Le secteur regrette l'ère pré-pandémie
Le Covid n'aura pas eu raison du tourisme de masse

La pandémie de Covid-19 fait souffrir le secteur du tourisme depuis deux ans. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à ce que le secteur tire définitivement un trait sur le tourisme de masse. Les professionnels regrettent d'ailleurs l'époque pré-pandémie.
Publié: 03.10.2021 à 15:53 heures
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Dernière mise à jour: 03.10.2021 à 17:12 heures
En mai 2019, un groupe de 4000 touristes avait débarqué à Lucerne, provoquant des remous dans toute la Suisse.
Photo: Keystone
Thomas Schlittler, Louise Maksimovic (adaptation)

Mai 2019: 4000 touristes venus de Chine débarquent dans la ville de Lucerne avec 95 cars. L’arrivée de cet important groupe de visiteurs provoque des remous dans tout le pays.

Pourtant ce sont ces mêmes touristes qui renflouent les caisses du secteur, au grand dam des habitants. À l’époque, la «NZZ» résume ainsi la situation: «Le tourisme de masse divise les Suisses».

Quelques mois plus tard, un «mystérieux virus» se propage en Chine. L’industrie du tourisme suisse a senti les effets du Covid-19 avant tout le monde: Blick titrait en janvier 2020 que «Lucerne craint pour ses plus fidèles/meilleurs touristes». Le reste appartient à l’histoire: et le monde de 2019 semble être déjà bien loin derrière nous.

Mieux que 2020 mais toujours loin derrière 2019

Cette année les chiffres de l’Office fédéral de la statistique montrent à quel point le Covid continue d’affecter le secteur touristique. En juin et juillet 2021, l’industrie hôtelière a enregistré 5,9 millions de nuitées soit un million de plus qu’en 2020 mais toujours 2,5 millions de moins qu’avant la pandémie.

Les grandes villes comme Zurich, Genève et Bâle sont celles qui pâtissent le plus de la situation puisque les voyages d’affaires ont été remplacés par des réunions en vidéoconférences. Les hôtels sont donc beaucoup moins fréquentés.

Les destinations touristiques qui, par le passé, dépendaient fortement de la clientèle internationale comme les touristes venus des États-Unis, de Chine ou d’Inde accusent également le coup.

Le soutien de la Confédération questionne

Début septembre, le Conseil fédéral a lancé un programme de relance en débloquant 60 millions de francs pour soutenir le secteur touristique.

«Les fonds supplémentaires sont principalement destinés à reconquérir les hôtes étrangers, à renforcer le développement durable du tourisme, à relancer le tourisme urbain et d’affaires et à soulager les partenaires touristiques», pouvait-on lire dans le communiqué de presse correspondant.

Les objectifs décrits peuvent sembler contradictoires et soulèvent immanquablement des questions. Comment concilier tourisme «durable» en souhaitant reconquérir des hôtes intercontinentaux et en faisant la promotion de voyages d’affaires et urbains qui ont une empreinte carbone importante? La Confédération souhaite-t-elle en réalité revenir le plus rapidement possible à un tourisme de masse comme en 2019?

Les responsables du secteur ne voient pas de contradiction

Le Département de l’économie responsable du secteur nie vouloir favoriser à nouveau le tourisme de masse: «L’accent mis sur la durabilité signifie que Suisse Tourisme se concentre sur les hôtes individuels et les petits groupes lorsqu’elle travaille sur les marchés à longue distance», précise un porte-parole. En outre, l’objectif est de mieux répartir l’accueil des touristes sur l’année et sur l’ensemble du pays.

Philipp Niederberger, directeur de la Fédération suisse du tourisme, ne voit pas non plus de contradiction. Il ajoute que les transports publics devraient être priorisés pour les déplacements. En outre, dit-il, la durée des séjours des clients doit être allongée.

Les touristes restent moins longtemps en Suisse

Le problème avec ces objectifs, c’est qu’ils ne sont pas nouveaux. L’allongement de la durée de séjour des touristes a toujours été au cœur des préoccupations du secteur. Sauf que cette durée ne cesse de raccourcir depuis 30 ans. Au début des années 1990, les clients passaient en moyenne trois nuits dans les hôtels suisses. En 2019, ils n’en passaient plus que deux en moyenne. En se concentrant sur cette question, le gouvernement et Suisse tourisme évitent la question cruciale, à savoir: combien de touristes la Suisse peut-elle accueillir? Combien de visiteurs devraient être transportés chaque année au Jungfraujoch ou au Titlis, à Lucerne ou à Zermatt?

Les représentants de ces lieux très fréquentés ont également du mal à donner une réponse claire à cette question. Ils soulignent que la durabilité devrait être la préoccupation principale, sans pour autant prévoir d’accueillir moins de touristes qu’avant la pandémie.

Une durabilité environnementale mais aussi économique

Par le passé, Lucerne accueillait environ huit millions de touristes journaliers par an et 1,4 million de nuitées ont été enregistrées. Pour le directeur général de Lucerne Tourisme, la situation est normale et devrait perdurer: «Nous continuerons à l’avenir à accueillir les nombreux visiteurs journaliers». La ville tente malgré tout d’optimiser la gestion des visiteurs.

Quant à la responsable de la communication de Zermatt Tourisme, Sabrina Marcolin, elle pointe que la durabilité ne concerne pas seulement l’environnement, mais aussi l’économie: «Il s’agit de garantir des milliers d’emplois. Nous dépendons donc du fait que les clients reviennent à Zermatt.» 1,5 million de nuitées, comme en 2019, ce n’est pas de trop, a-t-elle ajouté. «Nous n’avons pas de tourisme de masse à Zermatt. Notre objectif est donc de revenir le plus rapidement possible aux niveaux d’avant la crise.»

L’accueil de touristes pour rentabiliser les infrastructures

Il ne faut certainement pas attendre de modération de la part des exploitants des grands chemins de fer de montagne.

Avant Corona, le Jungfraujoch était visité par une moyenne de 2900 personnes par jour. Sur le Titlis, pas moins de 3400 entrées étaient enregistrées chaque jour.

À l’avenir, la tendance devrait être encore plus marquée. Les chemins de fer de la Jungfrau ont ouvert le «V-Bahn» fin de 2020. Coût: 470 millions de francs suisses. Les Titlis Bergbahnen prévoient la construction d’une nouvelle station en montagne selon les plans du cabinet d’architectes Herzog & de Meuron. Ces investissements doivent être rentabilisés.

Les responsables de ces lieux fréquentés ne veulent d’ailleurs pas entendre parler de tourisme de masse: «À mes yeux, c’est un terme éculé», a déclaré Urs Kessler, PDG de Jungfrau Railways. Les Titlis Bergbahnen affirment n’avoir jamais eu de problème de tourisme de masse.

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