«Alain Berset est un homme en téflon: rien ne peut l'atteindre, tout rebondit sur lui.» C'est avec ces mots que la cheffe de la rubrique politique de Blick, Sermîn Faki, résume sur Blick TV une journée qui s'annonçait à forte intensité, à Berne. Surtout pour un homme, le président de la Confédération, au centre de toutes les polémiques depuis une dizaine de jours et les révélations de la «Schweiz am Wochenende» devenues «Corona Leaks».
Le Fribourgeois devait s'expliquer, et plutôt trois fois qu'une: d'abord devant ses collègues du Conseil fédéral, réuni pour la première fois depuis l'éclatement de l'affaire, puis devant la presse à Berne et enfin à 150 km de là, à Genève, sur le plateau d'«Infrarouge».
Une preuve que le Fribourgeois a su s'en sortir, une fois de plus, avec un numéro d'équilibriste dont il a le secret? Quelques heures à peine après la conférence de presse du Conseil fédéral, celle-ci n'est même plus sur la page d'accueil des sites d'actualité.
Vous n'avez pas suivi? Dans l'après-midi, le vice-chancelier André Simonazzi a lu une déclaration qui expliquait, en substance, que la confiance était rétablie au Conseil fédéral. Une conclusion à laquelle le gouvernement, réuni à six — Alain Berset n'a pas participé aux débats —, est parvenue parce que le président de la Confédération a assuré qu'il ignorait toute fuite dans son département.
Les journalistes frustrés
Après avoir visiblement convaincu ses collègues, le plus jeune membre du gouvernement (50 ans) a fait face à un feu nourri de la part des journalistes accrédités au Palais fédéral. Ceux-ci ont tout essayé, mais ils n'ont rien obtenu de la part du Fribourgeois. Pas même de savoir s'il s'était lui-même récusé, ou s'il avait été invité à le faire.
Frustré, un journaliste présent lors de la conférence de presse a demandé pourquoi il était possible de poser des questions sur l'affaire si aucune réponse n'allait être donnée. Le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi a alors coupé court à la discussion.
L'occasion était donc royale pour un autre journaliste: Alexis Favre. Ce 25 janvier était en effet réservé de longue date pour la venue d'Alain Berset dans «Infrarouge», l'émission de débat de la RTS. Invité en qualité de président de la Confédération, le socialiste a eu droit à un face-à-face avec le présentateur en guise d'introduction à l'émission. «On ne peut pas ne pas parler de l'éléphant qui est dans la pièce», a prévenu Alexis Favre.
Une affaire «pour les journalistes»
Du haut de son double-mètre, le journaliste allait-il réussir à déstabiliser Alain Berset? Les téléspectateurs n'ont pas dû attendre longtemps avant de découvrir la réponse: non, le Fribourgeois ne comptait pas concéder un poil de terrain supplémentaires sur les fameux «Corona Leaks». «J’ai dit tout ce que j’avais à dire, il ne faut pas régler les affaires devant le tribunal médiatique», a exhorté le président de la Confédération.
Alain Berset a même estimé qu'il s'agissait d'un dossier qui préoccupe «avant tout les journalistes». «J'ai reçu de nombreux courriers et on m'interpelle dans la rue pour me demander ce qu'était cette histoire médiatique alors que la population a d'autres problèmes», a riposté le grand invité d'«Infrarouge». Pour qui l'enjeu de la séance de ce mercredi du Conseil fédéral était plutôt la surcharge des hôpitaux.
Bien préparé, Alexis Favre a eu beau revenir plusieurs fois à la charge, plaidant même la non-existence du secret d'instruction en Suisse, pourtant utilisé par Alain Berset pour se murer dans le silence. «Donc, ne rien dire est un choix de votre part, n'est-ce pas?», a interrogé le Genevois, rappelant qu'un certain Pierre Maudet avait utilisé la même stratégie. Une référence qui a eu le don d'irriter Alain Berset, plutôt joueur durant le restant de l'émission.
On n'a ainsi rien appris sur les «Corona Leaks», mais davantage sur la vie du ministre de la Santé. Alain Berset a pu passer des vacances de ski «pour la première fois depuis des années», puisque les précédents hivers ont été marqués par la pandémie. «Des skis carving d'un rayon de 17 mètres et demi», a-t-il précisé, tout sourire.
«Je ne pensais pas pouvoir travailler autant»
Le président de la Confédération a tout de même relevé que l'ambiance générale était bien différente de 2018, date de son premier «passage» à la tête du pays, et que son costume de président était bien plus lourd à porter. «Qui aurait pensé que l'on aurait une guerre en Europe et des soucis énergétiques et d'inflation cinq ans plus tard?», a-t-il interrogé, un peu à la manière d'un Emmanuel Macron le jour de l'An. Alain Berset a d'ailleurs évoqué ses propres vœux pour 2023. «J'ai rappelé l'importance des institutions, sans savoir ce qui m'attendait», a-t-il souri, en référence aux «Corona Leaks».
Un dossier qui ne semble donc pas l'affecter, au contraire de la pandémie, qui lui a appris beaucoup de choses sur lui-même, a-t-il confessé. «Je ne pensais pas que je pouvais travailler autant. J'ai besoin de dormir 6 à 7 heures par nuit, mais le reste du temps, je n'ai fait que travailler. Je mangeais à mon bureau», a raconté Alain Berset, pour qui la période a été brutale pour tout le monde, des écoliers aux résidents d'EMS en passant par les politiciens.
Le Fribourgeois a donc appelé à un retour à une «bienveillance sociale». Et les «Corona Leaks», dans tout cela? «Nous avons eu aujourd'hui la première séance du Conseil fédéral, j'ai enfin pu m'expliquer et je me réjouis de répondre à toutes les questions des commissions de gestion, et ce au plus vite», a conclu Alain Berset. «Merci d’avoir presque répondu à mes questions», a ironisé Alexis Favre.