Nicolas Capt
L'inspiration, science des copieurs ou nourriture des érudits?

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un post juridique pour les lecteurs de Blick. Pour sa première chronique de 2022, il se penche sur le plagiat. Une figure plus complexe qu'il n'y paraît.
Publié: 04.01.2022 à 16:53 heures
Nicolas Capt, avocat en droit des médias, se penche ici sur la question du plagiat.
Photo: Blick_Suisse romande

Le chroniqueur français Jean Messiah, nous apprend «Le Monde», aurait trempé sa plume à l’encre du plagiat. Et aurait notamment «reproduit mot à mot une tribune publiée par Les Echos dans un texte signé de son nom sur le site du magazine «Causeur». Diantre !

L’occasion rêvée pour votre chroniqueur de revenir sur l’étonnante figure du plagiat, plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Pour l’encyclopédie participative Wikipedia, qu’il convient de citer ici au risque de se retrouver sans crier gare le Monsieur Jourdain de l’emprunt excessif, le plagiat «est une faute d'ordre moral, civil ou commercial, qui peut être sanctionnée au pénal. Elle consiste à copier un auteur, ou accaparer l'œuvre d'un créateur dans le domaine des arts, sans le citer ou le dire, ainsi qu'à fortement s'inspirer d'un modèle que l'on omet, délibérément ou par négligence, de désigner. Il est souvent assimilé à un vol immatériel.»

Le droit suisse n’y échappe pas et réprime naturellement les violations du droit d’auteur.

Evidemment, la copie est aussi vieille que le monde. Et presque autant que l’original. Il y a naturellement autant de mode d’emprunts que d’emprunteurs. De l’inspiration intellectuelle, louée par chaque esprit éclairé puisque ce n’est qu’à la lumière de la réflexion d’autrui que l’on forge le mieux la sienne, à la copie servile du plagieur patenté, il y a naturellement un monde. Dans lequel on trouve notamment la curieuse figure du démarquage, qui consiste à recouvrir ses traces en modifiant le texte pour éviter que l’on ne remonte à la juste source. L’outil de prédilection du démarqueur? La paraphrase.

Mais il faut dissiper une idée reçue: les idées ne sont pas sujettes à plagiat, même les meilleurs, même les plus rares. Ce qui l’est, c’est la seule forme d’expression desdites idées: un poème, un roman ou même, à certaines conditions, un manuel de classification de produits chimiques. Mais pas l’idée géniale de votre scénario d’un paquebot qui foncerait à toute vapeur de Southampton vers New York avant de faire la connaissance d’un iceberg.

Le plagiat vise donc l’appropriation excessive de la forme.

Cela ne veut pas encore dire qu’il soit totalement prohibé d’intégrer dans sa prose celle d’autrui. Les citations, chères aux écoliers, collégiens et thésards de tous pays, en sont l’éclatante démonstration. Mais celles-ci doivent être proportionnées dans leur ampleur et servir un appareil critique. En clair, les citations sont admises mais soumises à des conditions que les Universités ne cessent de répéter à une génération d’étudiants biberonnés à la (fausse) impression de la gratuité et libre disposition des services numériques et, par extension, de tout ce que l’on trouve accessible sur la toile.

Alors qu’en retenir? S’agissant du plagiat, on valorise la forme et non le fond. On peut «voler» la forme, mais le fond n’est quant à lui susceptible que d’une appropriation licite. Cela peut paraître étrange mais, au fond, préfériez-vous ne plus avoir le droit d’évoquer l’idée d’autrui?

Vous voyez, la vie est bien faite.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la