Voilà quelques jours que la bande-annonce du nouveau film de Disney, «The Little Mermaid» («La Petite Sirène») est sortie et qu’elle agite la Toile. Tout ça parce qu’à exactement 1:01, Ariel apparaît de face, dévoilant une peau… noire. Oui, le personnage est interprété par l’actrice afro-américaine Halle Bailey.
Depuis, les grincheux déversent leur frustration sous le hashtag #NotMyAriel. À noter que plus d’un million d’internautes ont cliqué sur le bouton «Je n’aime pas» en dessous de la vidéo sur YouTube…
Respecter l’esprit de l’œuvre originale: vraiment?
D’après les haters, la petite sirène doit être blanche, un point c’est tout. Et pour défendre ce point de vue, des justifications toutes plus délirantes les unes que les autres sont avancées. Elles ont en point commun de s’offusquer d’un supposé manque de fidélité aux œuvres précédentes, qu’il s’agisse du dessin animé de 1989 ou du conte d’Andersen.
Ces puristes de pacotille seront ravis d’apprendre que selon certaines analyses notamment basées sur les correspondances de l’auteur danois, l’histoire de la petite sirène serait une métaphore de l’homosexualité d’Andersen.
Pour la petite histoire, Andersen éprouvait des sentiments pour le fils de son bienfaiteur, un certain Edvard Collin. Ils n’étaient malheureusement pas réciproques… Andersen aurait donc écrit ce conte en guise de référence à cet amour impossible. Le prince de l’histoire représenterait Edvard Collin, et la petite sirène ne serait autre qu’Andersen lui-même. Et c’est là que l’image selon laquelle la sirène doit perdre sa queue pour être aimée du prince prend un tout autre sens.
À la place d’inonder les réseaux avec leurs arguments pétés, ces défenseurs autoproclamés d’un conte publié en 1837, qu’ils n’ont certainement pas lu, feraient mieux de jeter un œil aux mémoires d’Edvard Collin, ou aux correspondances entre les deux hommes.
Si toutes ces pauvres âmes scandalisées à la vue d’une peau foncée voulaient vraiment défendre l’esprit de l’œuvre initiale, alors ils devraient réclamer une adaptation racontant cette romance homosexuelle contrariée. On les entend pourtant peu sur ce sujet…
Le monde avance, et ça dérange
Faut-il avoir l’esprit étriqué pour accorder autant d’importance à la carnation d’un humanoïde aquatique, créature imaginaire qui pourrait très bien avoir la peau bleue, jaune ou rouge à petits pois?
Ce genre de critiques saugrenues, par ailleurs aperçues ces jours et pour les mêmes raisons au sujet des séries «House of the Dragon» ou «Les anneaux de pouvoir», montre plusieurs choses.
D’abord, que ces personnes ont une peur irrationnelle d’un monde qui change.
Ensuite, qu’ils ne savent pas apprécier une œuvre, au vu de l’importance obsessionnelle qu’ils attachent à la peau des personnages plutôt qu’au scénario, à l’essence de l’histoire et sa morale.
Enfin, qu’ils sont probablement racistes… Que la pieuvre Ursula, dans un autre film de Disney intitulé «La Petite Sirène Live», soit incarnée par la chanteuse noire Queen Latifah, ne leur pose étrangement aucun problème, certainement parce que c’est la méchante de l’histoire.
Petites filles aux anges
Cela fait trop longtemps qu’on nous gave avec des princesses blanches auxquelles les petites filles métisses, noires et les autres ne peuvent pas s’identifier. C’est à leur tour d’admirer un personnage qui leur ressemble.
Alors, oui, Disney and Co mettent la diversité à l’honneur désormais. Spoiler alert: ce n’est pas près de changer, et c’est tant mieux. Comme des millions de spectateurs, j’irai voir le film, et la petite fille en moi sera tout aussi enjouée que la première fois où elle a chanté «Sous l’océan» à tue-tête.