Les critiques fusent
L'élection d'une «Miss fellation» agite une commune argovienne

C'est le sujet chaud du moment à Oberentfelden, en Argovie: le «championnat de pipes» qui doit avoir lieu dans un sauna-club. Huit femmes y participeront et ce devant des spectateurs. Les critiques fusent, mais aucun problème pour le patron du club et la Commune.
Publié: 19.05.2022 à 09:21 heures
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Dernière mise à jour: 23.05.2022 à 06:29 heures
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«Ce championnat est une honte ! Un scandale. Une humiliation publique des femmes», déclare Christina Bachmann-Roth, présidente du Centre Femmes, à Blick.
Photo: Pino Stranieri
Ralph Donghi

Sur l'affiche publicitaire du sauna-club «Sex-Park» à Oberentfelden (AG), il est écrit en grosses lettres ce qui vous attend le 21 mai 2022 à partir de 15 heures: Le «championnat de la pipe», le «plus grand concours de fellation de Suisse». Sur le flyer, les invités potentiels sont directement interpellés: «Teste nos 8 meilleures tailleuses de pipe gratuitement!» Il est ensuite possible de donner son évaluation et d'élire ainsi «Miss Fellation 2022». Tout un programme.

L'affiche qui fait le tour d'Internet devrait réjouir les amateurs et les plaisantins. Mais le conseil municipal a reçu de nombreux courriels de protestation. Selon l'«Aargauer Zeitung», ils proviennent parfois même du Liechtenstein et du groupe allemand Ella, un groupe d'action pour les femmes travaillant dans le secteur du sexe. Celui-ci réclame en Allemagne le «modèle nordique», dans lequel ce ne sont pas les personnes qui proposent des prestations sexuelles qui sont punissables, mais celles qui les sollicitent.

«Une humiliation publique des femmes»

En Suisse aussi, la colère monte face à cet événement organisé dans l'une des plus grandes maisons closes du pays. «Ce championnat est une honte! Un scandale. Une humiliation publique des femmes», déclare à Blick Christina Bachmann-Roth, présidente du Centre Femmes. «Il est scandaleux qu'un tel événement soit organisé depuis plus de dix ans».

Le copropriétaire du Sex-Park et coorganisateur du championnat ne voit pas le problème: «Nous gérons le Sex-Park depuis douze ans et il n'y a jamais eu de réclamation de la part des riverains ou de la commune. Il n'y a jamais eu d'incident» déclare Sven T.*

Tout doit se dérouler dans la légalité

Sven T. explique qu'il prend acte du fait qu'une organisation allemande s'exprime de manière critique, mais qu'il n'a reçu «aucune réaction négative en Suisse». Selon lui, cela serait même surprenant, car «les femmes le font de leur plein gré - il y en aurait même eu plus qui auraient voulu participer que les huit qui seront de la partie le 21 mai».

De plus, tout se passe «tout à fait légalement», affirme Sven T. «Les femmes sont inscrites normalement comme travailleuses et sont également testées en ce qui concerne les maladies». Pour participer à l'événement, elles paient l'entrée, comme les clients, et si elles vont dans la chambre d'un homme, «ce qu'elles demandent ensuite en argent, c'est leur affaire». Le 21 mai, les femmes toucheraient en plus une partie des recettes sur les entrées totales.

«Environ 50 hommes» lors du dernier événement

Comme on peut le lire sur le flyer, il faudra dépenser 90 francs pour s'accorder ce petit plaisir, boissons non alcoolisées et buffet compris. En raison de la pandémie, le dernier événement de ce type a eu lieu au club en 2019. «Environs 50 hommes sont venus», explique Sven T.

Pour Christina Bachmann, c'est trop. «Imaginons que ces femmes soient nos filles. C'est terrible», se désole-t-elle, «nous ne devons en aucun cas permettre que les femmes soient humiliées de la sorte à Oberentfelden».

La commune sollicitée

Sven T. rétorque: «Nous n'admettons pas la critique selon laquelle nous serions sexistes ou misogynes, même pas en ce qui concerne le choix des mots sur notre affiche». Il explique: «De tels mots sont courants, même dans une cour d'école, chez des enfants de dix ans». Pour lui, son club n'a pas à se défendre. Il s'agit du plus vieux business du monde et «pratiquement tous les hommes ont déjà vu un porno sur le net ou sont allés dans un tel club, ne serait-ce qu'en tant que spectateur venu boire quelque chose en passant».

Mais pour Christina Bachmann, le problème est plus profond. «Nous devons cesser de ne prendre en compte que les femmes privilégiées dans les politiques menées pour les femmes», dit-elle. «Nous nous préoccupons peut-être trop d'écriture inclusive ou de quotas de femmes dans les conseils d'administration, alors que nous permettons que ces femmes doivent faire un concours de fellation pour survire». Christina Bachmann en est convaincue: «Si l'on revendique les droits des femmes, il faut commencer par ceux des femmes les plus pauvres». C'est pourquoi elle appelle sur Twitter et Facebook à envoyer des mails au président de commune: «J'attends du conseil communal d'Oberentfelden qu'il interdise cette manifestation», tonne-t-elle.

«C'est un travail tout à fait légal»

Le président de commune Markus Bircher confirme que des mails de plaintes venus d'Allemagne ont bien été envoyés. Mais il rassure: «Nous n'avons absolument pas eu de réclamations ces dernières années», déclare-t-il à Blick. On peut «bien sûr» discuter de ce qui se passe lors de l'événement. Mais il l'assure: «D'un autre côté, le travail auquel ces femmes se livrent est tout à fait légal. Nous ne pouvons vraiment pas exercer d'influence.»

En ce qui concerne le choix des mots sur l'affiche du club, Markus Bircher déclare: «C'est à chacun son affaire et ça reste de la publicité exagérée. C'est comme ça qu'on va chercher les gens». Lui-même n'a d'ailleurs jamais assisté à un tel événement, nous assure-t-il.

* Nom modifié

(Adaptation par Thibault Gilgen)

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