«Un riche ne l’est jamais assez pour consentir à l’être un peu moins», disait le journaliste et philosophe français André Frossard. Une citation qui pourrait parfaitement coller à l’homme d’affaires et entrepreneur Kjell Inge Røkke, l’une des plus grandes fortunes de Norvège.
Pour mémoire, le sexagénaire a quitté au printemps Oslo pour Lugano. Et, dans son pays d’origine, les reproches n’ont pas tardé à fuser à l’attention du milliardaire, qui aurait uniquement déménagé pour «économiser des impôts».
Ce que le principal intéressé conteste avec véhémence. Dans une lettre adressée aux coactionnaires et aux 18’000 employés de sa société d’investissement Aker, il assure en substance être tombé amoureux de Lugano, le paradis ensoleillé de la Suisse.
«Pendant la pandémie, j’ai appris à travailler de partout», amorce-t-il pour justifier son départ. Il enchaîne: «La Suisse est située au centre de l’Europe. Lugano n’est pas vraiment connue comme la ville la moins chère avec les impôts les plus bas.» En outre, il faut noter que le siège de son empire reste toutefois en Norvège.
Mais le mal est fait. L’image de l’évadé fiscal lui colle désormais à la peau. Cependant, de nombreux Norvégiens font preuve de compréhension puisque leur nation a effectivement des impôts sur la fortune élevés et a encore récemment augmenté l’imposition de la fortune commerciale.
«Imbattable comme plaque tournante»
La «Handelszeitung» rapporte que Kjell Inge Røkke n’est de loin pas le seul Norvégien à avoir été attiré par la Suisse ces derniers mois. Plus d’une dizaine d’autres ont fait le même trajet.
Francis Stückrath Hay, notamment, réside depuis septembre à Hergiswil, dans le canton de Nidwald. L’investisseur immobilier pèse 233 millions de francs. Son nouveau domicile et ses conséquences fiscales peuvent représenter quelques millions d’économie par an. Il est donc particulièrement intéressant de déménager au bord du lac des Quatre-Cantons.
Mais rares sont ceux qui l’admettent ouvertement. Hans Jacob et Randi Sundby, par exemple, contestent les raisons fiscales de leur déménagement à Meggen, dans le canton de Lucerne. «Nous voulons nous développer et suivre nos affaires à l’étranger», argumentent les fondateurs de la plus grande chaîne de jardins d’enfants de Norvège. La Suisse est imbattable en tant que «plaque tournante» vers d’autres pays. Mais les dirigeants ne veulent pas pour autant ouvrir de filiales en Suisse.
«La Suisse est un beau pays»
L’un des sportifs les plus célèbres de Norvège a également été attiré par la Suisse. L’octuple champion olympique de ski de fond, Bjørn Dæhlie, vit à Zoug depuis le début de l’année. Une région bucolique, apaisante, où la fiscalité est aussi avantageuse.
Les critiques dans son pays n’ont pas manqué. Mais celui qui est aujourd’hui entrepreneur n’y a pas prêté attention. «Je n’ai vraiment qu’un seul commentaire à faire: j’ai déménagé et tout se passe bien», glisse-t-il en réponse à la polémique. Il ajoute: «La Suisse est un beau pays. Cela me rappelle beaucoup la Norvège. Je m’y sens bien». Gageons que d’autres riches Norvégiens lui emboîteront bientôt le pas!