«C'est une expropriation déguisée»
Mensonges, pressions: Sa commune est prête à tout pour lui enlever sa maison

Christian Mühldorfer se bat contre la commune d'Obersiggenthal qui veut démolir sa maison vieille de 200 ans pour construire un lotissement. Malgré les tentatives d'achat et les astuces juridiques, le propriétaire tient bon et porte plainte pour violation de domicile.
Publié: 24.09.2024 à 13:26 heures
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Il s'agit de cette maison située sur la Sternenplatz dans le quartier de Nussbaumen. Depuis 2019, un plan prévoit une construction sur la parcelle à côté de sa maison.
Photo: Google
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Sebastian Babic
La famille Mühldorfer en a assez. Olga (41) et Christian Mühldorfer (59) avec leur fils Christian jr (7) sont harcelés par la commune d'Obersiggenthal AG, selon leurs dires.
Photo: Sebastian Babic

Christian Mühldorfer est au beau milieu d'un chemin de croix. Enfin, c'est plutôt sa maison qui s'y trouve. Sa demeure, vieille de 200 ans, se situe à côté de la Sternenplatz à Obersiggenthal (AG). Seulement voilà, la commune est propriétaire du terrain adjacent et compte y ériger un nouveau lotissement. Et comme si cela ne suffisait pas, Christian Mühldorfer bénéficie, selon le registre foncier, du droit d’utiliser 14 places de parking sur le terrain communal devant chez lui. Autant dire que les ambitions de la municipalité s'en trouvent compromises.

Sa maison et les places de parking occupent une partie de la surface qui pourrait être concernée par le projet de construction. Pour la commune, le mieux serait que lui et sa maison disparaissent.

Mais les tentatives d'achat ayant échoué, la municipalité semble avoir changé de stratégie et se lance dans une série de manœuvres juridiques que Christian Mühldorfer perçoit comme de l’intimidation. «Parce que je refuse de vendre, ils essaient de m’épuiser», dénonce-t-il. L'affaire a pris une telle tournure que même le canton d'Argovie s'est emparé du dossier, critiquant sévèrement la commune pour ses méthodes. Entre absence de comptes-rendus, mesures judiciaires abusives et fausses informations, les accusations sont lourdes. Christian Mühldorfer va même jusqu'à accuser la municipalité de violation de domicile, et une plainte a été déposée. Mais comment en est-on arrivé là?

En 2015, Christian Mühldorfer acquiert cette maison sur le Sternenplatz. Au rez-de-chaussée se trouve le bar «3-Sternen», tandis que les étages sont occupés par des petits studios qu'il loue à prix abordable.

Peu après l'étude : la commune échoue à acheter une maison à Mühldorfer

En 2019, la commune d'Obersiggenthal commande une étude sur la construction du lotissement. Elle élabore quatre variantes: «Dans deux d'entre elles, ma maison est purement et simplement démolie. Mais je ne l'ai appris que des années plus tard», s'énerve Christian Mühldorfer.

Peu après, la commune tente d'acheter le bâtiment: «On a toujours fait pression sur moi pour que je donne un prix d'achat.» Il donne donc un prix nettement supérieur à la valeur de l'immeuble: «Je n'étais pas intéressé à vendre. Ensuite, il n'y a plus eu de contact pendant un an.»

En revanche, les querelles juridiques commencent. Dès 2019, Christian Mühldorfer est contraint de déposer une demande de permis pour des modifications qui avaient pourtant été faites bien avant son arrivée. Il s'énerve: «J'ai quand même envoyé les plans.» Mais la commune met trois ans à réagir, et lorsque finalement elle se manifeste en 2023, elle l’accuse d'avoir fait des travaux qu'il n'a jamais réalisés, comme l'ajout de cuisines et de salles de bains dans certaines chambres.

Possible violation de domicile

Deux mois plus tard, la commune et Christian Mühldorfer conviennent d'un contrôle de sécurité incendie. Christian Mühldorfer manque le rendez-vous. Deux représentants des autorités présents sur place accèdent tout de même à l'intérieur du bâtiment en attendant qu'une locataire ouvre la porte. Ils la retiennent ensuite. La scène est visible sur une vidéo de surveillance. Christian Mühldorfer a entre-temps porté plainte.

En mars 2024, c'est le choc: «En raison de la visite, qui s'est déroulée sans moi, la commune a voulu m'interdire la relocation de mes chambres par des mesures préventives. De plus, l'effet suspensif m'a été retiré.» Ce qui signifie qu'il n'a pas le droit de se plaindre jusqu'à la fin de la procédure. «C'est une expropriation déguisée, s'indigne-t-il. On m'a donné 45 jours pour fournir un permis de construire. Si je n'avais pas réussi à le faire, je serais probablement en faillite.» 

Le canton réprimande sévèrement la commune

Christian Mühldorfer se plaint par écrit auprès du canton d'Argovie, et la réponse est sans appel: la commune est sévèrement blâmée. La commune aurait omis d'établir un procès-verbal des visites, ce qui fait qu'il manque une base pour les décisions. Les affirmations concernant la protection contre les incendies sont générales. Il manque un état des lieux concret.

De plus, les mesures préventives qui ont interdit à Christian Mühldorfer de relouer ses chambres sont inappropriées et disproportionnées. S'il y avait un risque en matière de protection contre les incendies, la commune aurait dû intervenir il y a des années déjà, notamment parce que les conditions dans le bâtiment étaient connues des autorités depuis des décennies, selon le canton.

Reconnaissance indirecte de la culpabilité des autorités

Interrogée par Blick, la commune tente de se défendre. Selon elle, les visites étaient informelles et aucun procès-verbal n'a donc été rédigé. De plus, les mesures préventives n'ont été prises que pour clarifier la situation. En raison de la procédure en cours, la commune ne peut rien dire sur les autres reproches. Le 12 septembre, la commune s'adresse alors pour la dernière fois à Christian Mühldorfer: «Nous renonçons à faire appel de la décision du canton.» Une gifle pour la commune. Elle souhaite toutefois organiser rapidement une visite de l'immeuble, comme l'exige le canton.

Cependant, la bataille n’est pas terminée pour Christian Mühldorfer. Pour lui, le combat continue, avec toujours la même volonté: rester chez lui, malgré la pression.

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