Un commentaire de Tim Guillemin
Le football, il a gagné

L’élimination du Real Madrid face à Arsenal en quarts de finale de la Champions League est une très bonne nouvelle pour le football, ce sport collectif qui se joue à onze, estime notre journaliste, très critique envers le Kylian Mbappé de 2025.
Publié: 17.04.2025 à 01:54 heures
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Dernière mise à jour: 17.04.2025 à 09:01 heures
Si Kylian Mpabbé semble seul au monde, le football, lui se joue à 11.
Photo: Getty Images
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

J’ai vérifié, pour être sûr que ma mémoire n’avait pas enjolivé les choses, sept ans après. Je suis donc allé rechercher mes articles écrits lors de la Coupe du monde 2018, pour être sûr de ce que je me disais mercredi soir: Kylian Mbappé était un joueur formidable. Et non, je n’ai pas toujours été critique envers lui, très loin de là.

Je me souviens très bien de ces débuts, de cette fraîcheur, de cette aisance à s’exprimer, de ce gamin qui déboulait dans le grand monde avec ambition et du feu dans les jambes. Il cavalait sur l’aile, il avalait les espaces et il avait, au fil des mois, grandement amélioré son petit péché de jeunesse, cette finition qui était encore déficiente. 

Kylian Mbappé était un phénomène, qui a été essentiel dans la quête de la Coupe du monde. Il défendait déjà peu, mais ce n’était pas si grave. Blaise Matuidi courait pour lui, comblait les trous et le gamin était décisif, apprécié de tous. Y compris de moi, donc. Mais comme il l’a dit bien plus tard, le football, il a changé. Ou plutôt, lui, Kylian Mbappé, il a changé. Je me fous pas mal de ce qui se passe hors du terrain. 

Ce qu’il dit ou ne dit pas en matière de politique, ses coups de fils au président Emmanuel Macron, ses virées en boîte de nuit, son jet privé pour aller à Stockholm, les millions qu’il réclame au PSG, sa communication défaillante… Ceux qui espèrent que je vais m’en servir dans mon argumentation: passez votre chemin, vous ne trouverez rien ici. Je veux parler de ballon, de terrain.

Pourquoi vouloir jouer comme un numéro 10 qu'il ne sera jamais?

Alors, parlons ballon. Et que voit-on avec le nouveau Kylian Mbappé? Un joueur qui n’accepte plus de jouer sur ses qualités. Il est encore le plus rapide de tous, il possède désormais une finition supérieure à la moyenne, et il est très explosif, même s’il l’est logiquement moins à 26 ans qu’à 18. Alors, pourquoi vouloir jouer comme un numéro 10? Pourquoi s’obstiner à vouloir organiser le jeu? 

A vouloir tirer les coup-francs, alors qu’il n’en a jamais mis un seul en carrière? Par orgueil? Par volonté de se comparer avec les plus grands? Parce qu'il était conscient qu'un jour sa vitesse ne suffirait plus? Lui seul a la réponse, mais ce qui est sûr, c'est que le résultat ne rend service à personne. Ni à lui, ni à ses équipes, que ce soit en club ou en équipe de France. Pour ceux qui en doutent, je vous invite à regarder les matches des Bleus lors du dernier Euro, une souffrance que je ne souhaite cependant à personne.

Aujourd’hui, Kylian Mbappé est devenu un attaquant très moyen à haut niveau, qui ne veut pas jouer sur ses qualités et empiète sur le territoire des autres. Le moment le plus triste, mercredi soir contre Arsenal, a pour moi été le moment où il est sorti et où Vinicius, ce n’est pas une coïncidence, a soudain commencé à jouer libéré et à redevenir lui-même. Kylian Mbappé a phagocyté le jeu du Paris Saint-Germain, qui ressemble à une équipe de football depuis son départ, et il est en train de plomber le Real Madrid de la même manière.

Tout n'est pas de sa faute, mais avoir tout misé sur lui est une erreur

Je sais que la Maison Blanche a d’autres soucis que lui, et il n’est pas responsable de la retraite de Toni Kroos, du recrutement défaillant, et de la blessure de Dani Carvajal. Mais le président Florentino Perez a tout misé sur l’attaquant français et il a tout perdu. 

Il a déséquilibré son vestiaire en recrutant un joueur qui ne veut pas courir et qui, quand il daigne défendre, se prend un carton rouge le dimanche et se blesse le mercredi. Kylian Mbappé, qui veut devenir le plus grand, ferait bien de s’inspirer d’un certain Cristiano Ronaldo, un joueur qui a su se réinventer dans la deuxième moitié de sa carrière et n’a jamais oublié de travailler pour s'améliorer, lui.

Qu'il s'amuse et qu'il retrouve de la fraîcheur

Que l’on ne s’y méprenne pas, je ne souhaite aucun mal à Kylian Mbappé. Au contraire, même. Je souhaite que ce garçon intelligent accepte enfin de jouer sur ses qualités, qu’il redevienne ce gamin insouciant, et qu’il se remette à courir et à prendre la profondeur. Je lui veux du bien, je veux qu’il s’amuse, qu’il retrouve de la fraîcheur et qu’il accepte de penser collectif et équilibre, pour pouvoir briller individuellement. 

Je lui souhaite d’être Ballon d’Or un jour, mais pour y parvenir, il faut qu’il arrête d’y penser et d’en parler et qu’il redevienne un joueur de football. Parce qu’aujourd’hui, dans ce Real Madrid-là, au sein de ce collectif inexistant, en faisant partie de cette équipe déséquilibrée, il ne peut rien gagner. Constat cruel, mais objectif: le Real serait meilleur dans les grands matches avec un avant-centre du profil de Joselu, opiniâtre travailleur sans talent, qui lui assurerait de la cohérence et aiderait les stars à briller plutôt qu'avec le Kylian Mbappé de 2025.

Ce mercredi, entre le Real et Arsenal, ce sont les Londoniens, une vraie équipe guidée par un entraîneur qui a une vision à long terme et qui fait courir ses joueurs, qui se sont qualifiés. Comme le PSG la veille. En une phrase, c’est le football qui a gagné. Kylian, il n’est pas trop tard, je t'assure. Mais le changement et la prise de conscience, pour toi, c’est maintenant.

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