Après 167 ans d'existence
La fin de Credit Suisse, une page de l'histoire du pays qui se tourne

Le 16 juillet 1856, Alfred Escher fondait Credit Suisse. C'est aujourd'hui la fin d'un pan de l'histoire économique suisse, avec son rachat par UBS pour 3 milliards de dollards.
Publié: 20.03.2023 à 06:37 heures
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Dernière mise à jour: 20.03.2023 à 06:42 heures
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Les étrangers comparent souvent le siège de Credit Suisse sur la Paradeplatz de Zurich à un grand hôtel.
Photo: Getty Images
Ulrich Rotzinger

Credit Suisse est d'importance systémique, cruciale pour la place financière de notre pays, permettant d'assurer, avec d'autres, le bon fonctionnement du trafic des paiements des entreprises suisses et des petits épargnants. Une grande banque avec une histoire tout aussi grande.

Il y a 167 ans, la Suisse était un pays en voie de développement en ce qui concerne les banques. Elle était donc peu propice à l'essor industriel auquel aspirait Alfred Escher (1819 - 1882). Pour financer le développement des chemins de fer en Suisse, ce père de la Suisse moderne a fondé sa propre banque, la première de la ville de Zurich: Credit Suisse.

Première banque de la ville de Zurich

La banque débute ses activités le 16 juillet 1856 sous le nom de Schweizerische Kreditanstalt (SKA). A l'époque, Alfred Escher n'a que 37 ans. Ses clients étaient des marchants et des grands bourgeois libéraux-conservateurs. Alfred Escher a ouvert le siège de la SKA sur la Paradeplatz en 1873.

A l'époque, la banque a financé la construction des chemins de fer, mais pas seulement. La Rentenanstalt (aujourd'hui Swiss Life) était au départ une filiale de la SKA. La banque d'Alfred Escher a apporté son aide au démarrage à la Schweizer Rück (Swiss Re), à Helvetia Feuer, à la société d'assurance Zurich Financial Services, à la Banque commerciale de Bâle, ou encore à la Société de Banque (qui fait aujourd'hui partie de l'UBS).

Le scandale de Chiasso et Rainer E. Gut

La SKA n'a pas seulement aidé des entreprises importantes à démarrer, elle a également été à l'origine de scandales. Le premier fut le scandale de Chiasso en 1977. L'année précédente, la banque s'était offert un nouveau logo pour son anniversaire, et avait distribué près d'un million de bonnets de ski à des fins commerciales. Au Tessin, une affaire de fraude de plusieurs milliards de francs a éclaté. La Société de Banque et la Banque nationale, entre autres, voulaient aider l'entreprise avec des crédits, mais la SKA a refusé et a maîtrisé la crise avec ses propres moyens.

L'année du scandale de Chiasso, Rainer E. Gut est arrivé à la tête de l'établissement. Avec ce puissant manager bancaire suisse – aujourd'hui président honoraire de Credit Suisse – la banque s'est transformée dans les années 1980 en un groupe international, un acteur mondial. La culture américaine de la banque d'investissement a fait son entrée sur le marché suisse.

Un établissement de crédit à Wall Street

C'est à New York, à Wall Street, que Credit Suisse First Boston a vu le jour en 1988. Un an plus tard, la holding Credit Suisse englobe la SKA. Cette structure n'a pas duré longtemps. En 1997, elle est devenue le Credit Suisse Group avec quatre unités d'affaires autonomes. Le nom vénérable de la SKA disparaît.

Risques élevés, bénéfices élevés: au fil du temps, la tradition bancaire suisse de gestion de fortune a été de plus en plus éclipsée par la maximisation des profits à l'anglo-saxonne.

Les bénéfices de cette stratégie sont rendus apparents pendant la crise financière, car en février 2007, le CEO de Credit Suisse de l'époque, Oswald Grübel, a annoncé sa démission en présentant des résultats records. Le banquier d'investissement Brady W. Dougan prend les commandes.

L'UBS a besoin de l'aide de l'Etat, le Credit Suisse s'en passe

Alors que l'UBS a dû être sauvée par l'Etat en 2008, Credit Suisse a pu survivre sans l'aide directe de l'Etat. Pour cela, elle a fait monter les Qataris à bord, grâce à un accord.

A cette période, une crise économique d'une ampleur historique faisait rage. Conséquence: toute l'économie mondiale vacillait à cause de transactions opaques. Les gouvernements du monde entier ont tenté d'éviter le pire. Comme dans d'autres pays, les réglementations ont été renforcées en Suisse.

Le 150e anniversaire de la banque Escher était l'occasion en 2006 d'une restructuration du groupe. Elle s'est dotée d'un nouveau logo et a adopté la stratégie One Bank. Fin 2016, dans le cadre de la législation «too big to fail», les activités suisses de la grande banque sont transférées à la nouvelle société Credit Suisse AG. Avec Tidjane Thiam à la tête de Credit Suisse – renversé en 1999 alors qu'il était ministre de la Côte d'Ivoire – la banque s'est faite belle pour les clients sur le marché national.

C'est à ce moment que la série de scandales et d'erreurs de gestion a vraiment commencé. Avec de tristes conséquences pour la grande banque de 167 ans. La sculpture en bronze du fondateur visionnaire de la banque, Alfred Escher, à la gare centrale de Zurich rappellera aux générations futures le destin tragique de Credit Suisse.

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