Les CFF ont vécu. Il est temps d’en finir. Fondés en 1902, les Chemins de fer fédéraux suisses sont, depuis 1999, une société anonyme dont le capital est détenu par la Confédération; c’est-à-dire qu’ils cumulent à la fois les tares de l’entreprise publique et de l’entreprise privée, sous un régime mixte, bâtard, qui montre de plus en plus clairement ses limites — et dont la création n’a été qu’une concession indigne aux exigences de l’Union européenne, quand la Suisse caressait alors l’idée funeste d’en devenir membre.
Non soumis à une réelle concurrence du fait de sa capitalisation étatique massive, mais sans la responsabilité d’un véritable service public, les CFF pratiquent une politique erratique, adossée au capitalisme le plus sauvage (augmentation vertigineuse du prix des billets, opérations immobilières discutables, relations orageuses avec les partenaires sociaux, etc.), tout en accréditant l’idée, auprès de la population, que ses actions ne seraient dirigées que vers le bien commun.
Or, il s’agit moins de permettre à celle-ci de se déplacer, ou de l’encourager à délaisser la voiture au profit du rail, que de tirer de juteux profits de la contrainte professionnelle des pendulaires — tout en pratiquant une surveillance accrue des citoyens qui ne déparerait pas dans certains États autoritaires.
Anti-écologique, anti-sociale, la société anonyme de transports donne l’impression de faire entièrement avec les intérêts de la bourgeoisie financière, alors qu’elle pourrait — et devrait — être une entité au service de l’ensemble de la société suisse. Ce découplage des décisions prises par la direction des CFF et les intérêts réels de Suisses et des Suissesses créent un mécontentement à l’égard de l’entreprise qui ont des conséquences souvent regrettables, parfois dramatiques: abandon du rail, resquillage, agressions du personnel, déprédations des véhicules, endettement de celles et de ceux qui n’ont plus les moyens de payer mais doivent tout de même se déplacer.
Loin de souhaiter que le rail suisse s’ouvre à la concurrence — les pays qui ont nourri de telles illusions s’en mordent aujourd’hui les doigts — nous souhaitons la création d’un véritable pôle public des transports, qui soit véritablement au service de la population, et en accord avec les défis écologiques importants qui sont la marque de notre époque. Il nous paraît du plus haut intérêt d’enterrer les CFF sous leur forme actuelle — ou tout au moins de revenir à ce qui prévalait avant 1999.