Donald Trump n’a pas encore gagné l’élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024. Cette seule phrase, aujourd’hui, paraît presque incongrue après la déferlante de victoires du candidat républicain, à l’issue des primaires du «Super Tuesday». Elle semble même encore plus audacieuse alors que sa seule rivale républicaine, Nikki Haley, vient de lâcher prise, après avoir empoché deux maigres succès dans sa course à l’investiture: à Washington DC (qui n’est pas un État) et dans le Vermont (l’État du Sénateur de gauche Bernie Sanders).
Il faut pourtant le répéter. Le redire. Le souligner. La campagne électorale américaine est encore loin d’avoir démarré, même si l’ancien président fait tout pour la faire disparaître, et se présenter comme le vainqueur inéluctable du duel qui, à nouveau, va l’opposer à Joe Biden.
La démocratie américaine est incontestablement mal en point, tordue à l’excès par les réseaux sociaux, le climat politique délétère et l’hystérie trumpiste. Mais elle reste solide et les isoloirs peuvent fort bien réserver des surprises. Le vétéran Biden, plombé par ses gaffes et ses 81 ans (il en aura 82 le 20 novembre) est encore loin d’être enterré.
Fractures traditionnelles
Une évidence s’impose toutefois dès maintenant: au-delà des fractures politiques traditionnelles entre Démocrates et Républicains, l’actuel locataire de la Maison-Blanche devra compter sur une mobilisation exceptionnelle de ses troupes pour faire mordre la poussière à l’ex-promoteur immobilier New-Yorkais. Il lui faudra, pour battre Trump, puiser dans des réservoirs de voix que les sondages ne parviennent pas aujourd’hui à discerner. Or un de ses réservoirs existe. Et il est plein. Il s’agit de l’électorat féminin, que les harangues de «Super Donald» ont tout pour inquiéter.
Trump promet tout: l’arrêt de l’immigration massive, le retour de la paix dans le monde, le désengagement des États-Unis de l’OTAN – cette alliance bien trop coûteuse pour défendre des alliés européens ingrats –, plus, bien sûr, la prospérité et la puissance retrouvée de l’Amérique. Mais il est, reste et demeure l’homme des blessures, des fractures et des peurs. Son élection risque de plonger le pays dans un chaos inédit. Son fond de commerce est d'être le porte-parole d’une société en colère, masculine, enragée. Une société que beaucoup de femmes, d’épouses et de mères de famille refusent pour leurs proches et leurs enfants.
En finir avec l’avortement
Donald Trump est aussi le candidat qui veut en finir avec l’avortement, prêt à mettre la société dans les mains des prédicateurs évangélistes. En 2020, il y a quatre ans, à l’ombre de la pandémie de Covid, les femmes avaient déjà un rôle majeur dans cette défaite qu’il refuse toujours de reconnaître. De nombreuses manifestations de femmes hostiles à Trump avaient scandé la campagne électorale. Son passé personnel en dit par ailleurs long sur sa manière de considérer celles-ci. Dans cette classe moyenne américaine que le programme économique de Joe Biden tente de ressusciter, les Américaines ont donc le choix: soit voter pour Trump, voir leurs droits réduits, et leurs combats passés anéantis. Soit lui tourner le dos pour sauvegarder l’essentiel.
Le dernier rempart anti-Trump est donc peut-être féminin. Il est fragile. Liz Cheney, l’ancienne élue républicaine du Wyoming, lesbienne et fille de l’ex Vice président Dick Cheney, en a fait l’expérience dans son État. Sa conduite de la Commission d’enquête sur l’assaut du capitole en janvier 2021 lui a été fatale. Elle n’a pas pu se représenter. Out. Mais son exemple est parlant. Sa voix a porté. Tout comme, dans le camp républicain, celle de Nikki Haley, qui ne s'est pas rallié au candidat vainqueur. Toutes deux affichent leur défiance. Trump ne sera jamais le candidat d’une société où les femmes sont l’égal des hommes en termes de droits et de libertés individuelles.
L’exemple Taylor Swift
Taylor Swift, la chanteuse que le monde entier regarde, est l'autre avant-garde de cette rébellion féminine. Elle ose dire non. Elle se mobilise contre l’obscurantisme familial du clan Trump. Voilà un autre exemple.
Jusqu’où cette révolte des femmes contre Trump ira-t-elle? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais on peut déjà l’écrire: cette présidentielle 2024 sera celle des 150 millions d’Américaines. Ce sont leurs bulletins, dans l’isoloir, qui décideront largement du sort politique d’un mâle dominateur nommé Donald Trump.