Pour cette édition spéciale fêtes, j’ai eu envie de vous proposer, en lieu et place de l’habituel tweet sélectionné main et donnant prétexte à la présente chronique, quelques pensées désordonnées, livrées comme un cadeau de Noël détraqué, avec emballage incertain et ficelles de travers. Mais on dit bien que c’est l’intention qui compte, non?
Alors, que proposer de léger et de réjouissant, en cette fin d’année 2021 marquée par les événements que l’on sait et les perspectives – pas toutes joyeuses – que l’on sait aussi? A l’heure du certificat sanitaire, de la doctrine 3G+ (que l’on jurerait sortie de l’imaginaire maladif d’un opérateur téléphonique explorant le passé) et des factures à paiement récurrent annuel, comment diable prendre de la hauteur, du recul et du plaisir?
Une «Panthère des neiges» bouleversante
Eh bien, tout d’abord, en fonçant se réfugier dans une salle obscure (le port du masque rendra sans doute l’expérience plus immersive, à tout le moins est-ce là un narratif plaisant qui permet sans doute de mieux l’accepter) pour admirer la fantastique «Panthère des neiges» de Marie Amiguet, une pellicule bouleversante qui voit l’écrivain Sylvain Tesson s’émerveiller du vivant, envouté par les chuchotements extraordinaires de Vincent Mugnier. Un thriller des bêtes, un jeu de hasard grandeur nature où l’absence et les apparitions furtives en milieu hostile se tissent en de subtils entrelacs. Au milieu de nulle part, là où la vie bat plus vrai et plus fort qu’au cœur de New York, dans un paradoxe absolu. Dans le siège de cinéma, quand l’ours ou la panthère surgit, l’émotion est immense, irrépressible. On ressort bousculé de la projection, comme au sortir de ce qui formerait, par contraste, une sorte de révélateur chimique de la vacuité de nos préoccupations modernes minuscules. On se sent bien désemparé et futiles, avec nos agendas partagés, nos séances à distance, nos comptes de réseaux sociaux et notre bruit pour rien. Et c’est à l’anglaise que l’on quitte le cinéma pour ne pas avoir à assumer celui de nos vies bien inconsistantes. Porté par une bande son confiée aux immenses poètes de la note que sont Warren Ellis et Nick Cave, ce film traduit en images et en musique une définition, implacable puisque implicite, de l’essentiel.
Entre «Mars» et «Rock'n'Roll Justice»
Et tant que vous y êtes, procurez-vous aussi «Mars», de François Schuiten et Sylvain Tesson (encore lui), ce dernier étant cette fois occupé à conter des rêveries martiennes rétrofuturistes, portées par des images qui évoquent les langueurs pastel du space opera «Dune».
Si vous deviez préférer, par goût assumé ou par déviance, le bruit des chaînes, des marteaux de juge (forcément américains) et des loquets de cellules pénitentiaires à celui des bêtes, alors il est grand temps de vous munir de «Rock’n’Roll Justice», sous-titré «Une histoire judiciaire du rock», qui voit le brillant avocat parisien Fabrice Epstein, ancien Secrétaire de la Conférence (pour les intronisés, il s’agit d’un titre fort respectable et tout aussi envié) revenir sur les petites et grandes affaires ayant porté le rock devant la justice. Ou l’inverse, c’est selon.
Immersion dans un monde virtuel
Enfin, si vous avez encore des sous dans la tirelire, pourquoi ne pas vous acheter un terrain dans l’un des mondes virtuels qui défrayent la chronique? Certes, votre terrain virtuel sur Decentraland sera sans doute moins pratique avec les enfants au mois d’août que le pavillon habituel pris en location saisonnière à Juan-les-Pins, mais enfin, la modernité n’attend pas, plaident ses défenseurs. Et puis, le parasol rouge et blanc à planter dans le sable en écoutant, d’une oreille distraite, les rires des enfants et les vendeurs ambulants, est-ce vraiment cela, la vie? Ou est-ce bien plutôt se plonger sans attendre dans les mondes immersifs qui feront demain les rêves et les perditions?
Je vous laisse, j’ai bataille de boules de neige avec Sylvain Tesson.