Le viol, cette arme de guerre
«Les soldats m'ont emmenée dans une maison vide...»

Les envahisseurs de l'Ukraine pratiquent des viols systématiques. Dans l'émission «Rundschau» de la télévision alémanique, deux victimes racontent leur calvaire. Une chercheuse explique à Blick pourquoi les hommes sont également victimes d'abus sexuels ciblés.
Publié: 22.06.2022 à 19:11 heures
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Victoria a été enlevée et violée par des Russes le jour de son anniversaire.
Photo: Screenshot SRF
Guido Felder

L'arsenal déployé en Ukraine par les forces russes est large. Mais une arme est particulièrement inhumaine: le viol. Les soldats russes s'en prennent systématiquement aux femmes, mais aussi aux hommes et aux enfants, raconte un reportage de «Rundschau». Diffusé mercredi soir par la télévision alémanique, le document est poignant.

Plusieurs victimes racontent les pires heures de leur vie. C'est le jour de son 42e anniversaire que Victoria a été accostée par des soldats russes à son domicile. L'Ukrainienne a d'abord été conduite chez son voisin. «Ils l'ont abattu sous mes yeux. Ils ont pris sa femme et moi et nous ont emmenées dans une maison vide. Là, ils nous ont violées...»

«J'étais nu sur une table»

Il n'y a pas que des femmes à être concernées par ces atrocités. Ilja, 21 ans et originaire de Kramatorsk (près de Donetsk, dans l'est du pays), a lui aussi subi des abus sexuels. Tout a dégénéré lorsque les soldats russes ont trouvé des photos d'une manifestation pro-Ukraine sur son téléphone portable, lors d'un contrôle. Le jeune homme a d'abord été frappé, puis endormi avec du chloroforme. «Quand je suis revenu à moi, j'étais allongé, nu, sur une table. J'ai ressenti une terrible douleur... Ils m'ont violé.»

Victoria et Ilja font partie des rares victimes qui ont accepté de parler de leur viol. Selon SRF, le Haut Commissariat des Nations Unies s'occupe actuellement de 124 cas en Ukraine. Il ne s'agit très probablement que de la pointe de l'iceberg. Car, selon de nombreux témoins, les viols sont généralisés de la part des Russes et de leurs alliés.

Lyudmila Denisova, qui était jusqu'à fin mai commissaire aux Droits de l'Homme en Ukraine, l'a dit dans une interview à Blick: «Le contexte est qu'ils veulent empêcher les femmes de pouvoir ou de vouloir à nouveau avoir des enfants. C'est clairement un génocide. Les soldats appliquent les directives de Vladimir Poutine, qui sont claires: détruire tout un pays.»

«Les femmes se coupent les cheveux»

L'historienne ukrainienne Marta Havryshko s'intéresse, elle aussi, à la violence sexuelle dans les guerres. Lorsque les Russes ont envahi le pays, elle a travaillé sur les crimes sexuels commis par les soldats. «La peur d'être violée est d'ailleurs la raison qui m'a convaincue, moi-même, de fuir», confie-t-elle à Blick. La chercheuse est actuellement réfugiée en Suisse, d'où elle peut poursuivre ses travaux à l'université de Bâle grâce à un programme spécial du Fonds national.

Marta Havrshko est l'une des nombreuses chercheuses ukrainiennes à avoir trouvé refuge en Suisse.
Photo: Stefan Bohrer

Selon la scientifique de 37 ans, il y a un facteur encore plus terrible: les viols ont le plus souvent lieu en public, à savoir sous les yeux de parents ou de proches. «Dans de nombreux cas, ils attachent la mère et la forcent à regarder les viols sur ses propres enfants.» De cette manière, les Russes infligent un sentiment de culpabilité aux familles, parfois à des communautés entières. «De telles humiliations restent à vie.»

Il n'y a pas beaucoup de façons de s'en prémunir, pour les Ukrainiens étant restées dans les zones envahies du pays. Selon Marta Havryshko, de nombreuses femmes s'habilleraient délibérément mal, allant jusqu'à se salir à dessein. «Certaines se coupent les cheveux pour ne pas paraître attirantes», ajoute-t-elle.

Les hommes sont féminisés

Mais cela n'est pas toujours couronné de succès: les hommes sont aussi traqués et violés. Y a-t-il autant d'homosexuels parmi les soldats russes? Pas forcément: le but est de les féminiser et de leur faire perdre leur virilité. «S'ils sont traités comme des femmes, cela montre qu'ils n'ont aucun pouvoir contre l'envahisseur», explique la chercheuse réfugiée en Suisse. En 2014, des cas de castration avaient été recensés dans le Donbass.

Comment expliquer que le nombre de victimes de viol recensées soit relativement faible, si cette arme est si généralisée? Les abus sexuels sont une telle honte pour les victimes qu'elles gardent le silence. Elles ont également peur d'être abandonnées par leur conjoint, assure l'historienne.

Des manifestations ont été organisées, comme ici à New York, pour dénoncer les atrocités des soldats russes. Notamment vis-à-vis des enfants.
Photo: AFP

Pour aider les victimes de viol, Marta Havryshko demande un accès facilité à l'aide médicale et psychologique. Les réfugiés en Suisse ont également besoin d'une assistance particulière dans ce contexte. «Il y a aussi des grossesses consécutives à ces viol. Elles doivent impérativement pouvoir être stoppées.»

Victoria et Ilja ont osé dénoncer les crimes commis à leur encontre aux autorités. Les procédures sont en cours. La jeune femme a déclaré dans Rundschau qu'elle espérait ainsi pouvoir «oublier cela un jour». Ce ne sera pas facile: les traces psychiques, dans de nombreux cas, ne peuvent être effacées. C'est exactement ce que recherchent les envahisseurs.


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