Face à une photo, aussi belle soit-elle, on se contente généralement de l’admirer. Mais que cachent ces clichés? Quelle est leur histoire? Christian Meuwly propose de faire un retour dans le temps et nous plonge avec lui à l’intérieur de cinq de ses clichés.
Mes premiers pas dans le monde du classique
Cette photo est symbolique dans mon parcours de portraitiste. Dans le cadre d’une exposition que j’étais en train de mettre sur pied, j’ai décidé d’écrire à Rachel. Je voulais qu’elle fasse partie de mes sujets. Mais pour être tout à fait honnête, je n’avais pas beaucoup d’espoir qu’elle donne suite à ma demande. Quelle ne fut ma surprise lorsque j’ai vu qu’elle m’avait répondu! Dans ma volonté de joindre mon métier de photographe et ma passion pour la musique classique, cette photo réalisée à Montreux – où elle vivait à cette époque en octobre 2016 – était comment dire… inaugurale. Réussir à approcher cette virtuose que j’adorais tant était ma porte d’entrée dans l’univers magique de la musique classique. Je me souviens encore de l’émerveillement que j’ai ressenti quand elle jouait par cœur toute la série du 2e Partita pour violon de Bach pendant que je la photographiais. C’était un moment tout simplement fabuleux! Depuis, on ne s’est plus quitté. Eh oui, c’était le début de la plus délicate des formes d’amitié qui existe, celles teintées d’admiration. Au fond c’est ce que je souhaite avec tous les sujets que je photographie, que ce travail soit plein de sens et le témoignage d’une relation forte.
Quand deux solistes se rencontrent
C'est en pleine pandémie que j’ai pris rendez-vous avec la violoncelliste Nadège Rochat à Londres, elle y vivait encore à cette époque. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette période certes étrange, était propice à créer des situations nouvelles. Une fois sur place, j’ai séjourné chez mon ami Louis Schwizgebel, pianiste Genevois de renom qui vit dans le magnifique quartier de Saint George’s Square à Londres. Sur le point de partir pour la session photo avec Nadège, Louis me dit: «Je t’accompagne, je viens tenir les lumières!». La présence de Louis comme assistant était plutôt amusante. Malgré tout, Louis a fait un assistant de premier choix, j’avais réellement besoin de son coup de main et il a pris son rôle très au sérieux! J’ai été très heureux d’avoir été à l’origine d’une situation si inattendue et d’une rencontre entre deux grands solistes qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant. Les deux musiciens sont d’ailleurs restés amis et envisagent de jouer ensemble, comme quoi!
La diva dans toute sa splendeur
Notre premier contact pour la session photo que nous avons planifiée au lendemain d’une de ses représentations, était mémorable… Marina marchait dans ma direction, le pas remplit d’allure. Je me souviens qu’elle tenait son manteau accroché au doigt, juste par-dessus l’épaule et elle m’a dit: «Tu es beau!». J’ai ri! Sa générosité et son énergie vous submergent d’entrée de jeu. Je me souviens, c’était une photo pour une parution dans «ELLE magazine», elle se faisait interviewer par téléphone pendant que notre maquilleuse la préparait. La diva dans toute sa quintessence!
Rendez-vous sur les toits parisiens
Comment être un mélomane compulsif et passer à côté de Camille Thomas? C’était pour moi un privilège, un immense bonheur d’avoir pu faire sa connaissance et d’être, ne serait-ce que le temps d’une session photo, dans les coulisses d’une carrière menée avec tant de virtuosité. Pendant cette période de confinement, c’est en jouant sur les toits parisiens que Camille a beaucoup fait parler de son art… c’est donc sur ces mêmes toits que j’ai souhaité l’immortaliser! Alors que le monde étouffait sous les masques, l’altitude était comme une bouffée d’oxygène. J’ai découvert une artiste d’une grande tendresse, je ne dis pas ça car elle m’invite à chacun de ses concerts en Suisse! Malgré sa présence médiatique quasi quotidienne, elle semble s’être débarrassée de toute forme d’ego… après le shooting nous avions pris l’apéro avec sa famille qui assistait attentivement à la séance photo. Elle m’a offert un CD dédicacé et moi, je lui ai fait cadeau de «The Decay of Lying» d’Oscar Wilde, un livre fétiche que j’offre aux artistes que je côtoie. Nos photos qui ont tapé dans l’œil de son équipe m’ont valu contrat avec Universal Music et ont été diffusées dans la presse à travers le monde, c’était épique!
Comme un prince et sa princesse
Travailler avec Beatrice Berrut c’est l’opportunité de réaliser des projets réfléchis, pensés et remplis de pleins de références historiques aux grandes peintures. J'aime sa manière de vivre et de voir l'art dans sa globalité. Et surtout, je suis très fier d’être les mains entre lesquelles elle confie la réalisation de ses images, tant pour la presse que pour ses projets d’albums. J’ai réalisé ce portrait dans le cadre de la réalisation de son dernier album en date «Jugendstil», un projet issu de ses propres transcriptions dont la distribution a été confiée au prestigieux label La Dolce Volta. Notre petit truc à nous c’est de se traiter comme des princes et princesses et en rigoler! Lorsqu'elle est arrivée à la gare de Genève pour se rendre au studio, je lui ai dit de ne pas bouger, que le carrosse l’attendait... et je n'avais pas menti puisque l'un de mes amis s'était posté à l'entrée principale. Madame a été escortée en van BMW noir, accompagnée par un conducteur en costume, s’il vous plaît! Qu’est-ce qu’on a ri!
Musée d’art et d’histoire de Genève
«Rendez-vous des artistes» de mars à décembre 2022
L’exposition «Fresques» avec Christian Meuwly le 2 juin 2022