Désormais, la majorité des gens boudent leur cuisine. Il y a 70 ans, une personne passait en moyenne trois fois plus de temps aux fourneaux qu’aujourd’hui. Le dîner à table a été remplacé par un sandwich sur le pouce — quant au repas du soir, une part toujours plus nombreuse de la population préfère glisser des lasagnes toutes prêtes dans le four plutôt que de s’embêter à les faire soi-même.
Aliments tout prêts et take-aways: un marché lucratif
Les détaillants ont bien compris ce changement de paradigme et n’ont pas tardé à proposer des services rapides de nourritures à leur clientèle. Coop to go ou Migrolino réalisent ainsi un chiffre d’affaires de près de cinq milliards de francs chaque année, un montant global qui augmente de 4% par an depuis 2013.
La création de shops d’aliments tout prêts et autres snacks est donc source de gros bénéfices. Grâce à ses 324 magasins, Migrolino a vu son chiffre d’affaire gonfler de 15% rien qu’en 2019. «L'expansion se poursuit de manière constante», explique Markus Länzlinger, chef de Migrolino, à Blick. D’après lui, ce changement de comportement alimentaire vient notamment des ménages de célibataires qui recherchent des options simples et rapides.
Le marché est si fructueux que Migros a vendu ses sociétés Globus, M-Way, Depot et Interio pour se concentrer sur le développement de ses services de restauration rapide.
Coop va dans la même direction. Depuis 2016, la boucherie Coop Bell a racheté le groupe Eisberg, Hügli et Hilcona – trois marques spécialisées dans la nourriture toute prête. Depuis, Bell Food Group réalise environ un quart de son chiffre d’affaires avec des produits alimentaires tout prêts. A moyen terme, Bell vise la barre des 50%.
Se placer aux endroits stratégiques
Qu’on le veuille ou non, les take-aways et les distributeurs sont partout: dans les gares, au centre-ville ou dans les stations-service. En bref, là où les gens se déplacent au quotidien. «On mange souvent en route, dans le train ou en allant au travail», explique Christine Schäfer, chercheuse à l’Institut Gottlieb Duttweiler. Les détaillants ont donc tout à gagner grâce à ces produits.
C’est aussi pour cette raison que Valora a récemment misé sur une stratégie d’expansion. En plus de ses nombreux points de vente, l’entreprise se lance désormais dans le secteur des distributeurs automatiques. Dans un communiqué publié en décembre 2021, la société suisse active dans le commerce de détail informait son intention de déployer quelque 300 distributeurs automatiques K-Kiosk dans tout le pays d’ici fin 2022.
Snacks et substituts veggie parfois mauvais pour la santé
La diététicienne Barbara Richli porte un regard critique sur cette nouvelle manière de se nourrir: «Manger en permanence favorise l’obésité. Si nous fournissons constamment à notre corps de l’énergie à partir de glucides, de graisses et de protéines, la réduction de la graisse corporelle est constamment reportée». En d’autres termes, notre métabolisme n’arrive pas à suivre et les bourrelets s’installent. Pour l’experte, il faudrait se contenter des repas principaux et éviter de grignoter entre-temps.
La chercheuse Christine Schäfer observe quant à elle un deuxième changement dans nos habitudes alimentaires: Les aliments industriels végétariens ou véganes sont très tendances. Coop mise sur sa sélection végé «Karma» tandis que Migros détient plusieurs assortiments comme «Cornatur» ou sa ligne bio «Alnatura». Sans oublier les substituts à la viande qu’on trouve un peu partout dans les grandes surfaces.
Les fabricants veillent de plus en plus à ce que les aliments de commodité soient perçus comme frais et de qualité par les consommateurs. Et ça fonctionne. Beaucoup associent les produits végétariens, végétaliens et bio à une alimentation saine. Mais c’est une idée fausse.
«Ce qui est important, c’est de ne pas consommer trop de calories par rapport aux besoins énergétiques individuels», explique diététicienne Barbara Richlii, avant d’ajouter: «qu’il s’agisse de produits d’origine animale ou non, n’importe quel aliment transformé peut faire grossir».
Une étude américaine datant de 2019 confirme ce constat. Préférer des aliments transformés au détriment de repas fraîchement préparés fait prendre du poids, soit 500 kilocalories de plus par jour. Cela représente un peu moins d’un kilo après 14 jours, relate le journal alémanique «Neue Zürcher Zeitung». Les chercheurs expliquent ces résultats par la densité énergétique plus élevée des produits transformés. La consistance et la nature des repas ont en outre augmenté la vitesse de consommation des personnes testées. Par conséquent, on mange trop. Les calories s’accumulent avant que les signaux de satiété ne se déclenchent.
À noter que les aliments végétariens ou végétaliens n’ont pas été pris en compte dans l’étude. Christian Wolfrum, professeur de biologie nutritionnelle translationnelle à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), suppose toutefois que les résultats peuvent être appliqués aux aliments véganes et végé, qui sont hautement transformés. De tels produits contiennent également peu de fibres alimentaires, mais beaucoup de graisse et de sucre. Néanmoins, cette conclusion n’a pas encore été confirmée.
*Cet article a été initialement publié le 27 février 2020. Nous le republions dans le cadre du «Veganuary» – une campagne de sensibilisation au mode de vie végétalien au mois de janvier.*
(Adaptation par Valentina San Martin)