La pratique connue sous l’anglicisme parfaitement intraduisible de doxxing vise un comportement relevant de la diffusion, à des fins malicieuses sinon malveillantes, d’informations personnelles sur Internet, telles qu’une adresse de domicile, des coordonnées électroniques ou téléphoniques, des numéros de sécurité sociale ou encore des vidéos ou clichés. De l’enseignant assassiné Samuel Paty à Jay-Z ou Joe Biden en passant par d’illustres inconnus, innombrables sont ceux qui en ont fait les frais.
Ainsi, à première vue, l’amendement des conditions générales de Twitter qui apparaissent dans ce tweet ci-dessous, visant précisément à interdire le doxxing, partait sans doute de bonnes intentions.
Mais l’enfer en est pavé, dit-on. La modification des règles de Twitter visait spécifiquement à permettre le retrait, sur demande, de photographies ou de vidéos postées sans l’accord de la personne qui y figurait. Et l’on réservait naturellement des exceptions concernant les personnalités et les images d’événements publics.
Mais voici donc que, dans ce ciel bleu tendre, des groupuscules américains d’extrême droite se seraient engouffrés dans la brèche et auraient tenté, semble-t-il avec succès, de paralyser des comptes ayant pour vocation de critiquer des dérives néonazies, notamment en affichant la photographie de certains. Voici donc que le mécanisme, supposé protéger la vie privée, reviendrait finalement à agir défavorablement sur la liberté d’expression. A la vérité, il est assez alarmant de réaliser que, jusqu’à ce jour, Twitter permettait de poster des clichés de tiers sans autorisation, ce que le droit, à tout le moins suisse, ne permet pas, sauf rares exceptions.
On veut tout et son contraire
Au-delà du cas particulier, pour lequel Twitter a admis des admissions malencontreuses, le vieux serpent de mer de la régulation des contenus sur Internet reprend du service. Avec ce corollaire que les mesures, prises ou refusées, finissent toujours par comporter un effet délétère ou de bord.
Le problème est à la vérité encore plus fondamental, dès lors que le système repose sur des injonctions contradictoires. On veut tout à la fois:
- par le biais de la protection des données et du droit à l’image, permettre aux citoyens de contrôler leur image
- tout en permettant, notamment grâce à la liberté qui protège les médias, une liberté d’expression aussi large que possible.
On veut faire cohabiter le droit à l’oubli avec les exigences de l’histoire et de sa documentation rigoureuse.
N'y avait-il que Trump pour mentir sur Twitter?
Et puisque ces valeurs prises individuellement méritent toutes d’être protégées, il est difficile, sinon impossible, de les hiérarchiser sans porter atteinte aux fondements de nos sociétés démocratiques. S’ensuivent donc, dans nombre de pays, des décisions de justice qui, tant bien que mal, ménagent des intérêts contradictoires ou, familièrement dit, la chèvre et le chou. Avec comme victime directe la prévisibilité des choses et une certaine forme de bon sens.
On se souviendra aussi du fait que nombre de tweets de l’ancien président Donald Trump se voyaient affubler d’un avertissement mettant en doute la véracité de leur teneur. Dont acte. Mais fallait-il comprendre par là que ceux de ses adversaires politiques étaient quant à eux d’une parfaite probité et ne connaissaient pas le mensonge ou la vérité alternative, comme l’on dit?
Cela laisse évidemment songeur: labelliser les contenus est une fausse bonne idée qui comporte, au demeurant, le risque, par effet de contraste, de valider ou de démonétiser, c’est selon, les messages qui ne comportent pas une petite étiquette informative.
Et l’avènement de cet épouvantable Ministère de la vérité n’est pas à considérer comme une bonne nouvelle, loin s’en faut. Esprit critique, relève toi, ils sont devenus fous!