Le parquet fédéral belge a annoncé ces arrestations sans identifier les suspects, leur nationalité, ni nommer le pays sur lequel pèsent ces soupçons de corruption au sein d'une des grandes institutions de l'UE. Mais une source proche du dossier a confirmé à l'AFP les informations de presse selon lesquelles c'est le Qatar qui est visé, tandis que les personnes interpellées sont italiennes ou d'origine italienne.
Au coeur de l'enquête, pilotée par un juge d'instruction bruxellois: les agissements de ce pays du Golfe soupçonné d'«influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d'argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants», a souligné le parquet fédéral.
Corruption, blanchiment d'argent
Quant aux bénéficiaires, il s'agit de personnalités ayant «une position politique et/ou stratégique significative» au sein du Parlement. L'enquête vise entre autres des faits de «corruption» et de «blanchiment d'argent» en bande organisée, précise encore un communiqué du parquet.
D'après le quotidien francophone Le Soir et l'hebdomadaire flamand Knack, qui ont enquêté conjointement, l'ex-eurodéputé soupçonné est le socialiste italien Pier-Antonio Panzeri, qui siégea dans cette assemblée de 2004 à 2019.
Cet homme de 67 ans, aujourd'hui à la tête d'une association de lutte contre les violations des droits humains (baptisée Fight Impunity), a été interpellé à Bruxelles en même temps que trois autres suspects. Sollicitée par l'AFP, l'association n'a pas donné suite immédiatement.
Selon le parquet fédéral, l'opération de police a donné lieu à seize perquisitions au total dans diverses communes de la capitale belge, où le Parlement européen a son siège.
600'000 euros en liquide
Au cours de l'opération, la police a mis la main sur «environ 600'000 euros en liquide», ainsi que «du matériel informatique et des téléphones portables» dont les contenus seront analysés.
«Cette opération visait en particulier des assistants parlementaires travaillant au sein du Parlement européen», a poursuivi le parquet fédéral, compétent en Belgique dans les dossiers de terrorisme et de criminalité organisée.
Les cadeaux ou avantages offerts pourraient être liés à la volonté du Qatar d'améliorer sa réputation décriée en matière de droits humains et de traitement des travailleurs.
D'après les informations du Soir et de Knack, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI, ou Ituc en anglais), l'Italien Luca Visentini, compte parmi les personnes arrêtées, avec Pier-Antonio Panzeri ainsi qu'un assistant parlementaire et un directeur d'ONG.
Dans un message très succinct sur son site, la CSI s'est dite «au courant des informations circulant dans la presse», mais a refusé tout commentaire «à ce stade».
Le Qatar sous une mauvaise lumière
Luca Visentini évoquait encore cette semaine la situation des travailleurs au Qatar, dans un entretien diffusé vendredi par l'AFP. Il appelait en particulier à «continuer de faire pression sur les autorités et les employeurs» pour de meilleures rémunérations et davantage de mobilité dans le travail.
Le Qatar, pays organisateur du Mondial-2022 de football, qui s'achève dans une dizaine de jours, a été accusé par des ONG de négliger les conditions de travail et de vie de ses centaines de milliers de travailleurs migrants venus d'Asie et d'Afrique.
En réponse, Doha a fait valoir des réformes inédites du code de travail, saluées par des organisations syndicales, qui appellent néanmoins à une application plus rigoureuse.
Par ailleurs, la justice française enquête depuis trois ans sur des soupçons de corruption lors d'un déjeuner franco-qatari à l'Elysée fin 2010 qui aurait influencé l'attribution du Mondial-2022 au Qatar.
(ATS)