisses-alémaniques surtout), dans l’est de la France et aux Pays-Bas. Chaque 6 décembre Saint-Nicolas apporte des friandises aux enfants sages et laisse le père fouettard s’occuper des autres…
C’est au XIXe siècle que le père Noël fait son entrée dans les foyers aux Etats-Unis. A ce moment-là, les Hollandais débarquent en Amérique du Nord et apportent la tradition avec eux. Sinter Klaas (Saint-Nicolas en néerlandais) devient alors Santa Claus par déformation.
Mais alors, comment est-on passé d’une célébration un 6 décembre à la nuit entre le 24 et le 25 décembre? Estimant que la distribution de cadeaux devait être associée à la naissance de Jésus, les Américains ont décidé de repousser la date de la fête.
Certes, la fête de Noël n’en reste pas moins un événement consumériste. Cependant, il détient une symbolique religieuse et culturelle forte contrairement à Halloween qui se caractérise surtout par son imagerie. «Je pense qu’Halloween va continuer de susciter de moins en moins d’intérêt. Et si on pense 'logique de vente', on s’aperçoit vite qu’un produit en chasse un autre.»
Par quoi Halloween pourrait-il donc bien être remplacé? Le Black Friday pardi! Si on s’y penche d’un peu plus près, on remarque que Black Friday a commencé à se populariser en 2013 jusqu’à dépasser Halloween en 2017. Depuis, la «fête des morts» perd en intérêt tandis que «la fête des soldes», elle, monte en puissance.
La Gen Z: nos sauveurs?
Si les fêtes de Noël et d’Halloween poussent à la consommation, elles sont tout de même rattachées à une doctrine religieuse importante pour l’une et une coutume folklorique fétichisée pour l’autre. «Seulement, dans le cas de Black Friday, on consomme pour consommer sans forcément être attaché à un emblème en particulier. C’est une sorte d’activité intransitive sans objet précis», signale le professeur.
Le monde a-t-il donc sombré dans le consumérisme à outrance de manière totalement décomplexée? Pour Boris Vejdovsky, la jeune génération représente un espoir: «La Gen Z est plutôt sensible aux questions sociales comme le féminisme ou l’écologie. Ils sont nombreux à militer pour ces causes dans les rues. Je pense qu’il pourrait y avoir du changement sous leur influence».