Les publicités et les actions pour les fraises espagnoles en hiver, c’est fini chez Aldi Suisse. La raison? Une enquête de la Fédération romande des consommateurs (FRC) en mars qui pointait le «marketing agressif» de la grande distribution et qui a fini par payer.
Selon la FRC, les actions qu’elle pointent du doigt depuis plusieurs mois sont à l’origine de la forte demande pour les fraises espagnoles et brouillent la notion de saisons. Elle se félicite ce jeudi dans un communiqué d’avoir convaincu le groupe de magasins hard-discount: «Lorsque les baies suisses arrivent en mai, les consommateurs sont déjà passés aux fruits d’été, regrette-t-elle. Les produits locaux sont pourtant supérieurs aux ibériques en termes de durabilité. Qu’il s’agisse des atteintes à l’environnement dues à la proximité du parc naturel de Doñana et à la situation hydrique, ou du manque de protection des ouvriers agricoles.»
De son côté, Aldi confirme à Blick avoir renoncé à faire de la publicité pour les fraises d’Espagne en dehors de la saison des fraises en Suisse. «Ce point est conforme à notre philosophie selon laquelle les produits de la région et de saison, ainsi que le caractère suisse d’un produit, nous tiennent à cœur, affirme son service de presse. Nous attachons une grande importance à la Suisse en qualité de pays de production et de transformation et nous élargissons constamment notre gamme de produits helvétiques.»
Bonne nouvelle ou greenwashing?
Cette annonce est une vraie victoire pour la FRC, qui précise rester critique quant au reste de l’assortiment et «attend des actions supplémentaires concernant la transparence de l’information». Après l’effet d’annonce, la décision d’Aldi Suisse est-elle vraiment une bonne nouvelle puisque le groupe continuera de proposer des fraises espagnoles durant l’hiver dans ses rayons? Autrement dit, s’agit-il seulement d’un coup de communication qui fleure bon le greenwashing?
Aldi répond par la négative: «À l’avenir, nous nous sommes fixés comme objectif de nous concentrer encore plus sur les produits régionaux provenant de Suisse, de développer ce domaine de manière continue et de soutenir les producteurs locaux. Cela signifie que nous tiendrons compte des aspects tels que les conditions saisonnières dans l’optimisation de notre gamme de produits et que nous adapterons également nos communications dans ce sens.»
Des intentions qui ressemblent pour l’instant à un vœu pieux. «Cette renonciation à faire de la publicité concerne actuellement seulement la publicité pour les fraises espagnoles en dehors de la saison des fraises en Suisse», concède Aldi.
«Maintenir la pression»
Un petit pas chaudement salué par la FRC mais qui ne lui suffit pas. «C'est un bon début car nous avons pu prouver que la publicité et les actions étaient la cause d'une grande partie des ventes, réagit Laurianne Altwegg, responsable Environnement et Agriculture de l'association. Nous allons continuer notre travail et maintenir la pression pour que les détaillants prennent des mesures similaires sur d'autres produits hors-saison.»
L’association de défense des consommateurs compte par ailleurs poursuivre son engagement auprès des autres grands distributeurs, «en faveur d’un assortiment plus proche des saisons suisses et en phase avec les déclarations des détaillants en matière de durabilité».
Migros ferait déjà beaucoup
Contacté par Blick, Migros indique ne pas avoir attendu les résultats de la FRC pour agir. «Migros a déjà renoncé aux promotions sur les fraises jusqu'au début du mois de mars de cette année 2021, explique son porte-parole, Tristan Cerf. Ceci concerne tant les actions que les publicités et les recettes publiées dans nos divers canaux. Nous avons l'intention de faire de même à l'avenir. Migros encourage également la consommation durable avec son système d’évaluation M-Check, qui permet de comparer le bilan CO2 notamment des fruits, légumes et autres denrées alimentaires et de contribuer ainsi à une plus grande durabilité.»
Concernant les revendications de la FRC, Tristan Cerf indique que Migros a rencontré l’association il y a environ deux mois, toujours à propos des fraises. «Elle nous a exposé sa campagne et nous a montré des photos prises dans nos filiales, celles-ci montraient des situations bonnes et des situations moins bonnes.»
Le porte-parole indique que Migros a pris note des remarques et que «les cas limites» seront réglés. «En retour, nous leur avons présenté ce que nous faisons déjà, lance Tristan Cerf. Nous avons notamment des relations à longs termes avec des fournisseurs que nous connaissons et que nous allons visiter. Nous pouvons certifier que les fruits que nous recevons sont produits dans des conditions sociales et durables acceptables.»
Confrontée aux propos de Tristan Cerf, Laurianne Altwegg rétorque que renoncer à la publicité jusqu’en mars est une demi-mesure: «Les consommateurs attendent des engagements qui ont un réel impact sur les ventes.» Elle précise également que l’une des principales critiques de la FRC visait le marketing de Migros qui serait en décalage avec la réalité du terrain. «Ils ne peuvent pas clamer que leurs fraises espagnoles sont durables, alors que la situation ne s’est pas améliorée sur place», insiste-t-elle. Le bras de fer est loin d'être terminé.