Léonore Porchet vs. Martin Candinas
La retraite à 66 ans: solution ou cauchemar ?

L'une est conseillère nationale verte vaudoise, l'autre est un Grison qui occupe un siège du centre. Deux fois par mois, Léonore Porchet et Martin Candinas croisent le fer sur un thème d'actualité. Au menu cette semaine: l'AVS.
Publié: 17.07.2021 à 07:40 heures
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Travailler jusqu'à 66 ans ou plus ?
Photo: Getty Images
Sermîn Faki et Michel Jeanneret

Le Parlement vient de fixer l'âge de la retraite des femmes à 65 ans. Rien d'étonnant: la gauche est en train de faire chauffer un référendum. Nul besoin d'être un prophète pour dire que le vote ne sera pas une promenade de santé. Les Jeunes PLR, eux, n'en ont cure: dans le cadre d'une initiative populaire, ils demandent que l'âge de la retraite soit porté à 66 ans pour les deux sexes. Provocation cauchemardesque, ou solution rêvée? La verte vaudoise Léonore Porchet et le grison du centre Martin Candinas en débattent.

Léonore Porchet / Martin Candinas
Photo: Blick - creative lab

C'est plutôt un cauchemar qu'un rêve! Cette initiative est complètement déconnectée de la réalité du travail en Suisse et risque de mettre en colère la classe moyenne. Aujourd'hui, presque un actif sur deux prend une retraite anticipée - s'il peut se le permettre en tant que salarié. Cela signifie que la majorité des gens veulent prendre leur retraite plus tôt parce qu'ils en ont assez. Cela signifie également que les personnes à faible revenu qui ne peuvent pas se le permettre seront pénalisées par cette initiative. Il en va de même pour les chômeurs de longue durée: une année de plus à attendre la fin de l'épreuve. On dit aux gens de travailler plus longtemps alors que le marché du travail les traite mal. Au fond, cette initiative est une autre idée néolibérale pour attaquer l'institution sociale et solidaire de l'AVS (quelle abomination pour le PLR!), qui n'a rien à voir avec ce que les gens vivent réellement dans leur vie professionnelle.

L'initiative n'est pas un cauchemar, mais elle rate la cible... Depuis 1997, nous n'avons pas progressé avec l'AVS. Toutes les propositions ont été rejetées au parlement ou par le peuple. Il est urgent de procéder à des adaptations de l'AVS qui soient acceptables pour la majorité, afin que nous puissions continuer à la financer à l'avenir. Nous devons enfin accepter que la population a vieilli au cours des dernières décennies. Nous ne pouvons pas ignorer l'évolution démographique par pur romantisme social. Si nous voulons avoir des assurances sociales saines, nous devons mettre plus d'argent dans le système, mais aussi créer des incitations pour que les gens travaillent volontairement plus longtemps (peut-être seulement à temps partiel). Ceux-ci font défaut aujourd'hui. En outre, l'économie n'est souvent pas disposée à employer des personnes après l'âge normal de la retraite. C'est par là qu'il faut absolument commencer.

Léonore Porchet / Martin Candinas
Photo: Blick - creative lab

L'idée selon laquelle l’augmentation de la durée de vie forcerait à augmenter l’âge de la retraite est un mythe. Entre le moment où l'AVS a été mise en place, en 1947, et les années 1970, la durée de vie a augmenté bien plus que ces dernières années et le Parlement a simplement considéré qu'il était normal de financer correctement la retraite de nos aîné·e·s, en augmentant les cotisations ou en trouvant d'autres sources de financement. Mais depuis, le projet social et solidaire de l'AVS a été attaqué par des demandes incessantes de baisses de prestations. Principalement parce que les idées néolibérales soutenues par les jeunes PLR ont colonisé une partie du Parlement... Mais la population ne se fait plus avoir, c'est pour cela que les réformes sont rejetées les unes après les autres. Ce sera aussi le cas d'AVS21, que tu as soutenue cher Martin. Tu dis pourtant, et je suis d'accord avec toi, que nous devons proposer une réforme qui obtienne l'adhésion populaire. Ce ne sera pas en augmentant l'âge de la retraite. Ni des femmes, ni de personne!

Par le passé, l'augmentation de l'espérance de vie n'était pratiquement absorbée que par des fonds supplémentaires (pourcentages salariaux et TVA). Aujourd'hui, cependant, la situation est très différente de celle des années 1970. Tout d'abord, le monde du travail a massivement changé. Aujourd'hui, la grande majorité des salariés ne travaillent plus dans l'industrie, mais dans le secteur des services. De nombreuses femmes sont désormais employées, principalement dans le secteur des services également. Dans ce secteur, les horaires de travail plus longs sont beaucoup plus raisonnables. En outre, beaucoup plus de travailleurs ont aujourd'hui des qualifications professionnelles supérieures. Par rapport aux années 1970, ils sont nombreux à entrer plus tard dans la vie active. C'est précisément la raison pour laquelle les modèles de vie professionnelle ont un sens. Et autre chose: nous avons une concurrence internationale accrue. Nos entreprises ne peuvent pas se voir imposer des pourcentages salariaux et des taxes toujours plus élevés. La proposition actuelle de l'AVS, que je soutiens de tout cœur, garantit au moins que les coûts restent dans les limites du raisonnable et que les charges soient réparties de manière relativement équitable. Demander de l'argent unilatéralement est simple, mais c'est tout aussi inacceptable que l'initiative des jeunes PLR.

Léonore Porchet / Martin Candinas
Photo: Blick - creative lab

Tout le monde ne voit pas sa durée de vie s’allonger, et encore moins augmenter son nombre d’années de vie en bonne santé. Les différences de revenus ont en effet une influence sur la santé: les personnes à plus faible revenu ont une santé moins bonne que les personnes à plus haut revenu. Or ce sont justement ces bas revenus qui pourront le moins prendre une retraite anticipée. Cela implique que les personnes à haut revenu, qui meurent moins vite, profitent plus longtemps des prestations de la retraite tout en recevant des retraites plus élevées. Vieillir en bonne santé est donc plus difficile pour les retraités touchés par la pauvreté que pour les autres. Ajoutons aussi que, si les femmes vivent un peu plus longtemps que les hommes, elles profitent du même nombre d’années de vie en bonne santé. Donc, quand on regarde précisément ce qu’il se passe dans la population qui arrive à la retraite, l’espérance de vie ne peut pas être un facteur déterminant pour l’âge de la retraite dans une société civilisée. D’autant plus que la moyenne est d’un peu moins de 68 ans d’année de vie en bonne santé, soit 3 ans après la retraite!

Cela montre que les Verts et la Gauche ne veulent pas contribuer à la réhabilitation de l'AVS. Vous voulez juste mettre de l'argent dans le système. Cela ne résoudra aucun problème, mais en créera de nouveaux. Je souhaite moi aussi que notre société civilisée bénéficie d'une retraite optimale après la retraite, mais tout doit être financé. Pourquoi alors ne pourrions-nous pas envisager un autre modèle de vie professionnelle? Et encore une fois: je suis contre un âge de la retraite de 66 ans pour tout le monde, mais l'âge de la retraite doit être assoupli. Nous devons créer des incitations pour que la population reste plus longtemps active. Je suis uniquement favorable à l'âge de la retraite de 65 ans pour les hommes et les femmes. Comment peut-on être contre cela? Avec une augmentation progressive de l'âge de la retraite, avec des mesures compensatoires prévues par le parti du centre et avec une légère augmentation de la TVA, nous répondrons aux besoins des femmes et remettrons l'AVS sur des bases stables pour quelques années.

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