Hommes en chemise et femmes en lingerie
Le sexisme du concours Miss & Mister Francophonie

Des hommes en chemise et des femmes dénudées. La galerie d’images qui présente les candidats de Miss & Mister Francophonie 2021 risque de faire grincer des dents. À l’heure de la troisième vague féministe, les concours de beauté n'ont toujours rien compris.
Publié: 13.09.2021 à 17:11 heures
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Dernière mise à jour: 13.09.2021 à 18:29 heures
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Les jeunes femmes posent en lingerie, à la lueur d'un éclairage sensuel...
Photo: Capture d'écran
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Nous sommes en 2021. Mais à l'heure de la Grève des femmes, de la démystification des standards esthétiques et du body positivity, les concours de beauté brillent toujours par leur sexisme d'un autre âge.

Dans le vaste monde de la mode et du glamour, le show annuel de Victoria’s Secret - véritable institution jusqu’aux récents scandales - n’est effectivement pas le seul à faire froncer des sourcils. À l'échelle de notre pays, le concours Miss & Mister francophonie en Suisse romande est un vrai cancre en matière d'égalité.

Et pour cause: quelques jours avant l’élection, qui se tiendra le 18 septembre, le site de la compétition ne mise pas exactement sur les mêmes critères pour mettre en avant ses poulains féminins et masculins. Alors que les 25 finalistes hommes sont présentés, sur la page d’accueil, en chemise, dans un format portrait que ne renierait pas une grande banque de la place, leurs homologues féminines se trouvent logées à une toute autre enseigne.

Une hypersexualisation inégalitaire

Lumière tamisée, tons roses et rougeâtres - à en rappeler les lueurs des quartiers chauds - les corps des concurrentes serpentent face à la caméra sur des images en plan 3/4…. En lingerie. Bodys échancrés et dentelle noire à volonté.

Le problème n'est pas tant la sexualisation des concurrent-e-s ou la nudité en soi - juger l'apparence des gens étant la raison d'être de ces concours. Il s'agit plutôt d'égalité: pourquoi les images des jeunes femmes en lingerie ne sont-elles pas suivies d’une galerie d’Apollons torse-nu, aux pectoraux saillants? C’est là que le bât blesse.

Un regard masculin

La direction de Miss Francophonie est composée de Ferdi Avmedoski - également coach des candidats - et de Samuel Meuwly. Problème sous-jacent: dans le cadre d’un concours sensé exprimer des préférences régionales, cela laisse peu de place à la conception féminine du beau et de l’esthétique. Malgré la présence de quelques femmes - telles Daniela Mirela Lauer - parmi les marraines et juges de l'événement, les lignes directrices du concours sont données par deux hommes. Ainsi, les images des candidates semblent n’être que le produit d’un male gaze gênant.

Le male gaze, c’est quoi?

Le regard masculin, également appelé vision masculine ou male gaze, désigne le fait que la culture visuelle dominante (magazines, photographie, cinéma, publicité, jeu vidéo, bande dessinée, etc.) imposerait au public d'adopter une perspective d'homme hétérosexuel. On parle de male gaze lorsque la caméra s'attarde, par exemple, sur les formes d'un corps féminin.

Ce concept a été proposé par la critique de cinéma Laura Mulvey dans son essai Visual Pleasure and Narrative Cinema publié en 1975. L’auteure y démontre que les violences exercées sur les femmes par le patriarcat et le capitalisme sont véhiculées dans les images produites par le cinéma. S'appuyant sur les théories de Sigmund Freud et du marxisme, elle introduit le concept de regard masculin, proche du voyeurisme, de la scopophilie et du narcissisme qui comprend le regard du réalisateur, des personnages masculins et du spectateur.

Le regard masculin, également appelé vision masculine ou male gaze, désigne le fait que la culture visuelle dominante (magazines, photographie, cinéma, publicité, jeu vidéo, bande dessinée, etc.) imposerait au public d'adopter une perspective d'homme hétérosexuel. On parle de male gaze lorsque la caméra s'attarde, par exemple, sur les formes d'un corps féminin.

Ce concept a été proposé par la critique de cinéma Laura Mulvey dans son essai Visual Pleasure and Narrative Cinema publié en 1975. L’auteure y démontre que les violences exercées sur les femmes par le patriarcat et le capitalisme sont véhiculées dans les images produites par le cinéma. S'appuyant sur les théories de Sigmund Freud et du marxisme, elle introduit le concept de regard masculin, proche du voyeurisme, de la scopophilie et du narcissisme qui comprend le regard du réalisateur, des personnages masculins et du spectateur.

Contacté par Blick, le co-directeur et spécialiste en images de Miss & Mister Francophonie justifie une telle disparité par... un manque de temps: «D'habitude, nous ne mettons jamais nos modèles en lingerie ou en bikini, sauf pour les castings et la finale. Les hommes sont parfois torse nu aussi. Ces photos ont été faites le mois dernier, pour la promotion de la finale. Nous n'avons pas eu le temps de réaliser une série similaire pour les hommes. Cela fait un an qu'ils sont candidats, il y a eu Covid... c'est une question de temps. Mais nous soutenons le féminisme et nous respectons les femmes.» Un peu facile.

Et de rajouter: «Elles étaient libres de refuser de poser en lingerie. Et puis elles ont adoré ces photos!». Certaines participantes ont en effet partagé les images sur leurs réseaux sociaux. Mais est-il si facile de refuser le shooting promotionnel d'un concours que l'on espère remporter? C'est mettre beaucoup de pression sur ces jeunes femmes.

Alors que des grandes marques comme Victoria’s Secret, désavouées une fois leur sexisme exposé au grand jour, essaient à présent de se racheter une conscience en mettant en avant des modèles de toutes tailles et origines, les concours de beauté n’auraient-ils pas, en réalité, fait leur temps?

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