Irène Kälin
Toboggan, piqûre et vie d'avant

Dans sa chronique, la vice-présidente du Conseil national Irène Kälin évoque son amour pour les voitures-familles des CFF et son faible pour l'innocence des enfants par rapport aux mesures Covid.
Publié: 11.08.2021 à 17:55 heures
|
Dernière mise à jour: 10.09.2021 à 09:48 heures
Représentante des Verts, l'Argovienne Irène Kälin est vice-présidente du National.
Photo: Keystone/Blick
Irène Kälin

Mon fils, que j'ai déjà évoqué dans une chronique précédente, adore les voyages en train. Les locomotives sont ses amies, mais son péché mignon reste la voiture-famille et ses wagons miniatures. Lorsqu'il y en a une*. C'est aussi mon cas: il y a souvent d'autres petits voyageurs pour se divertir en compagnie de ma progéniture et m'offrir indirectement un peu de répit pour lire le journal ou répondre à mes mails.

Je rencontre aussi d'autres parents. Et c'est là que j'ai réalisé l'absurdité de la situation. Que ce soit pour dévaler le toboggan ou se pourchasser dans les petits tunnels, nos enfants sont les uns sur les autres. Ils se chapardent leur quatre-heures parmi, parce que — c'est bien connu — le goûter de l'autre est toujours meilleur que le sien. Et nous, adultes, avons presque mauvaise conscience au moment de boire un café. Descendre le masque et vite le remonter une fois la gorgée absorbée. Comble de l'ironie: il suffit de s'oublier une fois pour que votre petit voyageur vienne vers vous: «Maman, le masque! On est dans le train!»

Le café du commerce sur rails

Nous sommes tous pareils, à jongler sur nos smartphones entre les résultats des Jeux olympiques et nos affaires courantes. Une mère se réjouit de la nouvelle médaille suisse pendant qu'un père répond à un mail. Et la voiture-famille devient un peu le café du commerce. Forcément, la météo maussade est évoquée. L'été est pourri et les premiers frimas de l'automne guettent.

Thème encore plus inévitable: le Covid. Parce qu'un papa est revenu des toilettes en oubliant d'ajuster son masque, se faisant aussitôt remettre à l'ordre par sa fille. Et malgré les barrières artificielles — masque et distance sociale — qui constituent notre nouvelle réalité depuis plus d'une année, la question intime est posée: qui est vacciné, qui ne l'est pas? Il y a de tout. Mon fils prend part à la discussion: «Moi aussi, je suis vacciné!» Il n'a pas tout à fait tort. Après tout, il a beau avoir moins de 12 ans et ne pas être éligible au vaccin contre le Covid, il a reçu une protection contre la polio, le tétanos et la diphtérie. À entendre les récits des petits passagers, on se dit que les premières piqûres ne s'oublient pas facilement, dans une vie.

Avec toutes ces discussions et réflexions, le temps file et il est déjà l'heure de nous dire au revoir. Mon fils prend congé de ses nouveaux petits camarades avec une étreinte chaleureuse. Ce qui provoque quelques rires chez les adultes. Car la scène qui vient de se produire sous nos yeux n'est plus notre quotidien depuis bien longtemps. Je ne dis pas cela en étant nostalgique de mon enfance, pas non plus pour cet aspect de l'avant-Covid — très honnêtement, même avant la distance sociale, les masques et tout le toutim, je n'étais pas aussi prompte que mon fils à étreindre mes compagnons de voyage. Ce que je veux dire, c'est que nous étions plus proches, il n'y a pas si longtemps encore.

Pourra-t-on revivre comme avant?

Nous n'avons plus l'habitude de voir le visage des personnes dont nous partageons le wagon. Pas plus que nous asseoir côte-à-côte pour partager un café ou un repas. Alors qu'à l'inverse, notre propension à nous faire vacciner ou non est devenu un sujet de discussion et n'est plus une affaire privée, intime.

Quelqu'un (s')interroge: «Vous pensez que l'on pourra revivre comme avant? Je veux dire, au moins nous asseoir côte-à-côte avec nos enfants, sans masque, dans le train?» Les adultes hésitent entre haussements d'épaules et silence gêné, ce qui permet à mon fils de briser le silence. «On verra ça la semaine prochaine, Maman!»

*Chers CFF, nous souhaitons davantage de voitures-familles. Au point que mon fils voudrait appeler votre patron Vincent Ducrot pour l'exiger. Nous, en tant que parents, serons moins téméraires et nous contenterons de dire que nous serions très heureux d'en trouver une dans chaque InterCity et chaque InterRegio. Les «zones réservées aux familles» sont sans intérêt.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la