Le Covid l’a transformé en lobbyiste le plus connu de Suisse. Casimir Platzer est le président de la faîtière Gastrosuisse et donc en quelque sorte le «premier restaurateur du pays». L’homme qui doit défendre les intérêts des tenanciers a choisi de s’opposer à l’éventuelle extension de l’utilisation du certificat Covid pour les restaurants, actuellement mis en consultation par le Conseil fédéral. Son refus des mesures et son opposition de principe le mettent toutefois en conflit avec maints restaurateurs, qui estiment que le certificat pourrait être un moindre mal.
Nous vous avons déjà parlé de Michel Péclard, restaurateur vedette qui dirige plus d’une dizaine de restaurants à Zurich et ses environs. Son incompréhension face à la position de Casimir Platzer a encore monté d’un cran depuis notre dernier article: «il a fait une erreur. Si le nombre de cas augmente encore, nous allons devoir fermer boutique en hiver, une fois de plus. C’est là que ce sera vraiment difficile.»
«Je suis agacé par l’attitude de Gastrosuisse»
Michel Péclard reçoit un soutien croissant de ses confrères. Dirk Hany, propriétaire du Bar am Wasser sur le Stadthausquai de Zurich, écrit sur Facebook: «J’en ai assez de jouer au policier tous les soirs: 'Veuillez mettre votre masque, veuillez vous asseoir, veuillez vous enregistrer, veuillez vous tenir à deux mètres de la personne à côté de vous à la table'. Comme ce serait bien si tous les restaurants pouvaient à nouveau fonctionner normalement, sans distance, sans grandes restrictions… Avec le certificat, ce serait possible!»
Florian Reiser, propriétaire des restaurants Focacceria de Saint-Gall, Wil et Herisau en Suisse orientale, monte également au créneau: «Râler sans cesse ne sert à rien! L’attitude de Gastrosuisse m’agace. La résistance aux mesures est contre-productive.» Les pleurnicheries constantes énervent les gens. L’association ferait mieux d’utiliser son énergie pour faire campagne en faveur d’un soutien accru aux restaurateurs, estime Florian Reiser. «Ce qui me manque chez Gastrosuisse, ce sont des impulsions entrepreneuriales et positives et la capacité de mener des négociations difficiles pour obtenir de la Confédération et des cantons le soutien dont les restaurateurs ont besoin de toute urgence et avec lequel la gastronomie pourrait gérer la crise.»
Sigi Gübeli, qui dirige l’hôtel et le bar Platzhirsch à Zurich, est également critique. «Casimir Platzer appuie trop sur le bouton de la pitié à mon goût. L’ensemble du secteur n’est pas aussi pauvre et défavorisé qu’il le prétend.»
Ras-le-bol des pleurnicheries de Casimir Platzer
L’industrie hôtelière est également plus détendue que Casimir Platzer en ce qui concerne l’exigence du certificat. Andreas Züllig, président de l’association Hotelleriesuisse, préfère l’obligation de certificat à un nouveau confinement. «Dans d’autres pays, le certificat obligatoire existe déjà.» Il admet toutefois que pour certains types d’entreprises, cela entraîne des pertes. «Les cafés qui accueillent beaucoup de clients de passage sont particulièrement touchés. Les gens ne se feront pas tester pour un café et un gâteau ou pour une bière après le travail», admet Andreas Züllig.
Entre lobbyistes, il n’est pas de bon ton de se critiquer. Andreas Züllig ne prend donc pas position contre son confrère de chez Gastrosuisse: «Nous avons aussi besoin de voix qui défendent un peu plus fort les intérêts de nos secteurs. Chez Hotelleriesuisse, nous avons suivi une autre voie. Nous essayons d’agir de manière constructive et orientée vers la recherche de solutions.»
Christa Augsburger, directrice de l’école suisse d’hôtellerie de Lucerne, est plus explicite: «de nombreux restaurateurs en ont assez de la mentalité de Casimir Platzer. Et cela depuis le début de la pandémie. Tout le monde ne supporte pas ses éternelles critiques contre le Conseil fédéral.»
Christa Augsburger parle d’un fossé entre les villes et les campagnes: «Dans les zones urbaines, les gens comprennent les mesures. À la campagne, dans un pub, les habitués voient probablement les choses un peu différemment.»
Casimir Platzer nous raccroche au nez
On constate en effet que de nombreux aubergistes que nous avons contactés dans des régions plus périphériques partagent l’animosité de Casimir Platzer envers les mesures du Conseil fédéral. Roger Lang, aubergiste du «Rathskeller» et du «Kreuz» à Olten, n’aime pas le certificat: «Nous n’avons pas le personnel, nous n’avons pas le temps et nous ne voulons pas que la police entre pour vérifier. Cela ne crée pas une bonne atmosphère.»
Il affirme également que Casimir Platzer et Gastrosuisse représentent le «propriétaire de l’auberge du Lion d’Or» typique, c’est-à-dire le propriétaire du bistrot de campagne avec un maximum de cinq employés. Les grands restaurateurs des centres urbains, en revanche, peuvent difficilement s’identifier à l’association.
Et que dit le principal intéressé de la résistance dans ses propres rangs? Pas grand-chose. «Avec 30’000 entreprises, vous trouverez certainement des personnes qui ne sont pas d’accord. Je pense que le débat est bon», dit-il et il raccroche brusquement le téléphone. Lui, qui a rarement été à court de commentaires depuis un an et demi, reste pour une fois ostensiblement silencieux.