Nouveau type d'influenceuses
Quand les réseaux sociaux rendent le ménage cool

Les influenceuses ménage sont de plus en plus populaires sur les réseaux sociaux. On pourrait penser qu'il s'agit là d'un phénomène pas très féministe, mais force est de constater que ces femmes participent à mettre en lumière un travail encore trop peu valorisé.
Publié: 24.09.2022 à 15:00 heures
Le phénomène Marie Kondo pourrait expliquer cette tendance des influenceuses ménage.
Photo: Shutterstock/DR
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Elles dédient leur journée à récurer les toilettes, faire la vaisselle, la lessive et le repassage. Leur maison est tellement propre et la déco si soignée qu’on aurait presque l’impression d’être dans une publicité. Loin de se contenter d’être des femmes au foyer tout ce qu'il y a de plus banal, ces ménagères publient leur routine sur les réseaux sociaux. Leur nom: les cleaning influencers ou cleanfluencers soit les influenceuses ménage en français.

Après les fitness girls ou les influenceuses maquillage, on se laisse désormais hypnotiser par des femmes qui se filment en pleine séance de nettoyage avant de publier le tout sur Internet. Certaines de ces influenceuses sont d’ailleurs suivies par des millions de personnes. Étonnant? Pas vraiment. «Le travail domestique est omniprésent dans le quotidien de nombreuses femmes, puisqu’il est encore aujourd’hui inégalement réparti entre les sexes. Le fait qu’il s’invite sur les réseaux n'est pas si surprenant», nous explique Agnès Aubry, collaboratrice scientifique HES-SO Valais et spécialiste du travail gratuit.

Visibiliser le travail domestique

Oui, sauf qu’à l’aune du mouvement #MeToo, populariser le travail ménager peut paraître incompatible avec les revendications féministes qui ont gagné du terrain sur les réseaux. Une analyse réfutée par l’experte qui précise que ces deux pans ne peuvent pas être comparés: «Je comprends que l’on puisse se poser la question, mais je ne relierais pas les deux. D’un côté, on a un mouvement qui dénonce les agressions sexuelles et de l’autre des mises en scène du travail domestique. Les enjeux sont assez différents». La spécialiste ajoute que les influenceuses ménage ne semblent pas partager de revendications politiques sur leurs réseaux.

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Pour Agnès Aubry, ces influenceuses d’un nouveau genre ont l’avantage de visibiliser, voire valoriser le travail domestique non rémunéré. «Comme ces corvées appartiennent au domaine privé et qu’elles renvoient à un travail non reconnu comme tel, les poster sur les réseaux a le mérite qu’on y prête attention et qu’on réalise l’ampleur des tâches effectuées ».

Si les cleaning influencers participent à exhiber le travail domestique, il n’en reste pas moins que la situation est ambivalente. Ce sont toujours des femmes qui nettoient et qui consomment ce genre de contenus en ligne. «A noter qu’on ne questionne jamais le rôle du conjoint dans ces publications», signale l’experte.

Précisons que selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS), la responsabilité des tâches domestiques revient encore aux femmes dans la majorité des ménages. Plus précisément, dans 60% des foyers, les corvées ménagères sont assumées par la femme. Seuls 6% des hommes sont principalement responsables du nettoyage ou de l’éducation des enfants.

Le travail ménager profite à d’autres

Ce sont de ce fait toujours les hommes – dans le cas de ménages hétérosexuels – qui profitent du travail de leurs compagnes au sein du foyer. Et dans les cas où les femmes ont, elles aussi, une activité professionnelle, ce sont encore elles qui entretiennent la maison. Ces dernières occupent donc un double rôle.

En revanche, le point intéressant dans le cas de contenus digitaux liés au ménage, c’est qu’il y a monétisation. «Ces femmes peuvent être rémunérées par le biais de partenariats avec des marques, par exemple. Sachant qu’il est encore aujourd’hui difficilement pensable de mettre en place un salaire en échange du travail ménager», souligne Agnès Aubry.

En d’autres termes, les cleaning influencers sont avant tout des autoentrepreneuses. «Il faut toutefois avoir en tête qu’elles travaillent aussi gratuitement pour l’économie digitale, et qu’on assiste dès lors à une nouvelle forme d’exploitation». En effet, les marques ont tout à gagner dans un cas de partenariat avec une influenceuse. Sans oublier que les plateformes marchandisent les données des utilisateurs et utilisatrices qui consultent les contenus publiés.

Nettoyage et développement personnel

Finalement, en plus de visibiliser et de monétiser un travail encore très genré, ces gourous de l'éponge tablent sur un autre aspect non négligeable et très prisé des internautes: le développement personnel.

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On se souvient du phénomène Marie Kondo, qui a défrayé la chronique notamment grâce à la série «L’art du rangement avec Marie Kondo» apparu en 2018 sur Netflix.

À l’heure où tout semble nous échapper, ranger, trier, plier est devenu un art de vivre, une façon de se sentir mieux dans son corps et dans sa tête. «Ce discours souligne l’importance du travail domestique pour que tous les membres du foyer se sentent bien», note Agnès Aubry avant d’ajouter que la charge de ce bien-être pèse à nouveau sur la gent féminine.

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