Ils seraient dangereux, leurs conducteurs irrespectueux. Et la section lausannoise du Parti libéral-radical en a marre. On parle ici des deux-roues dont le PLR estime qu'ils squattent les trottoirs, une pratique incivile (et illégale) attaquée par voie de postulat déposé mardi soir au Conseil communal de la ville.
C'est l’élue Françoise Piron qui a mené la fronde devant le législatif de la ville, s’en prenant aux conducteurs de vélos et de trottinettes, souvent électriques, qui déboulent à toute allure entre les piétons et les mettent en danger. «On apprend aux enfants à regarder à gauche et à droite quand ils traversent. Mais depuis peu, le vrai danger vient plutôt des trottoirs. Il faudrait avoir des yeux derrière la tête», peste celle qui est également ingénieure à l'EPFL.
Concrètement, le postulat demande de «sanctuariser» les trottoirs pour les piétons, mais aussi de renforcer la sensibilisation et la prévention, ainsi que de mettre en place des formations pour les usagers des vélos et trottinettes électriques.
Protéger les personnes âgées
«On se soucie au final très peu des piétons, dénonce l’élue lausannoise. Ce sont pourtant les plus fragiles, notamment les personnes âgées, et il faudrait les protéger d’abord. Il y a une prise de conscience à avoir.»
La réglementation est elle aussi manquante. «Il n’y a pas de permis pour le vélo électrique, regrette-t-elle. Pourtant, celui-ci est particulièrement dangereux. J’ai failli me faire percuter par l’un d’eux un soir, sur un chemin de forêt. Si quelqu’un n’avait pas crié 'attention!', je n’aurais rien vu venir.»
«Une forme d’impunité»
Le texte du postulat déposé par le PLR ne mâche pas ses mots. «On a créé des espaces à mobilité douce pour favoriser la convivialité tout en respectant l’environnement», peut-on y lire. «Résultat: cela est en train de déclencher une véritable guerre des trottoirs.»
«Il y a une forme d’impunité avec les vélos électriques, déplore encore Françoise Piron. C’est dans l’air du temps: tout le monde est écolo, on veut sauver la planète et les cyclistes pensent qu’ils ont tous les droits. J’avais envie de donner une voix aux piétons.»
Un double conflit?
Ces piques à peine voilées semblent directement envoyées à l'endroit des Verts, qui ne se laissent pas démonter. «C’est du pur jeu politique, dénonce Ilias Panchard, co-chef de groupe au Conseil communal. Nous ne souhaitons pas mettre en opposition les piétons et les cyclistes.»
«Le vrai conflit est entre ceux-ci et les véhicules motorisés, ajoute-t-il. Et de ce côté-là, le PLR est partagé entre ses deux ailes, avec des soutiens très forts pour les voitures en ville.» Il cite notamment le vice-président du PLR lausannois siégeant au Conseil communal, Xavier de Haller, qui n'est autre que le secrétaire général de la section vaudoise de l'Automobile club suisse (ACS).
«La relation entre les voitures et les vélos n’est pas facile, reconnaît volontiers Françoise Piron. Mais cela ne doit pas impacter les piétons. C’est une démarche inclusive: il faut s’occuper des plus faibles.»
Interdit de rouler sur les trottoirs dès 12 ans
La réglementation actuelle veut que les trottoirs soient autorisés pour les deux-roues, mais uniquement pour les enfants. Dès l’âge de 12 ans, ceux-ci doivent rouler sur la route. «Il est interdit de rouler sur les trottoirs avec des deux roues, rappelle Françoise Piron, mais personne ne le sait.»
Pour Ilias Panchard, la confrontation est déplacée et il se dit d’ailleurs parfaitement disposé à soutenir les piétons lorsqu’ils sont importunés par des deux-roues. «S’il y a des amendes à formuler, nous serons du côté de la police.»
Urbanisme et incivilités
Créer une commission pour discuter de ce thème? Ilias Panchard tempère. «Si c’est juste pour rappeler les règles en vigueur, ce n’est pas nécessaire», relativise le conseiller communal, pour qui ces questions touchent plus à l’urbanisme qu’aux incivilités.
Avec la présence de grands travaux débutés à Lausanne, notamment autour de la gare, ce n’est selon lui pas le moment de s’écharper sur des tensions possibles entre les vélos et les piétons. «Nous sommes cohérents dans nos principes», assure-t-il.
L’élu écologiste, qui soutient la présence d'artères à sens unique pour les véhicules motorisés en ville, en profite pour tendre sa main (ou envoyer une pique?) à son adversaire politique: «Cela permettrait de créer de la place pour les vélos, ce qui aiderait tout le monde. Si le Parti libéral-radical veut se ranger de notre côté sur cette question, ce serait super.»