Monsieur Prix monte au front
«Face au renchérissement, nous devons renforcer la protection des consommateurs»

La Suisse souffre du renchérissement. Dans l'interview qu'il nous a accordée, Stefan Meierhans, Surveillant des prix, insiste sur la nécessité de renforcer la protection des consommateurs et annonce la tenue d'un sommet sur le pouvoir d'achat en septembre.
Publié: 30.07.2023 à 12:52 heures
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Dernière mise à jour: 30.07.2023 à 14:08 heures
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Le Surveillant des prix Stefan Meierhans s'attaque au renchérissement et cible les entreprises.
Photo: Thomas Meier
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Danny Schlumpf

Monsieur Meierhans, au cours de l’année écoulée, vous avez reçu 60% de messages de citoyens en plus qu’auparavant. Qu’est-ce qui préoccupe le plus les gens en ce moment?
Il s’agit de préoccupations sérieuses, y compris de nature existentielle. Il y a des périodes où le nombre de messages des citoyens augmente particulièrement, par exemple après l’annonce des changements de primes d’assurance maladie ou après l’annonce d’une hausse des loyers. De telles nouvelles suscitent des craintes, surtout lorsqu’il s’agit de besoins fondamentaux, comme le logement ou la santé.

Depuis l’an 2000, les primes d’assurance maladie ont plus que doublé. Qui en est responsable?
J’ai fait partie de la commission d’experts dirigée par l’ex-conseillère aux États Verena Diener. En 2017, nous avons présenté 38 propositions simples pour freiner les coûts de la santé. Seule une poignée d’entre elles a été mise en œuvre. C’est toujours comme cela: ce ne sont pas les propositions de solutions qui manquent. Elles échouent simplement en raison de résistances et d’alliances changeantes.

Ce n’est pas comme s’il n’y avait pas de règles pour protéger les assurés. Depuis 2012, la loi prévoit par exemple que les tarifs des prestations hospitalières stationnaires s’orientent vers les hôpitaux les plus efficaces et les moins chers. Mais ce n’est pas toujours mis en pratique.
Derrière tout cela se cache un mélange de mauvaises incitations et d’intérêts personnels. Les cantons sont en règle générale les propriétaires des hôpitaux, mais ils approuvent également les tarifs. Il n’est donc pas surprenant qu’ils approuvent des tarifs plus élevés en faveur des hôpitaux. La loi ne fonctionne pas, parce que les cantons portent deux casquettes et que les membres du gouvernement veulent être réélus. Les perdants sont les assurés, car les tarifs élevés font augmenter l’assurance de base.

Pourtant, divers hôpitaux annoncent qu’ils sont au bord du gouffre financièrement…
Il y a aussi des hôpitaux qui distribuent des dividendes au canton, comme en Thurgovie par exemple. Et si un hôpital cantonal est dans une situation précaire, comme à Aarau en raison d’un défaut d’investissement, ce n’est pas à cause des tarifs. Le législateur exige que les hôpitaux améliorent leur efficacité et que les coûts ne s’envolent pas. Chaque établissement est alors responsable. Mais on n’entend bien sûr que les plaintes de ceux qui ne s’en sortent pas.

Aujourd’hui, le PLR demande une caisse maladie budget, le Centre veut un frein aux coûts et le PS un allègement des primes. Que valent de telles requêtes?
Les solutions proposées ne sont pas nouvelles. Elles se retrouvent par exemple déjà, sous une forme ou une autre, dans le rapport du groupe d’experts de Verena Diener en 2017. On y parlait d’objectifs de coûts plutôt que de frein aux coûts. En outre, nous avions déjà recommandé à l’époque des mesures de compensation sociale plus importantes. Et les modèles d’assurance alternatifs sont déjà largement utilisés aujourd’hui, pensez par exemple au modèle du médecin de famille ou à la télémédecine. Mais il n’existe pas de réponse magique à tous les problèmes du système de santé.

Les prix ont augmenté dans de nombreux domaines de la vie. Les entreprises sont maintenant critiquées pour avoir fait des profits excessifs grâce à ces hausses de prix. Les grandes entreprises ont augmenté leurs marges et imposé leurs prix. Mais jusqu’à présent, il n’y a guère eu de réactions, ce qui est inquiétant. Ce type d’inflation, menée par la cupidité, est rendue possible par ce que nous ne nous y intéressons pas. Nous devons changer cela et regarder ce qui se passe dans l’économie.

La question est de savoir comment.
Nous devons réorganiser le droit de la concurrence. L’économie n’a pas une tendance naturelle à être compétitive. Nous devons la forcer à le faire. Et nous devons renforcer la protection des consommateurs. Les organisations concernées ont certes un mandat constitutionnel, mais elles ne reçoivent presque pas d’argent. J’ai moi-même intensifié l’observation du marché. Il est désormais important que les acteurs concernés se consacrent ensemble à ce sujet. C’est pourquoi je planifie avec les organisations suisses de protection des consommateurs un sommet sur le pouvoir d’achat en septembre à Berne, pour la première fois de mon mandat.

De quoi sera-t-il concrètement question lors de ce sommet?
Nous unissons nos forces pour faire la lumière sur cette question. La transparence est un objectif central. Nous organisons et fixons des priorités. L’évolution des prix et le rôle des entreprises sont à l’ordre du jour. En font partie, les entreprises proches de l’Etat comme la Poste et les CFF…

… qui ont récemment augmenté le prix des billets et des lettres. Cela aurait probablement coûté encore plus cher si vous n’étiez pas intervenu.
Si quelqu’un a intérêt à ne pas faire augmenter davantage l’inflation, ce doit être l’État. C’est pourquoi, lors de la réunion sur le pouvoir d’achat, nous aborderons spécifiquement la question de la responsabilité de l’État en période d’inflation. Il ne s’agit pas seulement de la Poste ou des CFF. Je viens de mener d’intenses discussions avec une assurance immobilière cantonale au sujet d’une baisse des primes, et dans un autre canton, il s’agissait du contrôle des incendies. L’État devrait manifester de la retenue sur un large front. Ce sont justement les institutions cantonales ou communales qui font preuve d’une certaine sensibilité lorsqu’on les interpelle à ce sujet.

Ce que l’on ne peut pas forcément dire des grandes entreprises. La Poste augmente ses prix, et dépense trois millions de francs pour une fête avec DJ Bobo. Et les Chemins de fer fédéraux suisses voulaient augmenter le prix de l’abonnement général de deuxième classe beaucoup plus que celui de première.
Les détenteurs d’un AG de deuxième classe ont besoin de cet abonnement pour se rendre au travail ou à l’université. Ils sont des clients captifs et ont le plus grand droit à la protection. Le fait que ce soit eux qui soient le plus ponctionnés n’est pas correct. C’est pourquoi je suis intervenu. La manifestation coûteuse organisée par la Poste ne témoigne pas non plus d’une grande sensibilité.

Les entreprises publiques ne sont pas les seules à avoir une responsabilité. Migros et Coop ont augmenté les prix de leurs lignes bon marché au-delà du renchérissement – sur un large front et jusqu’à plus de 20%. Ils augmentent ainsi leur marge au détriment des plus pauvres. Suivez-vous cela de près?
Les familles à faible revenu sont de toute façon touchées de manière disproportionnée par le renchérissement. C’est pourquoi cette évolution est très regrettable, bien sûr. C’est aussi pour cette raison que je vais étendre mon enquête préliminaire sur les prix des aliments bio au commerce de détail en général.

Actuellement, l’inflation en Suisse est inférieure à 2%. Mais en octobre, les loyers augmenteront sur un large front. En tant que Surveillant des prix, que pouvez-vous faire?
Les taux d’intérêt de la Banque nationale échappent à l’influence du Surveillant des prix. Mais si les prix ne sont pas le résultat d’une concurrence loyale, je dois agir. Une telle situation n’est pas non plus à exclure dans le domaine des taux d’intérêt.

Des taux hypothécaires en hausse, des frais élevés et des taux d’épargne bas permettent aux banques de réaliser d’énormes bénéfices. Cela vous préoccupe-t-il également?
En ce qui concerne les frais, je suis déjà intervenu auprès des banques. Elles prélèvent par exemple des frais très élevés pour les clôtures de compte, mais aussi pour le négoce de titres. J’attends des corrections dans ce domaine!

Pourquoi la population de notre pays s’intéresse-t-elle autant aux 200 francs de la redevance radio et télévision, tout en haussant les épaules face aux montants nettement plus importants qu’elle paie auprès des banques et des assurances?
Sans doute que certains montants paraissent plus proches de nous, et donc perçus de manière plus émotionnelle. Avez-vous déjà lu des conditions générales du début à la fin? Ou vérifié en détail pour quoi vous payez quels frais? De nombreux prix ne sont pas transparents, mais font partie du quotidien. Il suffit de penser à tous les services de cloud et de streaming en ligne que nous utilisons constamment…

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