Insultes, mobbing, agressions physiques... Pour de nombreux enseignants, tout cela fait partie d'une triste réalité. Deux enseignants sur trois auraient en effet été victimes de violence au cours des cinq dernières années, selon un communiqué de l'association faîtière des enseignantes et enseignants suisses (LCH). Cette dernière entend présenter lundi une étude à ce sujet.
Ces conclusions bouleversantes se basent sur une enquête représentative menée auprès des professeurs de tous les degrés en Suisse alémanique. Le plus souvent, ceux-ci sont exposés à la violence psychique sous forme d'insultes, d'injures, de menaces ou d'intimidations. Fait particulièrement marquant: dans la plupart des cas, la violence vient des parents, même si les élèves ne sont pas en reste. Florian* en a déjà fait l'expérience.
Balle enfoncée dans les parties génitales
Il y a cinq ans, avant même d'entamer sa formation à la Haute école pédagogique, Florian a exercé en tant que remplaçant dans une classe double niveau, avec des élèves en troisième et quatrième primaire, dans une école bernoise. Il raconte: «À l'époque, un élève m'a délibérément provoqué à plusieurs reprises. Il parlait pendant le cours, il était insolent.»
Pendant un contrôle, la situation a dégénéré. Comme l'élève ne se taisait pas, le jeune homme a confisqué son test. «Son père s'est d'abord plaint, puis l'élève a perdu toute inhibition à mon égard. Il m'a menacé, de la part de son père.»
Lors d'un autre accrochage, l'élève serait allé jusqu'à lui lancer une balle dans les parties génitales. «Cela s'est certes déroulé dans un contexte ludique, mais l'élève l'a fait en toute connaissance de cause, il savait exactement ce qu'il faisait.» Florian dit qu'à l'époque, il ne savait pas comment réagir, qu'il a simplement souri après l'incident: «Le soutien de l'école m'a fait défaut.»
«J'étais impuissant»
«Ce qui m'a le plus étonné, c'est qu'un élève de 10 ans a pu me pousser à bout et jouer avec moi de manière aussi flagrante. J'étais impuissant», raconte l'enseignant. Il n'a plus jamais vécu cela – il travaille désormais avec des élèves plus âgés.
Une configuration qui n'est cependant pas à tous les coups gage de bonne entente. Des agressions récentes montrent que dans les cycles et collèges, les étudiants peuvent aussi faire preuve de violence.
En mars 2022, dans un cycle d'orientation à Goldach dans le canton de Saint-Gall, une enseignante a voulu régler une dispute entre deux élèves, mais s'est elle-même fait agresser. La police cantonale a dû intervenir.
En avril 2019, à Fribourg, une élève du secondaire a saisi son professeur dans la salle de classe, l'a jeté à terre avant de le rouer de coups. Les camarades de classe ont dû intervenir. L'enseignant en est ressorti avec des blessures physiques légères, mais surtout des séquelles psychologiques.
En mars 2018, enfin, un apprenti interdit d'entrée dans un établissement scolaire a bravé les restrictions et a frappé son professeur jusqu'à l'envoyer à l'hôpital.
Nombre élevé de cas non déclarés
Les formes de violence physique et psychique peuvent être multiples. Mais tous les cas ne sont pas rendus publics, loin de là. Il s'est avéré, écrit la LCH, que de nombreux enseignants considèrent les agressions qu'ils subissent comme un sujet tabou, ce qui laisse supposer que le nombre de cas non déclarés est élevé.
Florian Huber le confirme également. Il explique: «Quelqu'un qui sort de formation à l'âge de 22 ans a peut-être tendance à se taire. Les élèves peuvent souvent être méchants et manipulateurs. De nombreux jeunes enseignants en font les frais.» Il manque des stratégies pour y remédier, tant dans la formation que dans de nombreuses écoles.
C'est aussi pour cette raison que l'association faîtière a fait réaliser cette étude. En effet, il n'existe pas encore de données complètes pour la Suisse sur l'ampleur de la violence chez les enseignants.
*Le nom a été modifié