Vous avez déjà dévoré les six saisons de «Downton Abbey» et attendez avec impatience la dernière de «Peaky Blinders»? Vous avez vibré avec la famille royale britannique grâce à «The Crown» et tremblé avec César et Marc-Antoine en regardant «Rome»? Le petit écran regorge de séries historiques de grande qualité. Mais si certaines, comme toutes celles que nous avons citées précédemment, ont eu beaucoup d’échos, d’autres restent plus confidentielles. Comme il serait vraiment dommage de passer à côté, en voici cinq passées (à tort) sous les radars.
«The Gilded Age»
Tout juste diffusée par HBO et OCS, cette série signe le retour de Julian Fellowes, le créateur de «Downton Abbey». Cette fois-ci, le scénariste et réalisateur britannique va chercher l’inspiration de l’autre côté de l’Atlantique. Le «gilded age» - littéralement «âge doré» - du titre désigne ces années fastes de reconstruction économique et politique qui ont suivi la guerre de Sécession aux États-Unis. Le personnage principal de la série, Marian Brook, quitte sa Pennsylvanie natale à la mort de son père pour aller vivre chez ses tantes à New York.
Julian Fellowes reprend ici les ingrédients qui ont fait le succès de «Downton Abbey», notamment d’importants moyens qui permettent une reconstitution impeccable de l’époque, de l’argenterie aux dentelles des robes. On retrouve les mêmes violons à la musique et une construction narrative similaire, faite de petits chocs des civilisations entre la vieille aristocratie américaine confortablement assise sur ses privilèges et l’arrivée de nouveaux riches installés, eux, sur une conséquente fortune issue de la construction de chemins de fer. N’oublions pas les domestiques, omniprésents dans les cuisines et les chambres à coucher.
Si le premier épisode peut laisser penser que Julian Fellowes n’a fait que traverser l’Atlantique pour reproduire paresseusement «Downton Abbey», le mélo et la comédie trouvent ici un équilibre quasi parfait, faisant de la série l’un de ces soaps qui se dégustent pendant les jours d’hiver sous un plaid sans voir le temps passer.
Une saison en cours de diffusion. À voir sur HBO et OCS.
«The Great»
C’est la série historique que personne n’avait vraiment vue venir et qui a envoyé valser toutes les conventions du genre. «The Great» fait référence à la «grande» Catherine II, impératrice qui a régné sur la Russie pendant plus de trente ans au XVIIIe siècle après avoir habilement évincé son mari, Pierre III. Dans la série, c’est l’actrice Elle Fanning qui enfile la crinoline impériale, tandis que Nicholas Hoult incarne l’époux décrié, déjà deux arguments de poids pour regarder.
Mais c’est surtout par son ton résolument comique que «The Great» se démarque. Ici, point de lyrisme superflu, il faut plutôt imaginer un mix entre «La Favorite», le film de Yorgos Lanthimos - c’est d’ailleurs son coscénariste, Tony McNamara, qui a créé la série - et le «Marie-Antoinette» de Sofia Coppola. L’histoire est considérée comme un fabuleux terrain de jeu pour déployer un humour complètement loufoque, qui n’a pas peur du trash. Et si les blagues fusent sur de la musique pop, la série n’oublie pas de se montrer très juste lorsqu’elle dépeint les manigances politiques de la cour ou dresse le portrait, en creux, d’une Russie qui a bien du mal à embrasser la modernité.
Deux saisons sorties en 2020 et 2021. À voir sur Starzplay (accessible via Canal+ ou Prime Video).
«The Good Lord Bird»
«Tout cela est vrai… La plupart des faits se sont produits.» C’est sur cette phrase ambigüe très bien choisie que s’ouvre «The Good Lord Bird», série américaine créée par Mark Richard et l’acteur Ethan Hawke. Ce dernier la réalise en partie et tient également l’un des rôles principaux, celui de John Brown, prédicateur et militant abolitionniste ayant réellement existé. Au début de l’histoire, il libère contre son gré un esclave, Henry, qui va l’accompagner dans son épopée sanglante pour lutter contre l’esclavagisme dans le sud des États-Unis. Ces expéditions punitives allumeront l’étincelle de la guerre de Sécession.
Le personnage de John Brown, tout en contradictions, est le premier élément du succès de cette série. Cette espèce de Don Quichotte américain, dévoué à sa cause mais complètement illuminé, donne à Ethan Hawke un formidable matériau de départ. Mais c’est surtout le propos politique de la série qui interpelle. «The Good Lord Bird» a beau se dérouler en 1856, il n’est jamais anachronique d’aborder la question raciale aux États-Unis dans une fiction. En remettant en cause le cliché du «sauveur blanc», en interrogeant frontalement l’idée que l’égalité consisterait à ne pas voir les couleurs de peau (ce qu’en réalité seuls les Blancs peuvent se permettre), la série le fait de façon aussi caustique que pertinente.
Mini-série sortie en 2021. À voir sur Canal+
«The Hour»
Du drame et du thriller, de la politique et de la télévision, des cigarettes et des costumes en tweed: tous les ingrédients sont réunis pour faire de «The Hour» une série captivante. Le décor est planté en 1956, dans les locaux londoniens de la BBC qui lance «The Hour», une émission d’information. Hector Madden, présentateur vedette et coureur de jupons à ses heures perdues, travaille alors avec l’obstinée Bel Rowley, productrice, et Freddie Lyon, journaliste aussi doué pour l’investigation que dépourvu lorsqu’il faut faire preuve de diplomatie. Lorsqu’il commence à enquêter sur une affaire d’espionnage sur fond de crise du canal de Suez, il ne sait pas jusqu’où cela va le mener…
Parce qu’elle prend place à la même époque, que ses personnages fument en permanence et que le whisky y coule à flots, «The Hour» a souvent été comparée à «Mad Men». Cette petite pépite britannique parvient pourtant à s’affranchir de son modèle en restant à la croisée des genres. L’intrigue tient en haleine pendant qu’en arrière-plan, la série s’intéresse aux changements sociétaux des années 1950, comme l’affirmation des femmes dans la vie professionnelle. «The Hour» est enfin servie par un trio d’acteurs géniaux: Dominic West, vu dans «The Affair», Romola Garai, révélée au cinéma dans «Angel» de François Ozon et Ben Whishaw, le Q des derniers James Bond avec Daniel Craig. Les douze épisodes se voient (ou se revoient) d’une traite.
Deux saisons sorties en 2011 et 2012. À voir sur Prime Video.
«The Knick»
Comprendre pourquoi tout le monde n’a pas encore vu «The Knick» est un mystère, tant cette série avait tout, sur le papier, pour convaincre les foules: un réalisateur renommé aux manettes (Steven Soderbergh), un acteur ultra-connu dans le rôle principal (Clive Owen) et un sujet passionnant (les avancées de la médecine au début du XXe siècle). Qu’importe, il n’est jamais trop tard pour rattraper ce chef-d'œuvre, qui plonge dans le quotidien de l’hôpital Knickerbocker. John Thackery, chirurgien doué et cocaïnomane, tente d’y faire progresser la science lorsqu’on lui impose la présence d’Algernon Edwards (Andre Holland, absolument parfait), lui aussi brillant praticien… mais afro-américain, ce qui à l’époque suscite bien de la méfiance.
«The Knick» réussit à fournir le meilleur du drame et de la série médicale, alliant des personnages remarquablement bien écrits à une mise en scène très efficace pour retranscrire le stress des urgences. La réalisation soignée de Steven Soderbergh et la musique anachronique de Cliff Martinez apportent la touche finale à ce monument du petit écran. On en ressort avec un regret, qu’il n’y ait que deux saisons, et une hâte: que Barry Jenkins, le réalisateur de «Moonlight», tienne sa promesse de ressusciter la série en s’attelant à la troisième.
Deux saisons sorties en 2014 et 2015. À voir sur OCS et Sky Store.