Peu avant cette visite très attendue du souverain pontife, la route d'accès a été réparée et des électriciens ont amené le courant dans le quartier de Lunik IX, en proie à de profonds problèmes sociaux.
«Mettre les personnes dans un ghetto ne résout rien. Quand on alimente la fermeture, tôt ou tard la colère s'enflamme. La voie vers une coexistence pacifique c'est l'intégration», a lancé le pape argentin, après avoir attentivement écouté les témoignages de membres de la communauté.
Misère et surpopulation sont des maux chroniques à Lunik IX, où 4500 habitants vivent entassés dans un espace prévu pour moitié moins. De nombreux HLM n'ont ni électricité, ni chauffage, ni gaz, ni eau courante, coupés en raison de factures impayées.
«Chers frères et soeurs, trop souvent, vous avez été objet de préjugés et de jugements impitoyables, de stéréotypes discriminatoires, de paroles et de gestes diffamatoires», a déploré le pape François.
Il a conseillé à cette communauté isolée de faire «des choix courageux» pour leurs enfants, notamment en matière d'éducation «pour qu'ils grandissent bien enracinés dans leurs origines, mais en même temps sans exclure aucune possibilité». Il l'a aussi encouragée à «dépasser les peurs» à travers «un travail honnête dans la dignité pour gagner son pain quotidien», rappelant que les Roms étaient les bienvenus au sein de l'Eglise catholique.
La partie orientale de la Slovaquie, pays de l'UE de 5,4 millions d'habitants, se classe parmi les lieux les plus démunis d'Europe, avec un PIB par habitant très bas, aux côtés de certaines zones de Bulgarie et de Roumanie. La communauté Rom de Slovaquie compte 400'000 personnes, dont près de 20% vivent dans le plus grand dénuement dans plus de 600 bidonvilles, principalement dans le sud et dans l'est.
Des mariages mixtes pour faire tomber les préjugés
Nikola et René Harakaly, 28 et 29 ans, un couple qui a deux enfants et qui a grandi dans ce quartier ont fait leurs études grâce à l'aide des frères salésiens. Depuis, ils ont tous deux trouvé un travail. «Nos parents nous ont encouragés à aller à contre-courant», ont-ils confié au pape.
«Nous avons souscrit un prêt, acheté un appartement et nous sommes mariés dans un autre quartier de Kosice. Aujourd'hui, grâce à tout cela nous offrons à nos enfants une vie plus heureuse, plus digne et plus pacifique», ont-ils ajouté.
Le père Peter Besenyei, dirigeant de la communauté salésienne locale de Lunik IX et responsable de la pastorale des Roms dans l'archidiocèse de Kosice, a salué de son côté «ceux qui donnent un travail adéquat et un salaire régulier aux Roms, les aidant ainsi à avoir une vie digne». Quelques mariages mixtes contribuent «à faire tomber les préjugés et les stéréotypes», a-t-il dit.
Le pape a chaleureusement encouragé les religieux dans leur travail avec «les marginalisés». Même s'il suscite «parfois incompréhension et ingratitude, peut-être même jusque dans l'Eglise», a-t-il noté. Pour Rudolf Mosorov, 66 ans, habitant de Lunik IX, la visite du pape est un «miracle». «Il nous apportera la bénédiction de Dieu», a-t-il confié.
Selon Iveta Duchonova, responsable du bureau du délégué gouvernemental pour les Roms, «en 2016, une enquête de l'UE sur les minorités et la discrimination a révélé que 54% des Roms en Slovaquie ont été victimes de discrimination en raison de leur appartenance ethnique». Cette discrimination «persiste» et «reste largement tolérée», a-t-elle expliqué à l'AFP.
Le pape François clôturait la journée avec des jeunes dans un stade de Kosice. Environ un million de Slovaques vivent à l'étranger où ils cherchent un travail mieux rémunéré, selon les estimations locales. Il s'agit du premier voyage à l'étranger du souverain pontife argentin de 84 ans depuis son opération du côlon début juillet.
(ATS)