Dans une magnifique villa perchée sur une falaise, la fête bat son plein. De loin, les cris laissent peu de place au doute: l’alcool coule à flots, les stroboscopes font leur effet et les convives se déhanchent sur la piste de danse. Jusqu’à ce qu’un hurlement vienne interrompre les festivités avec plus d’efficacité que les lumières qui se rallument au petit matin en boîte de nuit. Xavier, l’organisateur et propriétaire de la maison, vient de tomber du balcon et de s’écraser vingt mètres plus bas.
Je ne vous spoile rien, il s’agit là des toutes premières secondes de «The Afterparty», dernière pépite mise en ligne vendredi 28 janvier par AppleTV +, dont les huit épisodes sont un ravissement quasi permanent. L’intrigue est pourtant tout ce qu’il y a de plus classique. La chute de Xavier déclenche l’arrivée immédiate d’une enquêtrice, Danner, qui conclut qu’il s’agit d’un meurtre. Le ou la coupable est forcément encore dans la maison, qui accueillait les retrouvailles d’une bande d’anciens camarades de lycée quinze ans après. S’engage donc une partie de Cluedo – ou un whodunnit, comme on dit au cinéma — pour trouver qui pouvait en vouloir à ce point à Xavier.
Une parodie soignée des classiques du cinéma
L’inspectrice Danner n’a d’autre choix que d’interroger chaque suspect et c’est là que le petit miracle se produit. En plus de dévoiler peu à peu tous les événements de la veille et les rancœurs d’il y a 15 ans, chaque épisode épouse le point de vue de son narrateur et vient pasticher un genre cinématographique. Aniq, venu à cette soirée pour avouer (enfin) ses sentiments à son amour de jeunesse, Zoë, se retrouve ainsi plongé dans une comédie romantique. Les violons, les ralentis, les baisers sous la pluie: tout y est! Yasper, le meilleur ami d’Aniq qui se rêve chanteur à succès, s’imagine lui dans une comédie musicale. Même Danner se retrouve à raconter son histoire à la façon d’une série policière.
Chaque fois, le soin accordé à la parodie des genres est tel qu’on ne peut être qu’impressionné. Un jeu de lumière, deux mouvements de caméra et trois détails sur un costume permettent de filmer la même scène comme un film d’épouvante ou un remake de «High School Musical», avec la même facilité déconcertante. Les acteurs, tous rodés à la comédie, épousent avec virtuosité les changements de ton. Dans l’un des épisodes de série les plus drôles de ces dernières années, Brett, l’ex-mari de Zoë, raconte ses aventures à la manière d’un film d’action. Il se mue alors en Vin Diesel dans la franchise «Fast and Furious», grosses voitures, cascades improbables et tirades sur l’importance de la famille à l’appui.
Toutes ces références à la pop culture sont hilarantes mais témoignent aussi du profond respect que les créateurs de la série, Phil Lord et Christopher Miller – on leur doit notamment la franchise «21 jump street» mais aussi le très inventif «Spider-man: into the Spider-Verse» — ont pour le cinéma. «The Afterparty» est une déclaration d’amour au septième art et à son pouvoir divertissant. La série, dans sa construction même, souligne l’importance du point de vue dans une histoire et rappelle qu’un récit biaisé ou mal raconté peut changer toute notre compréhension du monde. Mais son objectif premier reste, sans prétention mais pas sans intelligence, de divertir. Et un peu comme l’inspectrice Danner qui cache dans son sac à main un paquet de pop-corn à grignoter en écoutant les dépositions de ses suspects, on aurait tort de ne pas s’installer confortablement pour en profiter.