En roue libre, l’humoriste Claude-Inga Barbey a réussi à déraper à nouveau. Prise en flagrant délit de racisme anti-asiatique, elle réfute les témoignages et les avis experts, à l’image d’une automobiliste bourrée arrêtée après avoir grillé un feu rouge sous l’œil hébété d’écolières et d’écoliers à la sortie des cours.
La référence au préau est posée ici à dessein: se moquer — dans ce sketch diffusé par «Le Temps» — de la population chinoise en se tirant les yeux, en confiant avoir mangé son animal de compagnie, en imitant un accent les mains jointes, en faisant référence à une peau légèrement jaune est au moins de ce niveau-là. Quoi qu’en disent les xénophobes, descendre une minorité à coups de stéréotypes nauséabonds EST raciste, parce que ça renforce les systèmes de domination en place depuis des siècles.
Rire de et avec
Mais l'artiste — comme la rédaction en chef du quotidien — ne voit pas le problème. Face à des représentants de la communauté asiatique heurtés, elle ose même un «ça commence vraiment à être très, très difficile de travailler dans ce métier». Ah bon? Pour elle, comme pour Jean-Marie Bigard l’antivax ou Michel Leeb, déjà limite en son temps, certainement. Pas pour tant d’autres, plus jeunes (d’esprit en tout cas), plus au courant, plus au contact avec la société et ses minorités. Et donc, plus drôles. Tout en — quoi qu’en disent les réac’— riant de tout et surtout avec — c’est central — tout le monde.
On peut rire d’une communauté ou d’une minorité. On doit rire avec. Mais pour le faire, il faut aller à la rencontre de l’autre, assimiler ses codes, ses ressorts comiques, identifier ses limites (pour mieux les franchir et revendiquer son droit d’offenser plus tard, peut-être). Éteindre le tube cathodique et sortir de chez soi. Vous verrez, Madame Barbey, c’est marrant et ça permet de raconter ses expériences ensuite. Une comédienne doit être la chroniqueuse de son temps, comprendre son époque. Qui — quoi qu’en disent les conservateurs — a changé... en bien.
Bienvenue au Wokistan!
Avant d’assommer par-derrière une minorité déjà victime de nos clichés qui va son chemin, marchez un mile dans ses chaussures parfois inadaptées en terrain miné, chère Claude-Inga! Et discutez du prix des Compeed ensuite. Ou alors, attaquez-vous aux puissants! Si la recette fait fureur depuis la nuit des temps, ce n’est pas un hasard. Ça vous déplaît? Bienvenue au Wokistan! Quoi qu’en disent les boomers, on s’y sent libre et le rire y est souvent aussi acide qu’un cocktail arc-en-ciel et eco-friendly.