De nombreuses preuves accablantes
Voici comment Daniel Vasella a triché pour réduire ses impôts

L'ancien patron de Novartis Daniel Vasella a soi-disant déménagé à Monaco en 2013. Il a ainsi pu économiser d'importants impôts. Mais les autorités fiscales suisses ont prouvé qu'il n'y vivait pas effectivement. Et lui demandent désormais de passer à la caisse.
Publié: 30.01.2023 à 21:08 heures
|
Dernière mise à jour: 30.01.2023 à 21:09 heures
1/5
Daniel Vasella prétendait vivre à Monaco - mais de nombreuses preuvent l'accablent à présent.
Photo: Philippe Rossier
Jean-Claude Raemy

L'optimisation fiscale est un sport populaire. Mais lorsqu'un Suisse richissime recourt à des moyens déloyaux pour ne pas avoir à payer des impôts élevés, la population ne fait pas vraiment preuve de compassion.

Un jugement définitif du Tribunal administratif de Zoug datant de 2020, dont la «SonntagsZeitung» a eu connaissance, montre comment Daniel Vasella a procédé. Et tous les efforts qui ont été nécessaires pour le coincer.

L'évasion fiscale vers Monaco

Le point de départ de l'histoire se passe en 2013. Daniel Vasella quitte alors la présidence du conseil d'administration de Novartis. Selon des estimations, il aurait gagné près de 400 millions de francs au sein du groupe pharmaceutique bâlois depuis l'an 2000. Pour son départ, Novartis lui offre une indemnité d'une valeur approximative de 72 millions de francs, notamment pour qu'il ne rejoigne pas la concurrence. Cette somme fait beaucoup parler et la Suisse est indignée. Daniel Vasella indique peu après qu'il renonce à cet argent.

Mais il ne le fait que partiellement. Il se fait tout de même verser 8 millions d'indemnités de licenciement. Il déclare à Blick qu'il s'installe aux États-Unis, ce qui se révèlera plus tard être une manœuvre pour tromper son monde. Au lieu de cela, il s'installe dans le paradis fiscal de Monaco. Il conserve sa villa à Risch (ZG)... Et y emménage à nouveau en 2016, en toute discrétion.

Voilà comment Vasella a été condamné

Comme Monaco ne prélève ni impôt sur le revenu ni impôt sur la fortune, Daniel Vasella fait des économies considérables pendant trois ans. Seulement voilà: pour bénéficier de l'exonération fiscale, il faudrait qu'il réside effectivement à Monaco. Or, les enquêteurs fiscaux zougois démontrent de manière méticuleuse que ce n'était pas le cas. Petit florilège de preuves accablantes:

1

La consommation d'eau et d'électricité

Un grand classique: selon la facture, le couple Vasella ne consomme que 36 mètres cubes d'eau entre avril et décembre 2013 à Monaco - dans un appartement de cinq pièces avec piscine. Sur la même période, la consommation d'eau dans la villa au bord du lac de Zoug est de 1184 mètres cubes. Daniel Vasella évoque à ce propos ses enfants et la femme de ménage, qui sont temporairement présents dans la villa.

Mais les autorités ne le croient pas lorsqu'il affirme que cela entraîne une consommation d'eau 32 fois supérieure à celle de Monaco. En outre, la consommation d'électricité à Zoug est également onze fois plus élevée qu'à Monaco.

2

Le téléphone portable

Daniel Vasella ne veut pas donner aux autorités l'accès aux données de son téléphone portable pour cette période, même en noircissant les noms et les numéros. Le tribunal soupçonne que les données de localisation joueraient contre lui. Il affirme que son épouse n'a pas du tout utilisé de téléphone portable à Monaco. Pourtant, même sur la ligne fixe, il n'y a quasiment pas de frais de communication.

3

Fausses entrées dans le calendrier

L'accusé met à disposition son calendrier Outlook avec ses jours de séjour à Monaco et à Risch. Or, l'administration fiscale peut y relever 33 cas où il est prouvé que Daniel Vasella a utilisé une carte de crédit à Zoug alors que, selon le calendrier, il aurait dû se trouver à Monaco.

4

Les vols au départ de Zurich

Monaco n'a pas d'aéroport. Ceux qui y vivent utilisent généralement l'aéroport de Nice, situé à proximité. Le couple Vasella effectue 160 vols entre 2013 et 2015, dont un seul a Nice comme point de départ. Autrement, les vols partent presque toujours de Zurich. Daniel Vasella explique qu'il se rendait à chaque fois en voiture de l'aéroport de Zurich à Monaco, ou inversement. Cela représente environ 6,5 heures de trajet. Pourtant, Nice, troisième aéroport de France, est relié au reste du monde et aurait été un point de départ plus pratique que Zurich pour ces nombreux voyages.

5

Décomptes postaux et de cartes de crédit

Daniel Vasella ne met à disposition les décomptes de ses cartes de crédit que pour des périodes limitées. Il n'y a pratiquement pas de paiements pour ses séjours à Monaco. Il invoque une vie retirée à Monaco et le fait qu'il a payé l'aide ménagère en espèces. Pendant ce temps, une aide ménagère de Risch fait chaque semaine des achats par carte de crédit, dont des capsules Nespresso pour 100 à 200 francs. Ce n'est probablement pas pour sa propre consommation, en l'absence du maître de maison. Enfin, Daniel Vasella ne fait pas suivre son courrier à Monaco. Tous les courriers arrivent à Risch.

Vasella garde le silence

Dans la lettre du tribunal, Daniel Vasella invoque le fait que les incohérences ne s'opposent pas à ce que lui et sa femme aient séjourné «principalement» à Monaco. Il ne veut toutefois pas répondre aux questions sur le sujet. Le Tribunal administratif de Zoug estime en tout cas que les Vasella ne peuvent pas prouver leur transfert de domicile à Monaco et qu'ils vont perdre dans l'affaire judiciaire.

Le montant de l'impôt que Daniel Vasella ne voulait pas payer et pour lequel il a effectué le déménagement fictif à Monaco reste inconnu. Il est peu probable qu'il ait fait cet effort uniquement pour payer un impôt sur les 8 millions de francs d'indemnités de licenciement.

Daniel Vasella a dû supporter l'ensemble des frais de la procédure, qui ont été fixés à 25'000 francs «en raison du temps et du travail exceptionnellement élevés, de l'importance et de la difficulté» de la tâche.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la