Ignazio Cassis en France, Livia Leu à Bruxelles
L'économie européenne va de plus en plus mal, la Suisse s'en méfie

Alors que, ce 11 novembre, Ignazio Cassis est à Paris et sa négociatrice en chef Livia Leu à Bruxelles, la Commission européenne vient de relever ses prévisions d'inflation pour 2023. Pourquoi, dès lors, négocier avec une UE en récession?
Publié: 11.11.2022 à 16:27 heures
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Dernière mise à jour: 12.11.2022 à 23:27 heures
Le Forum annuel de Paris sur la paix se tient les 11 et 12 novembre. Il sera dominé par le sujet de la guerre en Ukraine. Ignazio Cassis y participera ce vendredi et il interviendra samedi dans une table-ronde.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est le chiffre qui fait mal. Et ce n’est pas fini. La prévision d’inflation pour les 27 pays membres de l’Union européenne s’établit désormais à 6,1% pour 2023, contre 4% jusque-là. La hausse des prix devrait par ailleurs atteindre 8,5% d’ici à la fin de cette année. Résultat: la croissance économique au sein de l’UE devrait plafonner l’an prochain à 0,3% pour la zone euro. De quoi rendre les mines encore plus sombres à Bruxelles. Et rendre encore plus méfiants tous ceux qui, du côté suisse, estiment prématuré de remettre des négociations bilatérales sur les rails, un an et demi après le rejet par le Conseil fédéral du projet d’accord-cadre avec l’UE, le 26 mai 2021.

Comment retisser des liens de confiance?

Comment justifier en effet une reprise effective des pourparlers, assortis d’un calendrier et d’un objectif, alors que le franc caracole depuis des semaines au-dessus de l’euro? Comment retisser des liens de confiance alors que la neutralité de la Suisse est durement questionnée par certains de ses partenaires européens, notamment l’Allemagne, rendue furieuse par le refus de Berne de voir des munitions helvétiques utilisées contre l’armée russe sur les champs de bataille ukrainiens? Peut-on croire à un redémarrage des pourparlers, voire à une possible adhésion de la Suisse à l’UE «par étapes», comme le Parti socialiste suisse le réclame désormais? Sur ces questions, Ignazio Cassis et Livia Leu vont chacun tenter d’obtenir des débuts de réponses en ce 11 novembre, commémoration de l’armistice qui mit fin en 1918 à la Première guerre mondiale.

Cassis au Forum sur la paix de Paris

Le président de la Confédération est arrivé ce vendredi vers 15h à Paris. Il participera au Forum sur la paix où il interviendra samedi. C’est là qu’il rencontrera Emmanuel Macron. La discussion aura lieu, non à l’Elysée, mais au Palais Brongniart, l’ex-bâtiment de la Bourse, en plein cœur de la capitale française. Au même moment, la négociatrice en cheffe suisse avec l’UE, la secrétaire d’Etat Livia Leu, est à Bruxelles pour y rencontrer ses interlocuteurs de la Commission européenne. Dans les deux cas, la guerre en Ukraine et les coopérations possibles entre la Suisse et l’UE sont à l’agenda. Mais les mauvais chiffres économiques dévoilés ce matin à Bruxelles assombrissent l’horizon. «Il faut des perspectives pour croire à un réchauffement entre Berne et Bruxelles, reconnaît un diplomate. Or je n’en vois aucune. Emmanuel Macron a pour mot d’ordre aujourd’hui la protection du marché intérieur européen. Il n’y a guère de place pour la Suisse, pays dont les industries sont compétitives. Sauf en cas de concessions helvétiques.»

Nuages économiques

Ces nuages économiques pèsent aussi en Suisse. Deux initiatives en faveur d’une reprise du dialogue avec l’Union européenne vont avoir lieu dans les prochaines semaines. Le 23 novembre, le comité Suisse-UE organise un colloque à l’université de Genève en présence de l’ancien négociateur communautaire Christian Leffler. Le 1er décembre, l’Alliance pour une Suisse ouverte et souveraine et ÉconomieSuisse organisent à Lausanne une rencontre sur le thème «Suisse-UE: comment sortir de l’impasse?». Sauf que les avantages économiques mutuels, en période de récession programmée, tendent à s’estomper. Le Conseil de l’Union européenne, qui représente les Etats-membres de l’UE, a d’ailleurs renoncé à publier ses habituelles conclusions de décembre sur la Confédération. Ses lignes directrices, qui servent de paradigme aux négociations, ont été récemment repoussées à une date indéterminée.

Avec Macron, l’Ukraine au menu

L’entourage d’Ignazio Cassis l’admet. A Paris, celui-ci parlera surtout de l’Ukraine, même si les relations avec l’Union sont au menu de la rencontre avec Emmanuel Macron, qui devrait s’achever vers 19h. Une conférence Ukraine/France est prévue à la mi-décembre sur la reconstruction du pays actuellement ravagé par la guerre. Elle assurera une forme de suivi à la conférence sur la reconstruction de Lugano les 4 et 5 juillet. Paris a, de source diplomatique, pesé lourd pour que les conclusions du Conseil de l’UE sur la Suisse soient repoussées. Objectif: obtenir que Berne, d’une façon ou d’une autre, fasse le premier pas.

Nouvelle «discussion exploratoire à Bruxelles»

Livia Leu risque d’entendre ce vendredi le même refrain à Bruxelles, où elle mène une nouvelle «discussion exploratoire» dans l’après-midi. La Commission est murée dans un silence de plomb au sujet de la Suisse. Rien ne filtre. «Le dossier suisse est de moins en moins prioritaire et l’économie pèse lourd», admet un familier de ces questions. La Confédération a beau être le quatrième partenaire commercial de l’Union, l’urgence d’une solution bilatérale est de moins en moins évoquée à Bruxelles. Là encore, c’est de Berne que doit venir le signe.

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