«Qui veut la peau de Roger Rabbit», ça vous dit quelque chose? Dans ce film culte de 1988, des fouines veulent en finir avec le lapin accusé d’avoir tué l’amant de sa meuf. L’une de ces mustélidés d’Eurasie est en camisole de force, tout droit sortie d’un hôpital psy: son nom est Psycho Weasel.
Pas de camisole de force ce mardi 12 juillet sur une terrasse derrière la gare de Neuchâtel, mais deux Psycho Weazel, avec un Z, deux moustaches, deux perles au bout des lobes, des perles autour du cou, une coupe mulet à la «Stranger Things» et une chemise rouge Yves Saint Laurent. Ils n’aiment pas qu’on mette les gens dans des cases, mais je vais le faire quand même, parce que je suis un gros punk: s’asseoir avec Ivo Roxo (à droite sur la photo) et Léo Besso, c’est boire le café (froid) en croquant un délicieux bout de la scène électro romande. À la ville, le premier nommé est animateur socio-culturel et serveur, le second pizzaïolo et spécialiste diplômé de l’industrie musicale.
4,2 millions de vues sur TikTok
Si vous ne les avez jamais vus enflammer les foules en boîte de nuit, vous les avez peut-être vus faire les clowns sur TikTok, où l’une de leurs vidéos embrasse les 4,2 millions de vues. «C’était quand même quelque chose de recevoir 100 notifications par seconde pendant qu’elle buzzait, rigole Léo Besso. J’aime bien dire que, le jour où j’atteins les 15’000 abonnés, je changerai le nom de ma page de 'Soloporunbesso' à 'Psycho Weazel'. J’en suis à 4000…»
Les deux potes de 26 ans peuvent se rassurer: leur cote de popularité n’augmente pas que sur les réseaux sociaux. Cet été, ils font la tournée des festivals. Après leur live dantesque et romantique devant près de 6000 personnes en juin à Festi’neuch, ils livreront un DJ-set dansant et torride ce mercredi 20 juillet, à 17h, à Paléo (scène Belleville).
«Notre live, qu’on présentera à nouveau à l’Estivale d’Estavayer-le-Lac le 30 juillet, est une version pure de nous. Notre DJ-set est un melting-pot de nos productions et de nos influences et inspirations.» Parmi lesquelles, le groupe Depeche Mode, le pape de l’italo-disco Giorgio Moroder, le DJ new-yorkais basé à Berlin Curses, qui les a déjà remixés, ou encore le cinéaste David Lynch. Quand l’un parle, l’autre ne le quitte pas du regard. «Il ne faut jamais avoir peur de montrer son amour à sa famille, à ses potes, à sa ou son partenaire», appuie Ivo Roxo. Tout en sensibilité et en douceur.
Fin de l’intermède fleur bleue. À quoi doit-on s’attendre pour ce concert? «Il va faire chaud, ça va être torride! On va préparer notre intro et puis après, on sera à l’écoute du public. Il faudra sentir les choses pour le faire danser malgré la canicule! Et puis, le but est aussi de faire découvrir l’électro à des personnes qui ne connaissent pas bien ce genre. Après nos concerts, des gens nous disent: 'En fait, c’est bien!'»
Garder les pieds sur terre et dans la vraie vie
Comme vos pieds, leur carrière semble prête à enfin décoller. «On a déjà cru que ça allait être le cas après avoir été programmés à Paris, par exemple, il y a quelques années, glisse Léo Besso. Mais en fait, pas du tout. C’est un chemin de croix qu’on suit: il faut travailler. Et même le jour où on pourra peut-être vivre de notre art, j’aimerais bien continuer à bosser un ou deux jours par semaine au restaurant. Pour garder les pieds sur terre et parce que c’est la vraie vie.»
Leur entourage se professionnalise: Antonin Rousseau, directeur de Festi’neuch, et Benoît Chuard, son adjoint, en sont. Le reste, comme le succès de leur dernier double EP «Bianco Rosso», est musique d’avenir.
«Enfant, je reproduisais les musiques des pubs que j’entendais»
Mais voyageons un peu dans le passé du binôme de colocataires. Tous deux viennent du monde du skate. Tomber, se relever. Tous deux commencent la musique dans leur appartement familial respectif. Se lever, jouer. «Enfin, je voulais faire de la guitare ou du piano, confie Ivo Roxo, qui a grandi à Saint-Aubin, à l’ouest de Neuchâtel. Mais ce n’était pas possible: on n’avait pas vraiment les moyens financiers pour ça. Alors j’ai craqué le logiciel Ableton Live et j’ai commencé à créer des morceaux sur l’ordi.»
Pas trop loin de là, Léo Besso vit entouré de flûtes à bec et de xylophones au bord du lac de Bienne, à La Neuveville. «Ma mère enseignait à l’école enfantine et ses instruments dormaient à la maison. Moi, j’aimais bien reproduire les musiques de pubs que j’entendais.» À l’époque, son grand frère mixe dans des clubs neuchâtelois. «Je sortais avec lui, même si je n’en avais pas du tout l’âge…»
Rencontre dans un bus
En 2012, les deux musiciens — alors en herbe — ont parfaitement l’âge pour partir en camp de ski avec leur lycée. Ils se rencontrent dans le car. «J’écoutais ma musique tranquille dans mon casque quand j’ai entendu que des fouteurs de merde passaient du son à l’arrière du bus. J’ai enlevé mes écouteurs et, surprise, leur Boombox diffusait exactement la même track que j’étais en train de kiffer — Cassius, «Les Enfants» (Gesaffelstein remix). J’ai vu que c’était Ivo qui était aux commandes… On s’est trouvés comme ça. D’ailleurs, il faudrait qu’on la passe, une fois, en soirée!»
Coup de foudre musical, «coup de foudre amical». «Le week-end d’après, j’ai invité Léo à faire un set avec moi à la Case à Chocs à Neuchâtel. On n’a presque pas eu besoin de se parler. Il fallait qu’on continue, c’était une évidence.» Ça l’est toujours.