La Suisse est vue comme un pays sûr en ce qui concerne les seniors au volant. Depuis les années 1970, un examen médical de contrôle d'aptitude à la conduite est obligatoire tous les deux ans à partir de 75 ans (c'était même 70 ans jusqu'en 2019). Les médecins de famille doivent alors vérifier si les seniors convoqués remplissent les critères minimaux pour conduire une voiture.
Cette procédure n'existe pas dans nos pays voisins. Ni en Allemagne ni en France, où le cas d'une championne de tennis qui a perdu sa jambe après avoir été percutée par un nonagénaire a relancé le débat sur les tests d'aptitude à la conduite des seniors. Depuis, la sportive — qui vise les Paralympiques 2024 — a fait de la mise en œuvre de ces examens son combat personnel.
Reste une question: ces examens sont-ils vraiment efficaces? Le Bureau de prévention des accidents (BPA) a mené une étude pour déterminer leur utilité et leurs conséquences réelles. L'enquête a été réalisée tant au niveau des données statistiques qu'avec des sondages auprès des seniors, des médecins et des services cantonaux des automobiles.
Pas mieux que les autres pays
Le résultat est surprenant. Par rapport à la distance parcourue quotidiennement en voiture, les seniors sont impliqués à peu près dans autant d'accidents graves de la circulation en Suisse qu'en Allemagne ou en Autriche. Le BPA en conclut que l'examen de contrôle obligatoire n'a qu'une faible influence positive sur la sécurité routière.
Les chiffres de 2015 à 2019 montrent que les conducteurs âgés causent plus d'accidents que les autres classes d'âge la population. En moyenne, les personnes de plus de 70 ans ont été responsables de 323 accidents avec des blessés graves ou des morts, ce qui représente 18% de tous les accidents. La part des plus de 70 ans dans la population totale n'est que de 13% — et les seniors roulent sans doute moins que les personnes plus jeunes.
Auto-évaluation inexistante
L'enquête menée directement auprès des personnes âgées a par ailleurs démontré que l'examen n'avait guère d'effets secondaires positifs. Ainsi, les autorités espéraient que les automobilistes âgés se pencheraient eux-mêmes également sur leurs capacités de conduite à l'occasion de la convocation à l'examen.
Or, ce n'est pas le cas — quiconque s'estime apte à conduire ne réfléchit pas à ses propres capacités. Seul effet positif: les aînés qui n'utilisent que rarement leur voiture ou trouvent la conduite trop stressante rendent souvent leur permis de conduire plutôt que de répondre à la convocation.
Relation avec le médecin en danger
Beaucoup d'automobilistes âgés sont favorables à l'examen. Et ils sont nombreux à relever que celui-ci n'atteint pas ses objectifs: il ne porte pas sur l'aptitude réelle à la conduite. Selon les aînés, il serait beaucoup plus efficace d'obliger certains à suivre des leçons de perfectionnement. Ces cours font déjà partie de l'offre des moniteurs de conduite, mais ils ne sont que très rarement suivis.
Le point de vue des médecins est également intéressant: l'examen de contrôle lié à l'âge pèse sur les relations avec les patients, avancent plusieurs d'entre eux. La peur de perdre son permis de conduire empêche les aînés d'exprimer leurs problèmes de santé. Et la relation avec le généraliste pourrait se retrouver totalement ébranlée si le test révélait une inaptitude à la conduite.
Important pour la satisfaction
Combien de seniors ont-ils échoué à cet examen? Le BPA part du principe qu'une inaptitude à la conduite a été révélée dans 1% à 4% des cas.
L'étude ne conteste pas l'importance d'un véhicule (voir ici les meilleures voitures pour seniors) pour l'indépendance, surtout à un âge avancé. Les auteurs montrent d'ailleurs que cette indépendance a une influence directe sur la satisfaction de vie.
Plutôt qu'un examen strict de contrôle, il faudrait plutôt viser à maintenir la capacité de conduire des seniors et à promouvoir une mobilité sûre à un âge avancé, estiment les scientifiques.
Plusieurs recommandations
Que recommande donc le BPA? D'abord, il faut maintenir l'examen de contrôle, malgré son inefficacité actuelle. L'âge du premier examen ayant été relevé de 70 à 75 ans en 2019, il convient d'attendre de voir comment cela se répercute sur la sécurité routière.
Si le nombre d'accidents graves causés par des conducteurs âgés n'augmente pas, le BFU estime que la limite d'âge pourrait même être relevée à 80 ans. Ce n'est que si l'on ne constate pas de conséquences négatives sur la sécurité routière qu'il sera possible de discuter de la suppression de l'examen de contrôle.
Un permis limité?
D'ici là, il est surtout demandé que ces tests soient effectués de manière uniforme. Aujourd'hui, il existe de grandes différences entre les médecins. En outre, le permis de conduire ne devrait pas toujours être retiré de manière définitive, mais une autorisation de conduire limitée devrait être privilégiée.
Les conditions possibles pourraient être l'interdiction de conduire la nuit ou la limitation de la validité à l'environnement proche connu. Cela pourrait garantir la mobilité des personnes âgées sans qu'elles aient à prendre des risques inutiles sur des trajets inconnus. Enfin, les conducteurs âgés devraient être sensibilisés aux avantages et à la bonne utilisation des systèmes d'assistance.